Souffle acide du vent, larmes brulantes du ciel. Le monde ne ressemble plus aux paysages d'autrefois. Les cataclysmes ont frappé, des colonnes de flammes et de fumées se sont élevées sur l'horizon. La guerre. La guerre des hommes. Et nous, les loups n'avons eu d'autres choix que de fuir. Nombreux furent nos congénères emportés. Nous traversâmes les plaines cabossées, les forêts de cendres, poursuivis par la faim, traqués par la mort.
Notre salut, nous le devions malheureusement à ceux qui avaient provoqué notre malheur.
Le ciel grisâtre se mêlait à l'horizon, balayant la terre de ses vents. Le paysage était percé ça et là d'arbres solitaires. L'herbe secouée ondulait sous mes pattes. Le vent passait délicatement dans ma fourrure, faisant remuer mes flancs. Le sol mouvant formait des arabesques, comme des petites vagues sur un océan brun. Se dressait à l'horizon une silhouette qui coupait le ciel terne. Elle n'était pas naturelle, sa structure avait été créée par les Hommes. Amochée elle était, mais encore fièrement elle touchait les nuages. Un abri, peu accueillant mais toujours un abri. Je m'orientais vers elle, tandis qu'elle grandissait de plus en plus. Bientôt je me retrouvais juste devant elle. La porte était ouverte. Dedans, c'était les ténèbres. Quelques brèches dans le toit laissaient percer la lumière, donnant une ambiance sinistre aux lieux. C'était plutôt grand, le vent faisait claquer des ustensiles métalliques. Je me rapprochais. Hésitant, je tentais un pas sur le plancher. Il y eut un bruit étrange, ce qui me fit reculer. Il n'y a pas raison d'avoir peur, Amann. Je m'engouffrais dans la bâtisse, avalé par les ténèbres. Bientôt ma silhouette disparut totalement. Je croyais maintenant voir des silhouettes courir dans l'ombre, serait-ce mon imagination ? Je pouvais sentir mon corps se réchauffer, je commençais à stresser. Des grincements se faisaient entendre, derrière moi, devant, sur le côté. Je me retournais de touts côtés, me sentant en danger. Je pouvais sentir des souffles sur ma nuque.. Pourquoi avoir peur ? Ce n'est.. ce n'est que le vent et le noir qui me joue des tours.
Accoutumons-nous à considérer la mort comme une forme de vie que nous ne comprenons pas encore. Apprenons à la voir du même oeil que la naissance. Il est tout à fait raisonnable et légitime de se persuader que la tombe n'est pas plus redoutable que le berceau.
force : 2
agilité : 12
endurance : 6
Savait-elle seulement?
Comment mes pas m'avaient-ils porter jusqu'à ce lieux lugubre? Ces lieux déserts d'où prônait parmi les ombres, une maison, une seule. Habitation des hommes, abris de fortune dans la tempête. Je connaissais les maisons assez bien pour avoir grandit sous leurs terrasse, dans leurs poubelles, et en voir une dans ces terres du nord me rendit curieuse. Je devais rentrer, je voulais voir! Voir de mes yeux si d'humains, il existait en ces lieux.
Je me sentais étonnamment proche de ces bipèdes. Je connaissais leur us et coutume bien mieux que celui de mes congénères. C'était étrange, je m'attachais à leur gestes, leurs habitudes. Ils étaient intéressant, et curieux.
Grimpant sur les marches de l'entrée, je pousse la porte du museau. Celle-ci émet un grincement strident, à vous glacer le sang. Chacun de mes pas sur le parquet résonne en écho dans la cabane de bois. Mais alors que j'observe de multiples instruments de torture sur les murs, l'écho de pas étrangers se font entendre à l'entré. Je décide de me cacher dans l'obscurité d'une caisse pleine de poudre et de cordes. Observant discrètement le nouveau venu.
Je l'ai déjà vu. Un loup a la blancheur livide, et aux muqueuses roses telles celles d'un nourrisson humain. Ses yeux étaient du même rose que ceux d'Altaïr, quoi qu'un peu plus clair et transparant. Il semblait rentrer dans son pire cauchemar. Ses poils étaient hérissés et on aurait dit qu'il essayait de se donner le courage de rentrer. Un sourire sadique se dessina sur mes babines . Une idée malsaine m'était venu à l'esprit... J'étais d'humeur guillerette et j'avais envie de "jouer". Bondissant alors de ma cachette, je gronda tel un monstre hors de sa cachette pour l'effrayer un bon coup!
J 'évoluais dans l'environnement sombre, au même titre que ma peur. Je marchais sans repères, même si mon oeil me permettait de voir plutôt bien dans l'obscurité, mon esprit déformait tout ce que je voyais. Le vent devenait de plus en plus violent, et le ciel commençait à gronder. Je comptais chacun de mes pas, qui faisaient grincer le vieux plancher. Chaque chose accrochée au mur devenait une créature, chaque trou blanc dans le toit devenait un visage, un sourire. Soudainement, je me figea. Je pouvais sentir une présence. Il y avait quelque chose ici ?! Lentement et prudemment, je tournais la tête au-dessus de mon épaule, le regard respirant la crainte. Une ombre sauta derrière moi, faisant claquer le sol en poussant un grondement terrifiant. Je bondis de surprise et commença à fuir aveuglément, jusqu'à me heurter à un mur. Je secouais la tête et, à peine rétabli, continua ma fuite. Il me suivait, j'en étais sûr. Alors, attiré par la sortie qui brillait de sa lumière blanche, je fonça vers elle, sortant en trombe du vieux bâtiment. Sans réfléchir, je me mis à courir sans me retourner.
Accoutumons-nous à considérer la mort comme une forme de vie que nous ne comprenons pas encore. Apprenons à la voir du même oeil que la naissance. Il est tout à fait raisonnable et légitime de se persuader que la tombe n'est pas plus redoutable que le berceau.
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endurance : 6
Ma farce avait marché, peut être un peu trop même. Le loup fantome avait détallé bien plus vite que prévus à l'extérieur. Avais-je été trop loin? Mon rire s'effaça très vite de mes babines et de peur de n'avoir fait une erreur je me mis à sa poursuite en criant:
- Attend! Excuse- moi! Reviens!! Je ne voulais pas t'effrayer à ce point!
Mais le blanc était rapide! A ça oui! Mon ventre grondait alors que mes ballonnements ne cessaient de me gêner. Baissant la tête pour récupérer mon souffle dans la course, je ne vis pas l'erreur que le loup blanc avait fait juste avant moi. Un trou, énorme. Voilà l'erreur. Glissant, ou plutôt me vautrant dedans, je lui atterris dessus lourdement. Nous étions tout deux plier en quatre et la situation devint vite embarrassante. Ma patte écrasa sa joue alors que je tentais de me remettre droite dans ce trou qui ne laissait pas la place à deux loups de notre gabarit.
- aïe aïe aïe... Je suis désolée, je ne t'ai pas fais mal en te tombant dessus?
Ma patte me faisait mal, et mon ventre aussi, j'avais du me cogner, mais plus inquiètant, comment allait le loup blanc que j'avais bien trop effrayer?
- Je suis désolée, vraiment...
Je le regardais avec insistance, allait-il m'en vouloir? Comment allions-nous sortir d'ici? Je me sentais trapper, piéger, et mal. Que faire?
Mes pas retentissaient dans mes oreilles, mon souffle irrégulier produisait de la fumée blanche coupée par des gouttes venant du ciel, mes oreilles bourdonnaient. Je martelais le sol de mes pattes, si longtemps qu'au final je ne savais même plus trop pourquoi je courais.. ou étais-ce la situation qui rendait ce moment éternel. Il hurlait derrière moi mais je ne l'écoutais pas. Je continuais de m'enfuir, tout ce que je voulais c'était partir de cet endroit. Pitié, qu'il m'épargne ! Il me suivait encore ? Je risquais un regard au-dessus de mon épaule, et.. Aah ! Qu'est ce qui m'étais arrivé ? Soudainement, je me retrouvais là, tout recroquevillé sur moi-même. Je ne remarquais qu'après que mon dos était mouillé.. J'étais trop terrorisé pour bouger ne serais-ce qu'un doigt, et mon regard écarquillé était vide, fixé sur un point inexistant. Je pouvais voir ce qui m'entourait, je compris que j'étais dans un trou, mais ma raison ne voulais pas en faire autant. Tout à coup, une silhouette apparut et, avant d'avoir pu analysé la chose, une douleur fulgurante se propagea sur mon ventre. Par souffrance, je me contractais sur moi-même, heurtant presque la patte du monstre, qui m'écrasa la joue ensuite.
"- aïe aïe aïe... Je suis désolée, je ne t'ai pas fais mal en te tombant dessus ? Je suis désolée, vraiment... "
Ses iris sanglantes se plongèrent dans la mienne et, totalement apeuré, je descendais d'une manière saccadée mon regard du ciel, pour que nos yeux se croisent. Ma face reflétait parfaitement mon émotion, mon oeil était aussi ouvert que ma bouche, et j'avais la figure à faire s'enfuir un louveteau. Complètement désorienté, je ne pus lui répondre.
Accoutumons-nous à considérer la mort comme une forme de vie que nous ne comprenons pas encore. Apprenons à la voir du même oeil que la naissance. Il est tout à fait raisonnable et légitime de se persuader que la tombe n'est pas plus redoutable que le berceau.
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agilité : 12
endurance : 6
Il semblait si frêle, si apeuré, si enfantin. Sa taille était pourtant plus imposante que la mienne. Il ne savait que répondre et je me sentais désormais très coupable de ma mauvaise blague. M'écartant du mieux que je puisse de lui pour lui laisser de l'oxygène, de curieuse contraction m'assaillait en plein ventre. Je repris mon souffle pour les calmer au mieux.
Reportant mon attention sur le loup blanc à la truffe rosée, je me présenta un peu plus calmement.
- Je m'appelle Drakariss, je suis la fille adoptive de Helya. Qui es-tu?
Ce loup si unique, si différent m'intriguait. Je le trouvais cruellement beau alors qu'il semblait aussi faible qu'un louveteau. Ses couleurs m'étaient inconnues et je me demandais comment pouvait-il être aussi semblable et contraire à moi en même temps.
- Tu ne devrais avoir peur de moi, je ne te ferais pas de mal. Je te trouve magnifique. Qui sont tes parents?
Sans aucunes gêne, je me surpris à être proche de lui, comme le serait une soeur. Moi qui etait une louve froide et distante, je me rendis compte pour la première fois des effets positifs qu'avait la meute sur moi.
Le moment semblait durer une éternité. Sous le retentissement lointain de la foudre, je détaillais la femelle, comme je le faisais toujours.. Elle était moins musclée que ce que j'imaginais. Son poil, brun clair, devenait de plus en plus foncé vers le dos. Elle était plus faite pour l'agilité que pour le combat. Ça me changera de tout ces loups taillés comme des molosses que je croisais. Son visage portait comme deux triangle gris sous les yeux, et quels yeux ! Comme infusés de sang, ils étaient rouge. Je n'en avais jamais vu de tel. Malgré sa musculature fine, j'avais cette constante impression qu'elle allait me tailler en pièce, comme tout les autres l'avaient fait avant elle. Finalement, ma mine décomposée disparut.
"- Je m'appelle Drakariss, je suis la fille adoptive de Helya. Qui es-tu ?
Drakariss ? Joli nom, pour.. ah, Helya ? Fille adoptive d'Helya.. Ce n'était pas la compagne de Tybalt, ce Navnik imposant ? Je venais à peine d'apprendre que celui-ci était mon père, et maintenant on m'annonçait que celle qui m'avait fait aussi peur était ma demi-soeur adoptive.. Au moins elle a l'air plutôt sympathique. J'étais tellement dans ma réflexion -comme toujours- que j'en oubliais de répondre.
"- Tu ne devrais avoir peur de moi, je ne te ferais pas de mal. Je te trouve magnifique. Qui sont tes parents ?
Sa remarque me fit légèrement sursauter, je n'étais pas à l'écoute. J'esquissais un petit sourire, on ne m'avait jamais fait de compliment. Lorsque ses derniers mots parvinrent à mes oreilles, je me figea : soudain, les images de ma mère défilaient sous mes yeux : les moments joyeux, les moments de tristesse, et le brusque accident : la mort. Cet évènement m'avait traumatisé et rendu muet, désormais presque aucun mot ne sortait de ma gorge. Je me retrouvais louveteau, devant le corps de ma mère, à murmurer son nom.
Accoutumons-nous à considérer la mort comme une forme de vie que nous ne comprenons pas encore. Apprenons à la voir du même oeil que la naissance. Il est tout à fait raisonnable et légitime de se persuader que la tombe n'est pas plus redoutable que le berceau.
force : 2
agilité : 12
endurance : 6
Le loup devant moi était un réel spectacle d'émotion, de théâtre. Passant du sourire, à l'émerveillement, de la timidité, à la tristesse puis la parole. Ou plutot... un nom. Neema. Ce nom était doux, mieleux, duveteux. Un prénom de mère aimante à n'en pas douter. Mais à l'expression du visage que celui ci fit à son souvenir, je ne pu que reconnaître la tristesse et l'amertume d'avoir perdu un être cher.
Léchant son visage, comme une mère avec son enfant, je voulu le rassurer.
- C'est un magnifique prénom.
Les souvenirs de ma propre mère commençaient à s'effacer avec le temps, et inconsciemment je m'en voulu de l'oublier alors que je portais son sang en moi. Quel était son nom? Leurs noms? A ces parents disparut trop tôt? Je le regardais un pointe de tristesse en moi à mon tour alors que l'orage grondait et que les éclairs pourfendaient le ciel.
- J'aimerai me rappeler de celui de mes parents. Savoir qu'eux aussi, avaient d'aussi beaux prénoms.
La pluie commença alors à tomber et mouiller notre pelage. Il fallait se sortir d'ici et vite. Reprenant un peu contenance et me souvenant des paroles de Belphegor, je bomba de nouveau le torse, et décida de prendre les choses en main, comme une princesse le ferait pour sortir de ce trou.
- Bon, allez viens, il faut que l'on sorte d'ici. Monte sur mon dos, puis mes épaules, je vais te porter, essaye de sortir quitte à me sauter dessus. L'un de nous doit sortir d'ici pour aider le second, et tu seras parfait pour cette mission!
Je me postais sur le flanc du trou pour qu'on puisse appliquer notre plan.
AMANN | Je fixais de mes yeux larmoyants ma mère, étendue sur le sol. Mes pattes tremblantes m'amenaient vers elle, je frottais ma joue sur son museau, elle me lécha le visage. Ma gorge, serrée par les sanglots, n'arrivait à prononcer aucun mot. Je levais les yeux vers elle et, soudainement, lorsqu'elle fermait les paupières, elle disparut, laissant place à Drakariss. Retour à la réalité, mon coco.
"- C'est un magnifique prénom."
Elle semblait soudain plus confuse, son regard prit une tournure un peu dramatique. Est-ce-que ses souvenirs ressurgissaient aussi ? Mes oreilles fragiles furent brèvement torturées par le tonnerre, provoquant un frisson dans toute ma carcasse. L'orage grondait, il fallait se dépêcher. Et apparemment, la louve l'avait aussi compris.
"- J'aimerai me rappeler de celui de mes parents. Savoir qu'eux aussi, avaient d'aussi beaux prénoms."
Oh, au final, je ne m'en souvenais plus tellement. Le seul souvenir que j'ai de ma mère, c'est le pire. Mon père ? Je ne m'en rappelle même plus, si ça se trouve je ne l'ai même pas connu. Au moins je l'avais retrouvé maintenant. En même temps ça me réchauffait le coeur de savoir que j'avais une famille, mais me le brisait quand je savais que l'un était mort et que l'autre m'avait laissé seul.
"- Bon, allez viens, il faut que l'on sorte d'ici. Monte sur mon dos, puis mes épaules, je vais te porter, essaye de sortir quitte à me sauter dessus. L'un de nous doit sortir d'ici pour aider le second, et tu seras parfait pour cette mission !"
Grimper l'un sur l'autre ? Pas mal l'idée, mais un peu dangereuse, hein. J'étais plus grand et plus lourd qu'elle et en conséquent moins agile. Son caractère de leadeuse doit la forcer à être celle qui aide. Bon, soit, je le ferais. Après tout, est-ce-qu'on a le choix ? L'eau commençait déjà à former de petites flaques stagnantes dans le trou. Avoir le poil mouillé -et sale, en prime- c'était pas trop mon genre, alors me noyer, c'est même pas la peine.
"- Au faite , c'est quoi ton ptit nom ?" dit-elle en se déplaçant.
Mon nom ? J'aurais bien voulu lui dire que la créature fragile que je suis se nomme Amann, mais cette foutue gorge qui était serrée depuis la mort de ma mère m'en empêchait. Ce blocage m'énervait plus qu'autre chose, mais je ne pouvais rien y faire. A chaque fois que je parlais, ça me remémorais mon enfance. Je ne pouvais plus, j'étais comme un muet. Mais qui ne tente rien n'a rien.
"-Am..n..mn." bredouillais-je.
Ouais, bon, c'était pas spectaculaire.. maaaais c'était déjà un bon début. Je ne sais pas si elle a bien compris, on fera les présentations plus tard. Dans l'espace restreint, je me frayais un chemin étroit. D'une patte hésitante, je tapotais le dos de la guerrière aux pupilles rouges. Après un court instant de réflexion, je sautait grâce à un coup de patte arrière puissant, me rattrapant sur son épaule. Ne voulant pas la faire souffrir plus -ou du moins, je ne pense pas qu'avoir un loup qui grimpe sur son dos doit être très agréable-, je m'empressais de m'attraper à la terre maintenant devenue molle par endroits, plantant mes griffes peu aiguisées dans l'herbe trempée. On y était presque.