Souffle acide du vent, larmes brulantes du ciel. Le monde ne ressemble plus aux paysages d'autrefois. Les cataclysmes ont frappé, des colonnes de flammes et de fumées se sont élevées sur l'horizon. La guerre. La guerre des hommes. Et nous, les loups n'avons eu d'autres choix que de fuir. Nombreux furent nos congénères emportés. Nous traversâmes les plaines cabossées, les forêts de cendres, poursuivis par la faim, traqués par la mort.
Notre salut, nous le devions malheureusement à ceux qui avaient provoqué notre malheur.
Je m'éveille dans un endroit sombre. La terre est humide et une voix résonne dans ma tête ; Où suis-je ? Je sors de sous terre, le soleil me brûle les yeux quelques secondes le temps que je m'habitue. Mes paupières papillonnent, je les plisse pour tenter d'apercevoir quelque chose. Mais je ne reconnais rien. Mes os me font mal, chacuns de mes muscles semblent tiraillés par la douleur. L'air frais emplit mes narines, l'odeur de la boue emplit mes poumons. J'erre quelque part, tout me semble étranger et ma tête douloureuse me semble si lourd à porter sur mes frêles épaules. Qui suis-je ? Je baisse les yeux et aperçois des pattes. Un loup ?
Mes pattes s'enfoncent dans le sol, la sensation me fait frémir et trembler quelques peu. Le vent s'engouffre dans ma fourrure dans un murmure que je ne comprends pas. Que-fais-je ici ? Comment suis-je arrivée dans cet endroit ? Je regarde à droite puis à gauche. Rien ne me revient, rien ne déclenche en moi un quelconque flash ou souvenir. Je lève les yeux vers le ciel, apercevant entre les branches un bout de ciel. A-t-il toujours été aussi bleu ? Je sens en moi monter une sensation étrange, qu'est-ce ? De la peur ? De l'angoisse ? De la peur ? A chacun de mes pas, j'adhère un peu plus à cette sensation de marcher et frémis un peu moins lorsque mes coussinets touchent la terre mouillée. Il y a beaucoup trop d'odeurs, je n'identifie rien et cela me fait tourner la tête de façon malsaine.
Le vertige monte, il y a beaucoup trop d'informations pour mon cerveau qui semble un peu perdus dans ce flot nouveau. Une multitude de bruits m'entourent, que sont-ils ? Sont-ils proches ? Je ne sais pas, il y en a beaucoup trop. Le crissement des branches et des feuilles, le murmure du vent, le tambour des pas de différents animaux foulant le sol, de l'eau qui coule.
De l'eau ? Ma gueule claque. Je suis assoiffée et probablement déshydratée. Combien de temps suis-je restée dans cet état ? Je me relève doucement, incertaine des mouvements de mon corps. Je me dirige vers le bruit d'eau qui coule. Une rivière ? Je plonge ma gueule dans l'eau pour tenter de boire, mais au premier contact je fais un bond. C'est froid et mouillé, je ne m'y attendais pas. Je tapote le ruisseau de la patte, tentant d'apprivoiser ce flot inconnu. Je me lèche le membre mouillé, la sensation me fait frissonner. Je crois que je ressens le froid sur ma patte. Ma gueule retourne à l'eau et je me désaltère.
Lorsque je relève la tête, j'aperçois quelques choses. Je grogne et hurle, quelqu'un ? Pourquoi fait-il comme moi ? J'examine de plus près et claque de la gueule une nouvelle fois. Serait-ce un reflet ? Est-ce moi ? Est-ce à cela que je ressemble ? Je lève la tête.
Le vent continue ses murmures, j'ai envie d'hurler. Hurler si fort que mes poumons exploseraient sûrement. Je ne comprends pas, je ne te comprends pas. Pourquoi souffles-tu si fort ? Ma tête cogne dans mon crâne et je cours pour tenter de fuir cette sensation, ces bruits, ces murmures. Je veux tout fuir, tout sans exception, mais le vent me rattrape toujours amenant avec lui des échos qui résonnent au diapason avec mon souffle. Pourquoi ? Je tourne en rond et m'allonge sur le sol, éffrayée. Tout ce qui m'entoure semble me toiser étrangement. Je me recroqueville sur moi-même et couine légèrement. Je respire en saccade, je grelote. Tout devient sombre autour de moi et tout les sons s'intensifient. Cela ressemble à un atroce cauchemar. Le vent murmure encore, mais cette fois je crois comprendre.