Souffle acide du vent, larmes brulantes du ciel. Le monde ne ressemble plus aux paysages d'autrefois. Les cataclysmes ont frappé, des colonnes de flammes et de fumées se sont élevées sur l'horizon. La guerre. La guerre des hommes. Et nous, les loups n'avons eu d'autres choix que de fuir. Nombreux furent nos congénères emportés. Nous traversâmes les plaines cabossées, les forêts de cendres, poursuivis par la faim, traqués par la mort.
Notre salut, nous le devions malheureusement à ceux qui avaient provoqué notre malheur.
La caresse du vent aussi douce qu'une plume, aussi lourd soit-il, plaisait à Mystborn. Elle aimait se rappeler les nombreux câlins durant lesquels sa mère lui faisait sa toilette et la brise tiède sur son corps était semblable à la langue râpeuse de Patte d'Ivoire. Même si Mystborn tentait avec ferveur de prendre son envol du nid familial, elle ne cessait de penser à la louve ivoire qui lui avait tout donné. La jeune apprentie-guérisseuse avançait depuis un moment dans la poussière. Parfois, elle avait l'impression que le monde était de poussière. La pauvre voyait la mort partout et elle haïssait ça. Les arbres mourraient, le sol mourrait, les animaux mourraient. Mystborn aimait se promener malgré l'impression morbide qu'elle ressentait souvent, entourée de troncs calcinés et de terre sèche. Elle s'immobilisa et vit au loin un lopin de terre étrangement verdoyant. Sa curiosité venait d'être piquée à vif comme par le dard d'une abeille. Quand elle fut suffisamment proche, elle comprit qu'elle avait affaire à un puits dont l'eau avait d'étrange propriété revigorante. La louve sentit une immense vague de curiosité monter en elle jusqu'à la submerger tant et si bien qu'elle se pencha par-dessus le muret de pierres. Au fond de ce puits, elle vit de superbes plantes étincelantes. Un instincts lui susurra que ces plantes avaient des propriétés particulières. Le puits n'était pas extrêmement profond mais Mystborn ne pourrait pas en sortir d'un bond. Une idée germa dans son esprit à l'image d'une fleur qui sort de terre. Elle s'enfonça dans la forêt jusqu'à trouver une branche morte assez longue et assez épaisse. La branche devait être suffisamment souple pour supporter un poids sans se briser. Mystborn traina sa trouvaille jusqu'au puits et balança l'une de ses extrémités dans le puits, formant ainsi une sorte d'échelle. Une arche de bois rongée par les termites se trouvait au-dessus du puits et une sceau au bout d'une corde s'y balançait. Mystborn prit délicatement entre ses crocs la cordelette comme une mère prend son fils et fit descendre le contenant au fond du puits. La louve y descendit ensuite, prudemment, faisant crisser ses griffes sur la pierre tel des pneus de voiture. Une fois les pattes dans l'eau, elle cueillit avec mille précautions les diverses plantes aux couleurs sublimes et les mit dans le sceau. Là, elle tira doucement sur le bout de corde qui pendait près de sa tête pour remonter sa cueillette. Il ne restait plus à Mystborn qu'à retourner à la surface. La louve s'en tint à son plan et commença à grimper pas à pas le long de la branche. De temps à autre, ses griffes détachaient de gros morceaux d'écorces qui allaient s'écraser au fond du puits comme un oisillon qui tombe du nid. Soudain, un craquement sinistre semblable à un os qui se brise résonna dans le puits et le haut de la branche se cassa. Mystborn sentit son cœur accéléré dans sa poitrine et se mettre à battre comme un tambour furieux. Elle se calma lorsqu'elle se rendit compte qu'avec un saut bien placé, elle pouvait s'extirper du puits. Elle inspira une longue goulée d'air frais avant de se jeter corps et âme vers le haut, poussant un cri de stentor désespéré. Brusquement, ses griffes rencontrèrent la pierre et se mirent à glisser. Mystborn avait réussi à atteindre le muret, maintenant elle allait devoir se tirer elle-même du pétrin, à la force de ses pattes. Ses muscles se mirent à la brûler tant elle forçait. Elle aurait cru qu'un incendie naissait en elle, puis elle sauta dans un dernier geste de désespoir et s'écrasa sur la terre. Elle ne put retenir un soupir de soulagement. La femelle épousseta son manteau couleur corbeau et récupéra les miraculeuses plantes pour lesquelles elle avait risqué sa vie. Sur le chemin du retour, elle se demanda comment Astral, son mentor, allait réagir en découvrant les risques qu'elle avait pris. Peut-être ne le saurait-il jamais.