Souffle acide du vent, larmes brulantes du ciel. Le monde ne ressemble plus aux paysages d'autrefois. Les cataclysmes ont frappé, des colonnes de flammes et de fumées se sont élevées sur l'horizon. La guerre. La guerre des hommes. Et nous, les loups n'avons eu d'autres choix que de fuir. Nombreux furent nos congénères emportés. Nous traversâmes les plaines cabossées, les forêts de cendres, poursuivis par la faim, traqués par la mort.
Notre salut, nous le devions malheureusement à ceux qui avaient provoqué notre malheur.
Les derniers rayons du soleil filtraient à travers les maigres branches des rares arbres qui entouraient le gouffre. Le fond de ce dernier était sombre, de telle sorte qu'on ne pouvait rien distinguer à l'intérieur. Mais le trou semblait étonnamment profond. Qui sait ce qui se cachait sous terre, en ce moment même ?
« Un petit corps frêle ... »
La voix de Zrael porta au-dessus du gouffre. Elle ne savait pas pourquoi elle chantait. Elle ne savait pas pourquoi le début d'une mélodie sortait de sa gueule. Pourtant, les paroles sortaient droit de son esprit.
« Provenant d'un cycle ... »
Son souffle s'accéléra, tandis que son imagination se déployait.
« Simple et naturel ... Comme la neige qui gicle ... »
Un courant d'air lui secoua la fourrure. Le vent soufflait, et se répercutait sur les parois supérieures du gouffre vertigineux.
« Dansant au clair de lune ... Ne faisant qu'un avec la brume ... »
Une pause. Sa voix trembla.
« L'esprit de la battante s'éveillera ... Et sa naissance, elle observera ... »
Sa vie se retraçait lentement dans son esprit. Elle prenait appui sur son histoire pour poursuivre ses paroles, comme si elle composait une chanson.
« Et au printemps ... Elle deviendra la guerrière qu'elle admirait tant ... »
Une bouffée de fierté monta en elle.
« Tous ses efforts n'auront pas était vains, son futur n'aura pas été sibyllin. »
Ainsi s'acheva son poème. Elle jeta un dernier coup d'oeil à la Blessure et fit demi-tour, méditant sur ce qu'elle venait de raconter.
La jeune femelle abaissa son museau vers le Gouffre. Ses yeux se plissèrent, comme si elle observait chaque pli de la roche s'étant érodée durant ces milliers d'années. Et sûrement encore endommagée par ces foutus humains.
Que mon sang coule à flots, Tel une fontaine de sanglots. Que votre odieuse ardeur, Se change en une grande candeur,
Un désir de vengeance monta en elle, rien qu'en pensant à cette période dévastatrice qu'avaient provoqué les Hellhound.
Le plaisir vaporeux fuira vers l'horizon, Délivré de toute appartenance, à l'abandon. Que votre morne déshonneur, Fasse éclater vos pleurs.
Vous observer souffrir le martyr, Me poussera à désobéir. Et à la lueur de vos yeux blafards Je brûlerais mon cafard.
Elle ferma les yeux, puis les rouvrit, contemplant le vide qui s'offrait à elle. Quand on y pense, un seul pas, et elle tombait. Au plus profond de la terre, elle tomberait. Une chute interminable. Mais ce n'était pas à elle de tomber.
Soyez certain que le passé n'influencera rien, Lorsque votre espoir sera mien.
Elle fit demi-tour. Psalmodier des paroles qui faisaient paraître sa haine contre ses ennemis était plutôt bénéfique, en soi.