Certains jours s'annoncent meilleurs et d'autres encore nous semblent pires que les précédents.  Mais sommes nous vraiment capable de déceler le mieux du pire ? Le bien du mal ou encore le juste du mauvais? La question reste encore à trancher.

Athos revenait de sa chasse quotidienne. Si la meute avait échappé à la famine; il en était pour beaucoup.  Affaiblis par les blessures et leur exode, les Sekmet  avaient été à ras de passer le cap de la famine. Mais ils y avait réchappé pour ce mois ci. Heureusement ou cela aurait été terrible. Les enfants seraient morts; les vieux et les malades auraient aussi pu y passer. Athos marchait ainsi, après sa chasse;  pour s'étirer les membres et éviter d'avoir de terribles courbatures qui seraient alors bien malvenues. Il avait tellement la tête dans ses pensées, qu'il ne se rendait même pas compte qu'il arrivait dans une clairière bordée de soleil. Athos vit une tâche, une masse noire étalée sur une planche de métal.  Athos l'avait vu. De loin. Mais il n'a pas fait le lien et  a continuer à marcher. Il réfléchissait, lorsqu'une voix rauque  et aigrie l'interpella non loin de lui.


[color:8df3= darkblue]« T’as pas un autre terrain de jeu, franchement ? T’es pas obligé de te trouver là où je suis déjà ! »


Un sourire sarcastique se glissa sur le visage du jeune loup brun. Athos venait de passer devant la plaque de tole, sans s'arréter. Il avait le dos tourné à la masse noire. Il n'avait même pas à regarder dans la direction de cette masse qui venait de se mouvoir pour savoir qui avait parlé. Il ne connaissait que trop bien cette voix la. Cette voix.  Il l'avait entendu depuis son adolescence. Un vieux ronchon, ne fait pas ci ne fait pas ça.  Athos l'avait d'abord détesté pour ça, car Korbën était l'un des premiers anciens à l'avoir disputé pour ses écarts.  Étant jeune; Athos était un vrai casse-cou, n agissant que selon son coeur ou ses valeurs au mépris des règles posées par les anciens. Si au premier abord Korbën le disputait, Athos se rendait compte que ce dernier glissait toujours quelques conseils dans ses discours. Quand il avait fugué par exemple : "Ne fait pas cela, si tu avais voulu bien échappé à la surveillance de ton mentor tu aurais du faire  ça ! Pas foutu de bien faire, cette jeunesse!"

Et Athos avait écouté les conseils, et les histoires. Dans les histoires, il y avait parfois  des contes de loups intrépides qui n'obeissaient à rien ni personne.  Athos était imprégné de ces histoires. Il aimait ce vieux bougon. Il l'avait aide à grandir et encore aujourd'hui son jugement était précieux pour le jeune alpha. 


" Oh que non vieille carne. Je ne peux décidément pas marcher sans te trouver sur mon chemin; avachi comme un vieux bouc. "


Son air mordant toujours suspendu à ses lèvres, Athos tentait de cacher au vieux loup son air soucieux. L'autre avait beau être aveugle, il connaissait bien Athos et percevait bien des choses dans sa voix...

 






Les griffes du jeune loup étaient à présent profondément plantées dans le sol, comme si le beau loup brun tentait de s’empêcher de faire une chose, nul n’aurait su dire laquelle. Athos poussa un long soupir. Il n’avait pas envie d’en parler, il n’avait pas envie de dire combien il se battait pour que sa meute sorte la tête de l’eau, il n’avait pas envie de dire combien il se battait pour qu’on ne coule pas les siens par les gestes et les accords insensés faits par Hige. Il sentait qu’Hige allait causer du tort à la meute, il sentait que ce dernier allait la réduire à néant. En était-il conscient ou était-ce une simple incapacité de sa part à gérer quoi que ce soit ? Athos serra les dents. Non, il n’allait pas dire cela à Korbën. Athos connaissait bien le vieux loup, peut être mieux que n’importe qui puisque certains n’osaient même pas l’approcher. Il était intimidant, d’apparence impressionnante, et sa blessure terrible sur les yeux qu’Athos regardait sans gêne et sans surprise en effrayait bien plus d’un, jeunes ou moins jeunes. Athos fit un mouvement des épaules pour se détendre les muscles crispés.

Il ne pouvait pas seulement ignorer la question du loup, il savait, il savait que lorsque Korbën voulait savoir quelque chose il trouvait toujours un moyen pour en prendre connaissance. Athos expira à nouveau, une longue expiration lente, posée, mais rude, comme s’il avait retenu son souffle pendant toute sa réflexion, et qu’il vidait doucement, petit à petit ses poumons. Il ne voulait pas mentir au vieux loup qui lui avait tant inculqué. Car Athos n’avait jamais été un menteur. Il pouvait « omettre » parfois de préciser certaines choses, mais jamais il ne mentait. Il parlait avec son coeur, avec son âme. Comme les loups grands et forts dans les Histoires de Korbën. A ce moment, Athos se souvint d’une histoire que le vieux loup avait raconté lorsqu’Athos venait d’arriver chez les Sekmet, c’était alors un jeune louvard de huit mois. Un sourire sarcastique flottant sur les lèvres, Athos glissa :

« Je me souviens d’une chose vieillard, une chose que tu m’avais dite. C’était l’histoire d’un prince qui avait été enlevé et élevé loin des siens. Mais en grandissant, son esprit n’a jamais perdu de sa nature et après un long périple il est revenu sur sa terre, dévastée, broyée par le dominant qui l’avait remplacé. Quelle avait été l’issue déjà ? »



C’était une vieille, très vieille histoire. Mais Korbën avait une bonne mémoire. Et Athos aussi, il se souvenait très bien de ce qui était advenu alors. Le Prince avait combattu l’usurpateur. L’affrontement des deux candidats au rang suprême avait été un bain de sang car le Prince n’avait pas su convaincre la meute, il y avait ceux qui étaient resté fidèles au régime installé, qui étaient avec l’usurpateur, et ceux qui suivaient leur raison et qui étaient avec le Prince. Le Prince s’était appuyé sur ce soutien sans même se soucier des autres. Il avait agi par impulsion, par rage en voyant sa meute et son territoire dévasté.
C’était de cette histoire qu’Athos avait, depuis tout petit, compris l’importance des interactions entre les loups. Il avait compris que la rage ne faisait pas tout, qu’il fallait penser aux conséquences, au bien commun de tous les loups et pas seulement d’une partie. Cette histoire se rapprochait de près à celles des Sekmet. Sauf qu’Athos n’était prince en aucun cas, il n’avait aucune légitimité de sang, ce qu’il avait, il l’avait mérité par sa persévérance et ses entraînements. Athos avait été marqué par l’histoire de Korbën, véritable avertissement face aux agissements insensés et irréfléchis. Que pensait Korbën du coup d’Etat d’Athos ? Le jeune loup ne lui avait jamais demandé. En vérité, il avait peur de sa réponse, et c’était bien la première fois qu’Athos avait peur de ce que quelqu’un pensait. Car il savait. Il savait que Korbën avait un jugement juste, le plus souvent. Athos avait-il été trop présomptueux de se croire capable de gérer seul la meute entière ? Athos plongea son regard dans la barre de chair qui fut les yeux de Korbën. Athos savait que non. Il savait qu’il était né pour ça, il avait toujours montré, depuis tout jeune, cette volonté, cette force d’instinct et de caractère. Il avait toujours voulu faire le plus possible pour la meute, et il avait fait le sacrifice de sa famille pour faire le coup d’état, sacrifice ultime pour lui qui lui avait valu un déchirement profond. Puis, il n’était pas seul. Il ne ferait pas la même erreur que le Prince de l’histoire.