Souffle acide du vent, larmes brulantes du ciel. Le monde ne ressemble plus aux paysages d'autrefois. Les cataclysmes ont frappé, des colonnes de flammes et de fumées se sont élevées sur l'horizon. La guerre. La guerre des hommes. Et nous, les loups n'avons eu d'autres choix que de fuir. Nombreux furent nos congénères emportés. Nous traversâmes les plaines cabossées, les forêts de cendres, poursuivis par la faim, traqués par la mort.
Notre salut, nous le devions malheureusement à ceux qui avaient provoqué notre malheur.
Djall aime se battre. C'est dans son sang, dans sa chair, dans ses instincts. Plus que tout, elle apprécie la compétition, devoir faire ses preuves et se maintenir au meilleur de sa forme.
Djall se roula sur le sol poussiéreux pour masquer son odeur. En se relevant, elle s'ébroua pour chasser le surplus de particules dans ses poils gris. La jeune louve se lécha le nez en imaginant la déculottée qu'elle allait mettre à Daren. Entre les deux loups s'était installée une forme de compétition. Ils aimaient se taquiner, se chamailler. Cela faisait un moment que la femelle n'avait pas vu son camarade de jeu et lorsqu'elle l'avait croisé par hasard dans les marécages, elle lui avait donné rendez-vous pour un entraînement, histoire de garder la forme. Elle aimait l'ambiance lugubre qui régnait autour de la cabane du chasseur et avait décidé cet endroit pour leur petite bagarre. Djall savait que Daren était capable de l'attaquer en traître dans le dos à n'importe quel moment, avant même d'avoir signaler son arrivée. La femelle se tenait prête, les muscles bandés et les sens à l'écoute. S'il tentait quoi que ce soit, elle saurait rebondir.
Dans un monde où règne la mort Nous combattons les coups du sort Et à sa guise le Destin peut rire A jamais nous nous battrons pour vivre
Encore un entraînement avec cette louve grise au regard clair mais cette fois, je ne lui dois plus le respect dû aux supérieurs. Parce que l'Ange est tombé du Ciel, la Générale a été démise de ses fonctions, et je me fais une joie de le savoir avant de la retrouver. Un sourire sardonique étire mes babines alors que je m'avance dans sa direction, l'observant à distance qui se roule au sol pour nettoyer son pelage soyeux, certainement. Je ricane doucement, pas assez fort pour qu'elle m'entende, et je continue de la regarder à bonne distance, d'observer ses mouvements et de traquer la moindre de ses faiblesses dans son attitude pourtant détendue, quoi que visiblement prête pour ce nouvel entraînement. Finalement, dans le plus grand silence et camouflé par la brume sordide des lieux, je contourne la louve grise et chercher à passer dans son dos sans la quitter des yeux.
Toi ange de tous mes désirs Regardes et apprends à offrir Car dans la peine et la douleur Nous sortirons toujours vainqueurs
Je veille aux mouvements de ses oreilles, qu'elle ne me repère pas avant que je l'aie attaquée, et je continue ainsi de progresser en rampant presque au sol, mettant à rude épreuve les muscles et les articulations de mes membres sans pour autant cesser ma démarche. Bientôt, je suis assez proche pour être certain de ne pas manquer ma première offensive. Alors, dans le plus grand silence je me tapis au sol et je fixe la louve encore de longues secondes. Je bondis brutalement en avant et atterris lourdement sur son dos, roulant au sol avec elle alors qu'elle se retourne comme en réflexe pour me mordre l'épaule, m'empêchant de l'attraper comme je l'avais prévu. Je grogne de surprise mais je ne lâche pas ma prise et resserre mes pattes autour de son bustes pour la dominer alors que nous atterrissons dans la poussière et la boue, salissant son pelage jusque là maintenu propre.
Djall aime se battre. C'est dans son sang, dans sa chair, dans ses instincts. Plus que tout, elle apprécie la compétition, devoir faire ses preuves et se maintenir au meilleur de sa forme.
Djall écoutait les bruits des alentours. Assise près d'un des pans de bois qui formaient la cabane, elle s'imprégnait des odeurs qui l'entouraient. Elle sentit la sève sucrée coulait non-loin sur un tronc. Elle sentit un écureuil qui se promenait de branche en branche au-dessus d'elle. Malheureusement, elle ne sentit ni n'entendit son camarade approcher dans son dos. Elle se doutait qu'une telle attaque était de son style. Une fine brume grise flottait à quelques centimètres au-dessus du sol et masquait les griffes étincelantes de la louve. Sous le soleil couchant, la fourrure argentée de la guerrière scintillait de mille feux. Soudain, sans qu'elle n'ait rien vu venir, une masse imposante l'écrasa et l'emporta dans une roulade folle. L'odeur entêtante de Daren emplit les narines de la jeune femelle qui poussa un grondement agacé et se tordit la nuque pour le mordre à l'épaule. Alors que le mouvement brusque et incontrôlé des deux corps emmêlés s'arrêta, Djall retrouva un certain équilibre précoce sur ses quatre pattes, son parasite blanc toujours sur le dos.
« C'est un coup bas petit asticot. » grogna-t-elle.
La grande femelle attrapa la patte de son assaillant qui lui serrait l'épaule et se jeta avec violence sur le côté pour le désarçonner. Une fois libérée de l'emprise du gros mâle, Djall ne laissa aucun répit à la colombe traîtresse et se jeta dessus tous crocs dehors. Dans un cris guerrier, la belle louve grise plaqua son ennemi au sol avec force et attrapa entre ses mâchoires puissantes le museau de Daren. Elle secoua un peu ce-dernier en agitant la tête, histoire de le taquiner un peu.
La louve s'indigne, se retourne contre moi, parvient à prendre le dessus quelques secondes alors que mon museau se retrouve prisonnier de ses mâchoires. Je gronde entre mes dents, tente d'ouvrir les crocs pour desserrer ses mâchoires et dans une roulade mesurer, je parviens à reprendre l'équilibre dont elle m'a privé en s'éjectant sur le côté. Je balance mes pattes autour d'elle pour reprendre appui sur le sol, ancre mes griffes dans la terre et retire violemment mon museau de son emprise pour plonger aussitôt vers son visage. Je claque des mâchoires tout près de ses yeux, recule et vise en une fraction de seconde pour me jeter sur sa gorge que j'attrape avec rudesse. Je secoue alors la peau de son encolure dans tous les sens en grondant et recule pour l'attirer avec moi sans la lâcher, forçant sur les muscles de mes membres pour l'obliger à me suivre. Je relâche la pression un instant et m'élance dans un bond en arrière pour fuir ses représailles, me jetant dès lors dans une course effrénée. A ma gauche la tanière de bois trône telle une reine et je n'ai plus la possibilité de voir les détails de sa charpente, concentré dans une course folle contre mon adversaire qui m'a pris en chasse. Les oreilles plaquées contre mon crâne je continue de courir et le plus vite possible, me faufile derrière la cabane sinistre pour grimper agilement sur le toit en me servant d'un tas de bois comme d'un escalier pour me hisser là-haut. Je cours à l'autre bout du toit pour ne pas quitter Djall des yeux et me propulse de mon perchoir pour atterrir une seconde fois sur elle, l'écrasant au sol dans un grondement menaçant.
Djall aime se battre. C'est dans son sang, dans sa chair, dans ses instincts. Plus que tout, elle apprécie la compétition, devoir faire ses preuves et se maintenir au meilleur de sa forme.
Djall faisait peut-être la maligne mais il était évident que son adversaire était plus fort qu'elle. Cela, elle l'avait compris à la seconde où Daren l'avait attaquée. Ce-dernier était plus musclé, plus agile et plus rapide que lors de leur dernier entraînement à deux. Il avait beaucoup progressé par rapport à Djall, c'était une évidence. Il était devenu un guerrier puissant qui donnait du soucis à la femelle. Alors qu'elle était en position de dominance, Djall se fit renverser et sentit la truffe de son camarade lui glisser de la bouche. Un claquement résonna dans les oreilles de la louve et le souffle tiède de Daren lui réchauffa l'oeil. Encore sonnée, la combattante n'eut pas le temps d'échapper à son assaillant avant que celui-ci ne l'attrape au cou. Sans appui et à la merci du mâle blanc, Djall se fit trainer sur quelques centimètres et secouer. Elle serra les dents en sentant l'adrénaline monter en elle. Une demi-seconde, la pression sur sa peau se relâcha et la louve grise en profita. Bondissant dans un pic d'énergie, elle voulut atteindre son adversaire mais Daren avait fuis. Il courait en direction de la cabane en bois. Djall s'élança à sa poursuite, l'écume aux lèvres. Le loup couleur neige disparut derrière la bâtisse brinquebalante. Soudain, il apparut sur le sommet de la maisonnette et sauta de là-haut pour se retrouver sur le dos de la guerrière argentée. Encombrée par le poids du gros loup, Djall tituba un instant puis fit une ruade folle en heurtant violemment Daren à la paroi de la cabane, faisant trembler celle-ci. Elle réitéra le geste jusqu'à étourdir suffisamment le bagarreur pour qu'il lâche prise. Une bois débarrassée du parasite pâle, Djall se jeta sur lui sans lui laisser une seconde de répit et prit sa cuisse entre ses mâchoires avant de balancer sans douceur sa tête de gauche à droite comme si elle tentait de lui casser la patte. Une fois satisfaite, elle remarqua que Daren reprenait du poil de la bête et fit volte-face d'un bond leste avant de déguerpir sans demander son reste. La femelle s'éloigna entre les arbres au grand galop pour mettre un peu de distance entre elle et son poursuivant. Elle freina brusquement pour faire face à Daren et bloqua la première attaque de celui-ci en lui lançant de la terre sèche en plein visage.
La louve aurait dû s'écrouler sous mon poids, mais c'est sans compter sa ténacité et la voilà qui rue comme un cervidé avide d'existence. Je parviens à rester agrippé à son dos durant quelques secondes, le temps de deux ruades. La deuxième a pourtant raison de moi et alors que mon dos s'écrase contre la cabane, la louve grise s'élance sans attendre. Je me laisse glisser au sol, reprends mon souffle et me redresse brusquement pour la prendre en chasse. Le sol défile sous mes pattes comme un tapis roulant et, l'espace de cette course poursuite, je ne vois plus que Djall devant moi et mon désir de la rattraper pour la vaincre une bonne fois. Je bondis violemment en avant dans l'espoir de capturer sa croupe entre mes crocs, mais je bascule et glisse dans la terre alors que la poussière envoyée par mon adversaire me brûle les yeux. Je ferme les paupières dans un grondement furieux et me concentre immédiatement sur mes autres sens, tâchant de me rappeler avec exactitude où était Djall l'instant d'avant. Je me propulse de toute la force de mes membres sur la louve grise pour la projeter au sol et, balançant mes mâchoires dans toutes les directions possibles je parviens bientôt à capturer quelque chose de chaud et de musclé pour cette fois-ci ne plus je lâcher, m'acharnant dessus en tâchant d'y laisser de belles marques de crocs sans avoir pour objectif de la blesser à l'en faire saigner. Je suis le premier à jouer des attaques fourbes, mais je déteste quand ma façon de faire se retourne contre moi. Alors je m'acharne sur elle, comme si je souhaitais la dépecer vivante. Je parviens cependant à me contrôler et lorsqu'enfin je sens la faiblesse la prendre au corps, je relâche la pression pour en finir avec cet entraînement qui me lasse. Je me redresse enfin, lui faisant face, essoufflé, et je lui lance un regard entendu. J'en ai eu assez pour aujourd'hui.
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