Souffle acide du vent, larmes brulantes du ciel. Le monde ne ressemble plus aux paysages d'autrefois. Les cataclysmes ont frappé, des colonnes de flammes et de fumées se sont élevées sur l'horizon. La guerre. La guerre des hommes. Et nous, les loups n'avons eu d'autres choix que de fuir. Nombreux furent nos congénères emportés. Nous traversâmes les plaines cabossées, les forêts de cendres, poursuivis par la faim, traqués par la mort.
Notre salut, nous le devions malheureusement à ceux qui avaient provoqué notre malheur.
La nuit avait été longue et noire. Le froid qui l’avait martelée, vestige de l’horrible hiver passé, avait frigorifié la peau du loup et mordu sa chaire à pleines dents. Ses pattes endolories avaient marché sans relâche aux travers des paysages d’après-guerre alors que sa langue, pendante, cherchait l’air. Ses flancs s’étaient creusés, ses muscles s’étaient atrophiés et sa fourrure, autrefois si brillante et belle, n’était plus qu’un mince voile pileux, rongé par l’acidité des pluies qu’il avait dû affronter. Le vent qui faisait danser son mince duvet blanchit semblait annoncer la possibilité d’un réchauffement journalier pendant que, doucement, le ciel se teintait de gris, annonçant le renouveau d’un matin.
Le jeune loup était tiraillé entre l’appréciation ou la douleur qui accaparait ses coussinets au contact de la rosée qui se formait. La fraîcheur, quoi que glaciale, semblait endormir pour un temps les inflammations qui les prenaient. Au cours des derniers mois, la bête avait beaucoup erré, mais, à présent, plus il progressait, plus il était certain de reconnaître les lieux qui s’étalaient autour de lui. À l’idée d’un possible repos, il avait voulu redoubler d’ardeur et peut-être même, par folie, courir comme il en avait autrefois l’habitude… Mais son corps si maigre et si endoloris ne le lui aurait pas permis.
Alors, continuant sa pénible progression, le loup avait attendu patiemment sa destination en se torturant toujours un peu plus avec les secondes qui l’en séparait. Il continuait, non sans défaillir parfois, de faire, pas après pas, réduire cette distance qui le séparait de chez lui.
Les heures s’étaient égrainées en prenant tout leur temps et le soleil touchait presque son zénith quand la truffe sèche et douloureuse du loup crut flairer une odeur dont sa mémoire ne se souvenait que trop bien. Bien qu’elle fût éventée, il s’agissait de l’odeur des siens. De sa meute, pour être précis. Il voulut hurler le soulagement qui se formait en son poitrail, mais sa gorge, trop desséchée ne lui accorda qu’une douloureuse quinte de toux. Il avait mal, Dieu qu’il avait mal. Mal à l’âme surtout. Il avait envie de s’écraser sur le sol et de gémir jusqu’à en mourir, mais quelque chose, son amour propre peut-être, l’en empêcha. Fermant les yeux pour chasser les étourdissements, il reprit sa marche.
Son cerveau était trop éreinté pour tenter de l’encourager en lui remémorant des souvenirs de sa famille. Trop fatigué pour envisager de lui montrer des images de sa satisfaction proche. Il avait réussi. Il était rentré chez lui. Pourtant, il ne trouva personne. Ni patrouille, ni odeur forte de meute. Nulle part. Il s’arrêta enfin en regardant désespérément autour de lui. Puis, ça en fût trop. D’un coup, le vaillant loup s’écrasa sur le sol, les yeux perdus dans la vague. Ses oreilles captèrent un gémissement – le sien sans doute – alors que les dernières gouttes d’eau que recelait son corps s’évadèrent de ses yeux bleus.
Il ferma les yeux en un soupir, espérant que, bientôt, tout s’achèverait enfin et qu’il pourrait s’éteindre, à défaut d’être en paix parmi les siens, sur ses terres au moins, mais le tout ne se passa pas comme prévu. Un hurlement s’éleva déchirant l’air et la panique s’attaqua au cœur du canidé qui se redressa à demi, chancelant. Le cri avait été clair et entonné d’un dialecte universel. Le loup avait été repéré et, clairement, sa présence n’était pas la bienvenue. Il essaya de se remettre sur ses pattes pour déguerpir, mais la faiblesse le garda obstinément au sol. Il réprima ses gémissements alors qu’un cercle restreint de loup l’approcha bientôt. Passant nerveusement sa langue sur ses lèvres, les yeux de la bête papillonnaient de silhouette en silhouette en espérant en trouver une familière. Mais la faim bloquait sa vue et les souvenirs, si lointain, semblaient soudain s’estomper. Un bref son de crainte s’échappa de sa gorge rongée par le désespoir. Puis, tout à coup, une voix s’éleva faisant s’arrêter le cœur du jeune chasseur :
« Oreka ? »
Hors RP:
Bien que j'aurais apprécier que Leikn, la maman d'Oreka, ait prononcer son nom, il est possible pour tout Navnik présents dans la meute 3-4 mois plus tôt de reconnaître le jeune loup. Effectivement, avec la tête brûlée qu'il avait : tout le monde le connait. Difficile de passer inaperçu quand on est aussi con ♥
Brève mise en contexte : Oreka, jeune loup intrépide amateur d'adrénaline avait disparus quelques mois plutôt. Tout le monde le croyait mort quand d'un coup : pouf ! Le revoilà ♥