Souffle acide du vent, larmes brulantes du ciel. Le monde ne ressemble plus aux paysages d'autrefois. Les cataclysmes ont frappé, des colonnes de flammes et de fumées se sont élevées sur l'horizon. La guerre. La guerre des hommes. Et nous, les loups n'avons eu d'autres choix que de fuir. Nombreux furent nos congénères emportés. Nous traversâmes les plaines cabossées, les forêts de cendres, poursuivis par la faim, traqués par la mort.
Notre salut, nous le devions malheureusement à ceux qui avaient provoqué notre malheur.
Ils grandissent vite, trop vite même peut-être. Depuis sa mise-bas, Opium ne les a pas quitté d'une seule semelle, ses enfants, ses protégés, ceux qu'elle aime plus que tout. Même lorsque les Hommes ont frappés, elle les a protégé, endossé les blessures pour eux. Longtemps, elle est resté cloué dans un coin avec ses petits sans pouvoir énormément bouger à cause de sa patte. Longtemps elle est resté en retrait mais, lorsqu'elle a su marcher un peu mieux, elle avait amené ses enfants avec elle. Elle ne souhaitait pas rester au sein des Sekmet pour élever ses petits, du moins, pas constamment. Elle voulait de l'intimité avec eux, créer un lien fort avec sa progéniture et, ainsi, elle s'était trouvé un coin un peu en retrait des autres dans les boyaux de la terre. Elle s'occupait d'eux et, lorsqu'ils avaient un peu moins besoin de sa présence, elle les laissait seuls mais, demandait toujours à Gallya, la nourrice de la meute, de veiller sur eux en son absence, le temps de se délier les pattes.
Pendant un moment, l'espionne est resté inactif pour pouvoir jouer son rôle de mère, pour pouvoir être celle qui comptera le plus dans le cœur de ses deux enfants, Mantra et Obberyn. Ils étaient à elle, rien qu'à elle et, elle lest gardait jalousement dans son coin mais, les petits grandissaient et, ils allaient avoir besoin de plus d'espace désormais … Bientôt, ils auraient cinq mois, bientôt ils auront besoin d'un mentor, mentor qu'elle choisira méticuleusement pour être sûr qu'ils ne craignent rien. Elle refuse de laisser ses petits à n'importe qui et, rien que le fait de les laisser seuls à un autre loup déjà, elle n'aime pas cela. Est-elle une mère poule ? Non car, elle les laisse respirer, s'amuser comme bon leur semble, prendre des risques mais en gardant toujours un regard protecteur sur eux pour pouvoir intervenir au moindre problème. Non, ce dont elle a peur, c'est de laisser sa progéniture à un loup aux mauvaises intentions. Un loup qui les détournerait d'elle et, cela, elle le refuse. Elle ne veut pas qu'il arrive malheur à ses enfants au risque de faire un carnage.
Ce jour-là, alors que les petits atteignaient bientôt leur cinq mois, d'ici quelques nuits, Opium décide d'amener Mantra et Obberyn faire un tour avec elle, dans les dédales des profondeurs. Souvent, elle les amène avec elle pour leur montrer divers endroits des profondeurs. Oh, elle aimerait pouvoir leur montrer la surface mais, celle-ci n'est pas sûr, elle préfère attendre, attendre qu'ils sachent fuir correctement avant de les amener là haut où le danger est le plus présent. Elle ne souhaite pas les tenir à vie dans les profondeurs, non, mais elle souhaite les préparer d'abord et, c'est pour cela que, souvent, au moins un fois par jour, elle leur fait visiter de nouveau endroit sous terre afin qu'ils connaissent l'endroit comme leur poche si jamais ils doivent fuir.
Elle marchant tranquillement, les oreilles bien droites, veillant à ce qu'aucun danger ne se trouve dans les parages. Finalement, elle pose un regard protecteur à Mantra, puis à Obberyn.
« Alors, mes petits monstres, qu'aimeriez-vous être plus tard ? »
Elle décide de profiter de cette petite balade pour commencer à mettre en place les entraînements et mentor futur de ses enfants, voulant savoir vers quoi ils se dirigeront. Une discussion probablement barbante pour les petits mais, il fallait bien passer par là un jour ou l'autre ...
Il avait passé ses premiers mois, enfermé sous terre, comme un petit ver de terre. La chaleur de sa mère, les couinements plaintifs de sa sœur, il connaissait bien tout ça. Il avait ensuite du faire face à l’humidité, à l’odeur de terre immonde, aux dédales de souterrains qu’il ne connaissait toujours pas. Oh, le monde qui s’étendait au-delà de la fourrure de sa mère était bien trop humide, bien trop sombre et bien trop froid pour s’y aventurer. Obberyn avait déjà compris qu’il n’aimerait pas ces endroits-là. Aussi, il tentait de s’y aventurer le moins possible. Le sol gelait ses coussinets encore roses, et chaque pas dans cet enfer de pénombre était un véritable supplice. Malheureusement, il n’avait pas beaucoup le choix. Leur mère les emmenait toujours à la découverte de ces souterrains qui se ressemblaient tous, comme s’ils avaient pu être d’un quelconque intérêt. Et ce matin-là — enfin, le moment où les louveteaux s’étaient éveillés étant donné qu’ils n’avaient aucune notion du jour et de la nuit, enfermés sous terre comme ils l’étaient — Opium avait encore décidé de les emmener vagabonder dans les souterrains. Obberyn avait gémi, avait râlé, mais rien n’y avait fait : leur mère était inflexible, de toute façon. Il avait donc suivi le mouvement en traînant la patte, s’arrêtant à chaque mètre en espérant pouvoir faire demi-tour pour retourner se loger dans la chaleur de leur tanière. Mais non. Sa mère ne s’arrêtait pas, il fallait continuer à marcher. Obberyn bougonnait donc derrière sa mère et sa sœur, désespéré de cette promenade qu’il considérait inutile, lorsqu’Opium prit la parole, brusquement. « Alors, mes petits monstres, qu’aimeriez-vous être plus tard ? » La question prit le louveteau au dépourvu. Ce qu’il aimerait être plus tard ? Il n’y avait jamais pensé. Il n’avait jamais réfléchi à ce qu’il serait, réellement. Il aurait seulement voulu continuer à se prélasser tranquillement dans leur tanière, et continuer à se nourrir de la viande régurgitée que leur mère leur rapportait. Elle leur avait déjà parlé de la surface, et de ses nombreux dangers. Dangers qu’Obberyn ne parvenait pas à se représenter et qui, par conséquent, le rendaient totalement indifférent à eux. Il était invincible, de toute façon. La mort, ça n’existait pas. De toute manière, ce n’était qu’une idée floue, qu’il n’avait jamais réussi à se représenter. Tout compte fait, il n’y avait jamais réfléchi : il vivait dans sa petite sphère privée, qui ne comptait que sa sœur et sa mère. Et les souterrains. Il n’avait pas besoin d’autre chose. — J'en sais rien moi. Genre, gardien du garde-manger ?, lança-t-il avec un grand sourire. Ça devait être la bonne planque, ça. Gardien du garde-manger. Il pourrait dormir et manger toute la journée. Personne ne volerait le garde-manger, ils auraient trop peur de lui de toute façon.
A la suite de la queue noire et touffue d'Opium, Mantra avançait dans les dédales obscurs des souterrains. L'écho de leurs pas se répercutait à l'infini contre les parois froides et chargées d'humidité ; mais la petite louve n'avait aucunement peur. Après tout, c'était ici qu'elle vivait depuis toujours. Le jour, la nuit, tout était question de décompte dans les profondeurs. De décompte et d'imagination, lorsqu'elle entendait parler du ciel et des créatures qui couraient à la surface. Depuis ses premiers jours, Mantra était restée pelotonnée dans la chaleur rassurante des sombres sous-terrains, entre sa mère et son frère. Moins casanier que ce dernier, elle s'était vite mise en tête de les explorer : ils étaient son domaine, son royaume, et en tant que tels elle se devait de les connaître sur le bout des coussinets. Ensuite seulement viendrait sa conquête de la surface. Lorsque Opium jugerait le moment venu. Mantra avait toute confiance en sa mère. Et heureuse de cette balade familiale, elle trottait fièrement en tête de marche, reniflant en tous sens pour tenter de capter de nouvelles odeurs, arracher de nouveaux mystères à ces boyaux ténébreux. Derrière elle, la voix d'Opium s'éleva soudain, et l'étroitesse des lieux la rendait presque caverneuse.
« Alors, mes petits monstres, qu'aimeriez-vous être plus tard ? Question à laquelle son frère ne manqua pas de répondre bêtement : - J'en sais rien moi. Genre, gardien du garde-manger ? »
Mantra leva les yeux au ciel. Au plafond. Et elle se croyait drôle, cette andouille. Franchement. Obby ne pouvait vraiment pas s’empêcher de faire le malin plus de cinq secondes – cinq secondes durant lesquelles il mettait toujours la plus grande application à somnoler comme un bienheureux. Cela dit, l’idée n’était pas mauvaise. Mantra la considéra une seconde, et finit par convenir que gardien du garde-manger était une position stratégique de choix pour marchander avec les autres loups de la meute. Après tout, personne ne pouvait survivre sans nourriture. Avoir la mainmise sur les réserves, c’était une sacrée bonne idée quelque part. Enfin. La louvette doutait que son frère ait pensé à ça. Ce gros balourd n’avait que deux idées en tête de toute façon : manger, et dormir. Belle façon de perdre son temps, tiens. Les idées de Mantra sur l’avenir étaient légèrement plus palpitantes. Pas moins floues que les projets d’Obberyn, cela dit, il fallait bien le reconnaître. Mais elle savait qu’elle voulait plus. Quoi, aucune idée. Mais plus que cette douce mais monotone oisiveté qui berçait leurs jours. Quelque chose d’entraînant, de brûlant, de piquant et d’efficace. Quelque chose de mystérieux, des secrets à découvrir, des énigmes à résoudre. Sûrement que les histoires d’Opium comme l’obscurité des souterrains avaient grandement favorisé les grandes envolées lyriques internes de la petite louve, depuis qu’elle avait ouvert les yeux dans les profondeurs. Cependant, elle restait perplexe – et cette incertitude l’agaçait : plus, c’était bien, mais qu’est-ce qui pouvait être suffisamment plus pour la satisfaire ?
« Moi je serai alpha. » Déclara-t-elle donc sans aucune gêne, la tête haute et l’air presque condescendant.
Alpha de quoi, ça, elle n’en avait aucune idée. A vrai dire, elle ne savait même pas ce qu’il fallait faire pour devenir alpha. Avoir tout un tas de prétendants, sans doute. C’était peut-être là que le garde-manger d’Obberyn entrait en compte. Malgré ses bravaches, l’agacement de Mantra persistait. Elle sentait vaguement au fond d’elle qu’alpha n’était pas la bonne réponse à sa question. Mais elle ne parvenait pas à trouver une réponse plus adaptée. Sans cesser de mettre prudemment une patte devant l’autre, la petite bête noire retourna ses yeux d’ambre vers sa mère et l’observa avec curiosité : Opium était la louve la plus maligne et intelligente qu’elle ait jamais vue. Mantra pourrait bien être espionne, comme sa mère ; connaître tous les secrets des autres, quelque part cela lui plairait bien. Etait-ce pour cela qu’Opium avait atteint son grade actuel au sein des Sekmets ?
« Tu voulais devenir quoi toi, quant tu étais petite ? »