La louve fauve n'avait pas eu l'inconscience de s'endormir volontairement dans cette cabane. Elle s'était allongée quelques instants sur le plancher, en attendant que la pluie cesse, dehors, mais le sommeil avait finit par l'emporter. Ces derniers jours avaient été riches en événements. Elle s'était rendue sur la plage blanche avec ses camarades mercenaires afin d'effectuer une mission de repérage. L’infiltration avait été dangereuse et elle n'avait cessé de se cacher et de courir afin d'échapper aux hommes. Là bas, elle avait pu les observer de très près et avait ainsi constaté à quel point eux et leurs chiens étaient redoutables.

Ironiquement, après toutes les fois ou ces derniers l'avaient traquée, c'était dans l'une de leurs structure qu'elle avait trouvé refuge cette nuit. Elle aurait pu dormir à la belle étoile, ou sous le couvert des arbres, mais les pluies acides étaient encore récentes et elle n'avait pas prit le risque de se retrouver en dessous. Avant d'entrer, elle s'était évidemment assurée que la cabane était inoccupée. Un petit tapis de poussière recouvrait le sol et la bâtisse semblait ne pas avoir été visitée depuis un bon moment. Cependant, cela ne la rendait pas moins menaçante. Des pièges à loups étaient accrochés le long des murs, et quelques poils de chiens parsemaient le sol. Véga s'était assoupie au centre de la cabane et était exposée à n’importe quel visiteur. Heureusement pour elle, ce ne fut pas une paire de crocs dans sa gorge qui la tirèrent de son sommeil, mais le contact délicat d'un morceau de tissu contre sa joue. Au début, elle se réveilla en douceur, puis, elle se demanda ce qui était en train de l'effleurer. Ouvrant les yeux, la louve aperçu la silhouette sombre qui la surplombait. Quelqu'un était avec elle. Ses muscles se tendirent, puis il lui fallait quelques secondes avant de reconnaitre Kobalt.

- Bonjour Vega... Murmura t-il calmement. Ce n'est pas très judicieux de s'endormir ici... Tu pourrais attirer les chiens avec ton odeur.

Encore légèrement embrumée par son réveil, elle laissa le mâle passer son museau au dessus d'elle. Par "son odeur", il voulait certainement parler de ses chaleurs... Il était vrai qu'elle les avait eu il y'a peu de temps et qu'en général, les mâles étaient particulièrement attirés par elle en cette période. C'était pourquoi elle s'était isolée du groupe des mercenaires après avoir effectué sa part de la mission. Kobalt avait du la sentir de loin. Heureusement, ce n'était que lui, et pas quelque chose de plus dangereux. Elle n'avait pas vraiment peur de ce qui pouvait roder dans ces bois, mais les conséquences auraient pu être graves, si elle avait été attaquée pendant son sommeil...

- Mhh, bonjour Kobalt..., répondit -elle en lui adressant un sourire léger, ce n'est pas vraiment le meilleur endroit pour faire une sieste, je sais... mais je me suis endormie sans faire attention. Elle étira ses pattes devant-elle, observant la lune par la fenêtre. Depuis combien de temps s'était-elle assoupie ? Son camarade ne devait pas le savoir non plus. Après tout, il n'avait pas du arriver dans les parages il y'a bien longtemps. Elle se redressa, tournant à nouveau la tête vers lui avec un air amusé :

- C'est gentil de m'avoir réveillée. Je t'avoue que je préfere me retrouver nez-a-nez avec toi qu'avec un Hellhound.

Et ce n'était pas peu dire... En vérité, elle aurait préféré se retrouver avec n'importe quel loup plutôt qu'avec un cabot miteux. Kobalt ne devait pas être d'une compagnie désagréable, bien qu'elle ne lui avait jamais vraiment adressé la parole. Il était un mercenaire, comme elle, et à ce titre, l'un de ses camarades. De plus, il fallait reconnaitre qu'il était doté d'un certain charisme. Musclé, grand et doté de beaux yeux bleus qui contrastaient avec le noir de jais de sa fourrure, le mâle avait un physique plutôt avantageux.

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Kobalt semblait s’intéresser à ce qui se trouvait dans la cabane. Véga resta assise près de la fenêtre, à observer la lune, pendant que son camarade fouillait dans les recoins de la pièce. Il ne devait pas être très à l'aise ici. C'était sans doute le cas pour beaucoup de loups, car il fallait dire que cet endroit n'avait rien d'accueillant, avec ses pièges et ses armes encastrés dans les murs. Le mâle noir se retourna finalement vers elle avec un mince sourire.

- C'est l'impression que tu donnes, en effet. Rétorqua t-il avec une pointe de sarcasme.

La louve sourit. Elle le trouvait attirant et elle ne s'en cachait pas. Rares étaient les mâles qui lui plaisaient ainsi dès le premier abord. Lui non plus ne semblait d'ailleurs pas être totalement indifférent vis-à-vis d'elle. Il lui avait lancé de petites œillades à plusieurs reprises. Son comportement n'était sans doute du qu'a ses odeurs de chaleurs, mais elle n'était pas mécontente d'être avec lui ce soir. Après tout, Véga aimait la compagnie de ses semblables, et celle des mâles lui manquait, ces derniers temps.

- Tu ne voudrais pas te dégourdir un peu les pattes à l'extérieur? La nuit est agréable... Fit t-il.

La louve se releva en acquiesçant.

- Tu as raison, nous serons mieux dans la forêt qu'ici.

En rejoignant la sortie, elle sentit la fourrure de Kobalt lui frôler le corps, ce qui provoqua chez elle un léger frisson. En cette période, le contact et l'odeur des mâles étaient toujours très attirants et lui donnaient envie de s'en rapprocher d'avantage. Néanmoins, elle tâchait la plupart du temps de garder ses distances avec eux. Avec Kobalt, elle sentait que l'exercice allait être difficile...

- Tu n'as pas de compagnon? Demanda t-il juste avant de franchir la porte. Ce serait efficace pour régler les problèmes des chaleurs...

Véga le suivit, attendant qu'il passe le premier.

- Non, fit-elle, je n'ai jamais eu de compagnon... Elle aurait pu vivre une aventure avec Kornog, mais celui-ci avait disparu avant que leur relation devienne sérieuse. Parfois, elle pensait à lui, tout en sachant qu'elle ne le reverrait probablement jamais. Cette pensée chassée de son esprit, elle ajouta avec une pointe d'humour :

- Il faudrait que je me frotte plus souvent contre des mâles pour être tranquille, c'est ça que tu insinues ?

Évidemment, les femelles porteuses d'une odeur masculine étaient bien moins tentantes pour d'autres prétendants, mais en s'isolant, elle arrivait très bien à se débrouiller sans cela.

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- Ce n'est pas moi qui l'ait dit... Rétorqua Kobalt en souriant à sa remarque. Véga émit un petit rire.

- Pour quel genre de louve est-ce que tu me prends ? Fit t-elle à son tour, ironique. Se frotter contre les mâles n'était décidément pas son genre, mais elle ne doutait pas que certaines devaient trouver ça à leur gout.

- Pourquoi tu n'as jamais eu de compagnon? Poursuivit t-il alors qu'ils marchaient à l'ombre des arbres. Aucun n'était assez bien à tes yeux? Ou alors fais-tu parti de ces louves qui ne souhaitent pas connaître ce qu'on appelle "le grand amour" et évite de chercher?

- Ni l'un ni l'autre, répondit t-elle, je n'ai rien contre le grand amour, mais encore faut il trouver avec qui le vivre... Elle sourit en regardant les étoiles qui les surplombaient. J'ai déjà eu quelques aventures avec des mâles mais le seul qui était assez bien à mes yeux et avec qui j'aurais pu avoir une relation a disparu du jour au lendemain. Il faut croire que ce n'était pas encore le moment pour moi d'avoir un compagnon...

Elle abaissa la tête, cessant de regarder vers le ciel. Connaitrait t-elle jamais l'amour ? Cela n'était pas vraiment dans ses préoccupations actuelles, mais elle devait reconnaitre que la présence d'un mâle a ces cotés lui manquait, parfois... Jamais elle n'avait éprouvé de sentiments forts pour l'un d'entre eux. Peut être était-elle simplement difficile, ou bien n'avait-elle pas encore trouvé celui qui lui correspondait. En tout cas, la solitude ne l'aiderait certainement pas à rencontrer l’âme sœur. Elle n'aurait droit qu'a des rencontres d'une nuit, des aventures sans avenir, comme la plupart des femelles qui vivaient comme elle. Pourtant au fond d'elle même, Véga ne désespérerait pas de trouver un compagnon. Elle espérait qu'un jour ou l'autre, elle pourrait fonder une famille avec un loup qui lui plaisait.


- D'ailleurs, pourquoi as-tu rejoins les Mercenaires? Que cherches-tu? Ajouta t-il.

- Je cherche la même chose que tout le monde, j'imagine... Survivre, sans perdre ma dignité. Répondit t-elle.

Comme elle l'avait déjà expliqué à d'autres avant lui, se retrouver dans une meute, écrasée par une hiérarchie et des contraintes ne lui semblait pas approprié à l'idée qu'elle se faisait de la vie. Les mercenaires lui permettaient de faire partie d'un petit groupe sans pour autant se plier à ses congénères, et cela lui plaisait.

- J'aime avoir mon indépendance, mais je n'ai rien contre un peu de compagnie. Ajouta t-elle. De toute façon, vivre seul est plutôt difficile en ce moment...

Elle redressa les oreilles, tournant la tête vers son compagnon de route.

- Et toi Kobalt, que cherches-tu chez les Mercenaires ?

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Dehors, la pluie qui l'avait amenée à s'abriter dans la cabane avait laissé place à une nuit agréable. Véga avançait paisiblement aux coté de son camarade, ses pattes légèrement humidifiées par le sol moite. De temps en temps, elle tournait la tête en direction de Kobalt. Elle observait les muscles de ses épaules rouler sous son pelage noir, alors que ses yeux profondément bleus reluisaient dans l'obscurité. Il avait l'air ailleurs, comme si quelque chose le perturbait... Elle ne savait pas si elle devait s'en préoccuper ou non. Si il ne lui en parlait pas, peut-être qu'il n'en avait pas envie. Malgré son air lointain, il écoutait tout de même ses paroles. Lorsqu'elle avait évoqué Kornog, le mâle sombre lui avait donné un petit coup de queue sur le museau, comme pour l'encourager et la réconforter. Lui non plus, ne devait pas aimer voir d'âmes en peines. Cela la fit sourire. Que d'autres loups pensent comme elle lui plaisait. L'écoute et l'entre-aide étaient des valeurs bien rares en ce temps... Aussi, si Kobalt avait un jour besoin de son aide, elle était prête à la lui apporter sans hésitation. Elle avait la certitude qu'il en ferait de même pour elle.

- Je pense que je cherchais à combler le vide, en moi... Répondit t-il d'un ton calme et mélancolique. J'ai toujours été seul. Je n'ai que peu goûter à l'amour d'un père, d'une mère, d'une famille. J'ai été tellement seul que le monde autour de moi en avait perdu toute couleur. Puis j'ai fais la rencontre de Nocturne...


Véga l'écouta attentivement, son corps tout près du sien. Alors, il avait vécu seul, lui aussi ? Il semblait avoir traversé des épreuves difficiles... La solitude ne convient pas à tous les loups, c'était une chose sure. Véga le vivait bien, mais elle avait eu la chance de connaitre l'amour de sa mère. Kobalt, lui, n'y avait apparemment jamais eu droit. S’épanouir sans amour devait être difficile. Il semblait blessé, à l’intérieur.


- Il m'a sauvé la vie, et m'a parlé des Mercenaires. Sans trop savoir pourquoi, ce jour-là, le monde a retrouvé une couleur, celle du rouge, du sang du Hellhounds que nous avions tué, ensemble... J'ai pensé que rejoindre les Mercenaires me permettrait de recolorer ce monde vide de sens. J'ai rassemblé, allié de nombreux loups. Un groupe... Je l'ai crée, égoïstement peut-être... Je leur promettais de les protéger, de les rendre plus fort... Mais au final, je ne faisais que protéger la couleur qu'ils apportaient à mon univers... Et au fur et à mesure, ils sont devenus plus que ça, et moi... Je suis devenu bien faible. Les liens nous rendent faibles... Même s'ils peuvent nous faire du bien, il y a toujours un moment où nous retombons dans les ténèbres, c'est le Destin. Ajouta t-il.

A l'évocation de Nocturne, Véga sourit. Encore un exemple que les mercenaires n'étaient pas que des brutes épaisses, malgré les apparences. Ce dernier avait non seulement secourue elle, alors que Noire l'attaquait, mais il était également venu en aide à Kobalt. Sur ce point la, ils avaient tout deux une dette envers le loup noir... Heureusement qu'ils avaient croisé sa route.

- Les Hellhounds ont détruit ce que j'ai construit... Poursuivit-il en s'arrêtant. Et je l'ai moi-même achevé... Je voulais créer une famille, mais ces espoirs ont été balayé une première fois. Je retenterais peut-être, plus tard, quand le temps sera venu. Pour redonner encore un peu de couleur à ce monde. Continuer de chercher un sens à mon existence.

Véga sentit son cœur se serrer au fur et a mesure qu'elle écoutait l'histoire de son camarade. Voila pourquoi il semblait si pensif... Ce mâle avait visiblement beaucoup de force intérieure, en plus d'avoir de la douceur, mais il avait donc perdu tout ce qu'il avait construit. Sa famille de substitution avait donc volé en éclat... En y réfléchissant bien, elle pouvait facilement se mettre à sa place. Elle aurait pu en faire partie, de ce petit groupe de solitaires... Elle comprenait pourquoi il avait voulu fonder ce clan et elle comprenait pourquoi le fait qu'il ait été dissout le rendait aussi triste. Kobalt souffrait tout bonnement d'un manque affectif. Il avait besoin de s'entourer et de se donner un objectif.

Il se tourna finalement vers elle, lui adressant un sourire sincère.

- Tu as une couleur aussi, Véga. Le vert des forêts au début du printemps... A peine naissante, grandissante... Une vigueur insoupçonnée qui n'attend que les premiers rayons du soleil pour se manifester... Je suis heureux de connaître ce genre de couleur dans mon entourage, ce sont les dernières qu'il me reste...

Les mots du mâle sonerent doucement à ses oreilles, tendit qu'elle le laissait s'approcher de lui et glisser sa truffe en dessous de sa mâchoire. Sentir son contact chaud et humide la fit frissonner. C'était agréable... Elle ferma les yeux en l'entendant ajouter :

- Et toi, quelle couleur vois-tu...?

- La couleur la plus éclatante qui soit... Murmura t-elle, un bleu pur et magnifique.

En disant ces mots, elle avait enfoui sa tête contre l'encolure chaude de son camarade, le souffle calme, les yeux clos.,Si elle était le vert des forêts, alors Kobalt était sans aucun doute le bleu d'un océan, encore plus brillant, encore plus profond que toute autre couleur en ce monde. Il était sans doute la plus belle couleur qui soit, celle de l'amour.

- N'aies plus peur d'être seul, Kobalt. Murmura t-elle, Les mercenaires sont à tes cotés maintenant, et si ça ne suffit pas, j'y serais également.

Ce n'étaient pas des paroles en l'air. Si il en avait besoin, Kobal pouvait la rejoindre quand il le souhaitait. Véga accepterait de l'accompagner avec plaisir, du momnet que cela soulageait sa peine.

Fiche réalisée par @Joy

Le corps du mâle quitta bientôt le contact de sa peau. Elle recula en même temps que lui, plongeant ses yeux verts dans ceux de son camarade. Comment n'avait t-elle jamais remarqué la beauté profonde de ses yeux ? D'un geste délicat, Kobalt effleura ses babines du bout de son museau. Dans son corps, une agréable sensation de picotement se déversa, alors que ses oreilles reprenaient leur position originelle.

- Merci, Véga... C'est un honneur pour moi de marcher à côté de loups comme toi, ou Nocturne... Je pris pour que ça puisse continuer ainsi... Malgré la guerre qui approche... Le ton de sa voix était toujours aussi calme, mais il laissait entendre la détermination du mâle. Ses inquiétudes face à la guerre étaient fondées, mais Véga avait bon espoir pour l'avenir. Ils perdraient peut-être quelques uns d'entre-eux, mais les Mercenaires continueraient d'exister malgré tout. Pour sa part, elle s'accrocherait à la vie, quoi qu'il arrive, et elle savait qu'il en serait de même pour chacun d'entre-eux. Ils étaient courageux. Ils étaient des battants.

- Je pense combattre et mourir s'il le faut... Lui confirma t-il. J'ai une revanche à prendre sur les chiens et leurs maîtres... Est-ce que tu marcherais avec moi...?

Véga lui rendit son sourire. Elle devait bien reconnaitre que ce mâle ne la laissait pas indifférente, mais au delà de ça, ses paroles étaient réellement loquaces. Il n'allait pas se laisser abattre. Comme elle, il comptait lutter de toutes ses forces. Unir leurs efforts était sans aucun doute leur meilleure chance de survie, et ça, ils l'avaient tous les deux compris.

- Je n'ai rien contre eux pour le moment, répondit t-elle avec une pointe d'humour, mais j'en achèverais autant qu'il le faut pour garantir notre survie...

Elle s'approcha de lui, effleurant son poitrail de son encolure.

- ... Et pour t'aider à avoir ta revanche.

Au fond, même si elle n'y avait pas encore été confrontée, Véga savait que ces chiens et leurs maitres représentaient un danger qu'il fallait éliminer au plus vite. Quelques soient les raisons de Kobalt, elle n'avait pas besoin de les connaitre pour marcher avec lui. Bientôt, elle sentait qu'ils seraient tous mis à rude épreuve. Ces chiens ne leur apporteraient rien de bon. Ils étaient des bêtes monstrueuses et aussi instables que dévastatrices. Un danger qu'il fallait écart au plus vite.

Fiche réalisée par @Joy