J'étais de retour sur les berges du Styx. Encore. Pourquoi j'ai l'impression de rejouer, encore et encore, le même scénario? Le monde autour de moi semble ne plus tourner rond. J'ai pourtant travaillé si dur, pour être plus fort, pour réussir à accomplir quelque chose. Et maintenant, j'en suis là, à traîner ma carcasse en direction d'une tanière que je ne connais que trop bien. Oui, comme à chaque fois, je m'en allait dans cette direction, quand le monde ne semble plus avoir de sens. Quand les couleurs s'estompent, et quand je ne vois plus que rouge. Oui, ce monde n'a plus aucune saveur, je suis en train de les perdre, les une après les autres. J'en oublis mes objectifs, mes raisons. Qu'est-ce qui m'a poussé à aller aussi loin déjà? Pourquoi me suis-je embarqué dans ce trip de la famille, dans ce délire de rassembler les faibles pour qu'ils deviennent fort? Quand ai-je cru que ça pourrait un jour fonctionner? Ewanella avait sans doute raison, et la voilà derrière des cages Hellhounds. Ma faute. Tsuin, Abysse, mes enfants. Châtiment. Ma famille était trop large, ma famille me fait trop souffrir pour que je reste celui que je suis devenu. J'en suis à ce stade où je dois trouver une guérisseur au hasard, et lui soutirer des plantes pour réussir à apaiser mon esprit. Non, ça ne va plus du tout. Rien ne va plus du tout.
J'approchais de la tanière du loup noir, avant de me coucher à l'entrée de cette dernière. Même si j'avais voulu sourire, je ne l'aurais pas pu. Je n'en étais pas capable. Il y avait l'odeur d'une femelle, autre qu'Hel, dans les environs. Nocturne est libre de faire ce qu'il désire, après tout. Finalement, en cet fin de mâtinée, j'articulais lentement.

- Nocturne, es-tu là? J'ai besoin de ton aide... Encore.

Demandais-je finalement, incertain. Oui, il avait pu être emmené, lui aussi. Ce ne serait pas le premier à m'être arraché. Ni le dernier. Et alors, je devrais prendre soin de Hel, sa fille. En suis-je simplement capable dans mon état actuel?

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Le mouvement dans la tanière m'arracha subitement un poids dans la poitrine, bien qu'elle restais trop lourde pour que je puisse me lever une nouvelle fois. Il était là, il n'avait pas été pris. L'intégralité de mon monde ne s'était pas effondré. Oui, il en restais encore quelques briques, qui tiennent encore sur place. Je redresse lentement les oreilles, à l'apparition de la fourrure noir, et du regard bichrome que je commence à connaître par cœur.
Je sens pourtant mon esprit fulminant loin, très loin de l'apaisement, et ceux malgré le soulagement. Hel a toujours son père. Il a toujours sa fille. Je tente, j'essaye! Je tente de sourire, mais ça n'est qu'une grimace immonde. Je me dresse rapidement sur mes pattes, tournant le dos de trois quart, alors que Nocturne me demande ce qu'il se passe. Ce qu'il se passe? Ce qu'il se passe! J'en ai gros sur le cœur. Bien trop gros. Bien trop.

- Les Hellhounds. Leurs maîtres.

Claquais-je brutalement entre mes crocs, sauvagement, de manière incontrôlable. Comme si ce mot me griffait l'intégralité de la gorge. Comme si cette incantation maudite était une aberration, une abomination. Avec Nocturne, on les connait bien. On en a tué, ensemble. On en a affronté, ensemble. Mais ce n'était qu'un jeu pour survivre. Nous survivions, comme des cons, à en tuer un, pour sauver nos peaux. Mais derrière, oui, derrière, ils sont nombreux. Ils ont des maîtres. Des maîtres à tête de chiens qui... Qui...

- Ils capturent les loups... Ils les traquent. Ils ont capturé Abysse... Alors qu'elle portait encore les petits. Ils ont kidnappé Tsuin, Ewanella... Elles étaient sous ma responsabilité!

Je grondais un peu plus fort, secouant la tête, plein de rage.

- Ils ont pris mon père, sous mes yeux, et je n'ai rien pu faire, à cause de leur... Fusil qui te plonge dans le sommeil!

Je crachais chacun de ses mots, mon poil gonflant un peu plus à chaque parole, à chaque mots que je lâche dans la haine.

- J'ai l'impression de devenir fou! J'ai l'impression que tout est en train de partir en miette encore mes pattes. J'ai rien pu faire, pour aucun d'entre eux! Ils ont tous disparus, ils sont dans leur campement, avec des grillages et une armée pour les garder! J'ai aucune idée de ce qu'ils peuvent bien... De ce qui peut leur arriver, mais je crois déjà le savoir...

Ma voix se faisait grave. Oui, je ne suis pas stupide. Ils ne vont pas capturer des loups pour le plaisir. Ils les choisissent, je l'ai vu. Sinon, j'aurais été emmené moi aussi. Ils veulent en faire quelque chose... Ils veulent tester des choses avec eux. En faire des armes, ou même tester des produits comme celui qui a été utilisé pour nous endormir. Oui, ils doivent subir des choses que je ne veux même pas imaginer.
Mon regard plein de rage dériva vers Nocturne d'un seul coup, d'un mouvement de tête. Mon souffle était saccadé, mon poil dressé, me doublant littéralement de volume.

- Je veux les anéantir Nocturne... Je veux les détruire tous jusqu'au dernier, éradiquer jusqu'à même leur existence... Leur envoyer leurs bombes à la figure, les blesser jusqu'à ce qu'ils meurent tous... Les voir en sang sous mes pattes.

Je serrais les crocs. Cette haine, cette haine dévorante qui me ronge, alors que je plaque mes oreilles sur mon crâne, le regard dilaté, les même pupilles qu'à ma dernière perte de contrôle. Sauf que ce jour-là, je n'était pas moi-même. Ce jour-là, ma folie avait gagné contre moi. Non, aujourd'hui, je l'épousais, je l'embrassais avec plaisir. Car nous avions le même objectif: détruire, se venger... Oui...
Et pourtant, pourtant, j’inclinais la tête.

- Est-ce mal...? Penses-tu que cette... Cette haine soit... Une mauvaise chose? Est-ce que je fais fausse route? Je sais plus rien Nocturne, je ne sais plus rien... Ma compagne, mes enfants, mon père... Mon rôle. Ils m'ont tout pris. Les tuer me semble plus que juste, et même nécessaire, pour les arrêter. Mais je ne veux pas juste les... Arrêter... C'est... Je ne comprends plus moi-même... Je ne vaux rien...

Je m'asseyais lourdement sur le sol, laissant mon poil reprendre son aspect presque naturel. Presque. Je ne bougeais plus. Je me sens malade. Je me rend moi-même malade. Ma haine est trop grande, elle me bouffe. Et pourtant que j'accepte, je la chérie, car c'est la dernière chose qui me permet encore de rouler droit. Et c'est mal... Est-ce que c'est mal?

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Je gardais les oreilles en arrière, le poil à moitié gonflé, alors que Nocturne se glissait hors de la tanière. Je ne le vis pas venir. Non, ce fut brutal. Mon corps n'était qu'un amas de muscle abattus, que pouvais-je bien faire avec ça? Contre lui? Ne me faites pas rire.
Avant que je ne m'en rende compte, je roulais sur le sol, mon échine était douloureuse. Je ne percute pas. Pas encore. Ce n'est que quand le venin fuse sur moi que je comprends. Je plaque mes oreilles sur mon crâne, mon regard aux pupilles dilatés s'encrant d'un revers de la tête, féroce, dans celui de mon ami. Mon ami. Cette pensée est douloureuse. Il va disparaître, lui aussi? Comme les autres? Est-ce qu'il va disparaître? Les mots se plantent dans ma peau, comme des aiguilles. Comme les fléchettes des hommes qui vous plonge en sommeil. Sauf que celle-ci ne m'endorme pas, bien au contraire. Elles réveillent ma rage, un peu plus à chaque mot, chaque syllabes.
Je me redresse d'un seul coup, le regard fou, alors que j'élançais mon corps tout entier sur lui. Je fonce, droit devant moi, avant de le frapper violemment à l'épaule d'un coup de crocs, le poussant alors avec force sur la la droite, le côté opposé où je venais de l'attaquer. Un peu de sang imbibait mes crocs, alors que j'hurle, la voix grave, le regard dément.

- T'aurais fais quoi à ma place Nocturne?! T'aurais fait quoi contre dix chiens capable de te péter à la gueule, alors qu'il y a ta compagne au milieu, hein?!! Si ça avait été Hel, tu aurais pris le risque de mettre sa vie en danger?!

Je lui bondissais dessus, frappant d'un coup de patte, griffe dehors. Je m'en fichais de toucher, j'étais simplement furieux, fou de rage. Que croit-il? Que je n'y ai pas pensé? Que je n'aurais pas voulu essayer? Je pousse un puissant grondement une nouvelle fois, lâchant avec haine et colère.

- Tu aurais fait quoi, paralysé, les yeux grand ouvert, pendant qu'ils traînent le corps de ton père sous ta truffe?! On est pas des dieux, on ne peut pas faire de miracle!!

Je plongeais mes crocs vers le bas, mais un coup dévia ma tête. Je rabattais ma prise sur une de ses pattes, la gauche, continuant de griffer, tantôt le sol, tantôt sa fourrure. Les muscles gonflés, veines apparentes là où ma peau est la plus fine, sans trop de fourrure, je secoue la tête dans tous les sens, avant de bondir en arrière, la gueule complétement en sang, comme le bout de mes griffes, alors que je recule, en posture de défense, claquant des mâchoires.

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Dans cette posture, j'étais prêt à voir l'assaut venir cette fois. Campé sur mes pattes, légèrement fléchi. Oui, j'étais prêt à encaisser son assaut, et pourtant, il me balaya comme si je n'étais rien, malgré ma résistance farouche. Quand avais-je perdu ma force? Depuis que je me laisse aller, sans aucun doute... Depuis que j'en oubli de vivre.
Il me plaqua au sol, me traînant alors jusqu'à la berge du Styx. Mon regard dans le sien, je le défiais, peut-être pitoyablement, qui sait. Mais je ne voulais pas lâcher le morceau, je ne suis pas un lâche! J'aurais pu me battre, me faire capturer à sa place. Oui... Oui, j'aurais pu le faire, mais je n'ai pas pu le faire, je n'en ai pas eu l'occasion. Qu'il me traite de tous les noms qu'il veut, j'aurais été prêt à tout... Je l'aurais aidé, et le regret me bouffe, la haine me bouffe, ce cauchemar me bouffe tout entier!
C'est alors que ses mots percutent dans mon crâne vide de toute pensée cohérente. Si on voulait aller les aider? Mon corps rencontra la surface de l'eau, et le monde devint soudainement sombre. Je battais des pattes dans le vide, avant de toucher le fond de l'eau.
J'étais bien... Même si l'air commençait à me manquer, cet endroit est calme... Reposant, lointain. Loin de toute préoccupation. J'aurais dû rester seul. J'ai tenté le diable. Et voilà comment il me le rend. En me prenant tout, une nouvelle fois.
Je rouvrais les yeux, prenant appuie de mes pattes sur le sol pour remonter à la surface. Je pris une grande goulée d'air, rouvrant les yeux. Nocturne était là, sur la berge. J'avançais dans sa direction, nageant, jusqu'à enfin toucher le sol. Lui mettre sur la tronche?
Je bondissais une nouvelle fois sur lui, tous les crocs dehors, mordant alors férocement son échine. Muscle poil, je gonflais mon corps pour le pousser vers l'arrière de toute mes forces.
Non, je ne les laisserais pas tout me prendre. Je veux me battre. Je veux me battre pour les sauver. Anéantir la menace, détruire ceux qui cause le mal est important, mais avant tout... Je veux sauver ma famille.
Je grondais, avant de subitement céder sur mes pattes, profitant de l'élan de Nocturne pour le faire aller dans la direction de l'eau. Alors, je lançais un violent coup de crâne dans le sien, sentant un terrible écho raisonner sur le coup. Je m'étais sonné moi-même, bêtement peut-être. Mais sans que je ne comprenne pourquoi, un léger rire sortit de mes babines.

- J'vais autant te mettre sur la gueule que j'en mettrais à chacun de ces Hellhounds que je croiserais...

J'étirais un large sourire carnassier, avant de bondir à nouveau dans sa direction, prêt à en découdre.

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Combat, coup. Crocs, griffes, fracas de deux corps. Finalement, nous roulions tous les deux sur le sol, souillant nos poils de poussière, cette dernière collant à cause de l'eau du Styx encore sur ma fourrure. Couché, la langue pendant, je couche ma tête sur le sol, reprenant péniblement mon souffle, épuisé. Fatigué, bien trop fatigué. Mon dernier repos remonte à ma prise chez cette guérisseuse anonyme à mes yeux. Je roule sur le dos, posant mon regard sur Nocturne, qui semblait lui aussi en avoir dans les pattes, après ce petit exercice.
Je m'étirais d'un grand coup, poussant sur mes pattes et sur mon dos, baillant en même temps, avant de me poser une nouvelle fois sur la terre ferme, fermant les yeux. Quelques griffures me brûlaient un peu le flanc, mais c'était supportable. J'y avais aussi perdu quelques touffes de poils. Je me mis sur le dos, les pattes légèrement vers le haut, avant de marmonner.

- Bon... Tu as un plan? Car j'en ai peut-être un... Mais j'y arriverais pas tout seul. Clairement pas...

Soupirais-je en levant la tête vers le ciel. Oui, seul, je ne pourrais rien faire. J'avais besoin d'un soutient, d'une personne sur qui compter. Abysse n'était plus là... Un repère qui me manque. Nocturne ferait un excellent bras droit et conseiller, je n'en doute pas, et je me demande même parfois pourquoi il ne l'est pas chez les Mercenaires. Peut-être à cause de son manque de tact et de délicatesse? Je n'en sais trop rien... Enfin. Je roulais sur le ventre, m'ébrouant alors rapidement pour me nettoyer un peu.

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Je reprenais mon souffle, alors que Nocturne semblait lui aussi attendre. Il n'avait pas de plan, mais j'imagine qu'il savait quand même ce qu'il comptait faire dans l'avenir avec les mercenaires. Il m'observait, les oreilles droites, semblant prêt à écouter ma folie. Je ferme les yeux et soupire longuement.

- Nous devrons collaborer avec les meutes... Nous ne sommes pas assez nombreux pour prendre d'assaut le campement, même en rassemblant tous les Mercenaires.

Au moins, la bonne nouvelle, c'est que Nocturne avait une bombe sous la patte. Peut-être qu'Athos ou Helya en auraient une eux aussi, acceptant de nous la prêter pour un assaut de grande envergure.

- Nous manquons d'informations, il va falloir essayer d'en rassembler le plus possible... Là où ils ont enfermé ceux qu'ils ont emmené, leur nombre, le point faible de leur défense... Nous avons un presque plan de la base, c'est un bon début, mais il faut plus...

Je grondais lentement, continuant.

- Le mieux à faire serait de retourner leurs armes contre eux. 4 bombes devraient suffirent: une pour leur réserve d'arme, si nous trouvons où elle se trouve, une autre pour leur monstre de fer qui avance sur l'eau, pour leur couper une fuite, une pour leur garde manger et les affaiblir, et une dernière... Pour le cracheur de feu géant, en haut de la colonne de pierre. Désarmé et sans solution de replis, nous et les humains des Terres pourront les anéantir... Mais avant de tout exploser, il faudra libérer les prisonniers en s'infiltrant dans le campement sans se faire remarquer...

C'était un plan sans doute fou, mais réalisable. Oui, j'espère réalisable... Nous en étions capable, après tout!

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En effet, le passeur nous en dira évidement plus. Couché, j'écoutais les propositions de mon ami, attentif. Il était plus expérimenté que moi dans ce genre de chose, de mémoire... Je peux me fier à lui. Je sais que je peux lui faire confiance, et je pourrais même lui confier ma vie s'il le faut. Comment obtenir les bombes? Je répondais alors, pensif.

- Nous pouvons voir avec les meutes... Je sais que les Navniks n'ont pas accepté l'accord avec Astaroth, ils ont peut-être des explosifs qu'ils ont gardé pour eux... Je pourrais négocier avec Helya, j'ai de bon contacts avec elle... Avec Athos aussi. Et sinon... Nous pouvons traquer des Hellhounds pour leur prendre leurs bombes. Au choix.

Nous avions le choix... Nous allions devoir travailler dur pour s'en sortir et aller jusqu'au bout de cette guerre.

- La première chose à faire est de faire la liste de ceux qui sont disparu, dans un premier temps... Ensuite, on avisera, et il faudra prévenir les meutes que potentiellement les Hellhounds pourraient utiliser les loups kidnappé, qu'ils ne fassent pas d'erreur...

Grondais-je. On ne sait jamais, il vaut mieux éviter les accidents.

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Finalement, nous nous séparions sur ces mots. La machine était lancée. Nocturne ne semblait pas très enthousiaste à l'idée de collaborer avec les meutes, ce que je pouvais comprendre, avec le recul. Mais si nous voulions nous en sortir, il va falloir que nous soyons unis. Je me levais alors lentement, lâchant moi aussi.

- D'accord, on se revoit demain... Je vais moi-même aller faire un petit tour je pense. Merci Nocturne

J'inclinais la tête lentement, avant d'entamer un dépars vers ma nouvelle mission.

OUT

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