Ainsi, je suis triplement père. Ainsi, je n'ai pas seulement perdu ma meute, j'ai aussi gagné un fils. Un premier fils, d'une première union. Bien avant Pandémonium, bien avant Manîthil. Je plisse légèrement les yeux. Cette troisième journée sera certainement aussi intensive que les précédentes, mais je n'ai pas l'intention de faire moins d'effort que d'habitude. Je suis l'Esprit du Dragon, et je saurais bientôt ce qui s'est passé durant mon absence. Même si j'en ai les esquisses, je veux le voir de mes yeux. Mais pour ça, je dois d'abord me remettre, cesser de me transformer en chien de combat à la seconde où un simple conflit éclate. Je dois réparer dans mon cerveau ce que les hommes ont abîmé à force de temps et de violence. Mais si mon fils à pu reprendre ses esprits alors même qu'il avait vécu davantage dans l'arène que chez les siens, alors je saurais devenir à nouveau le mâle Alpha que les miens ont oublié et abandonné. Et s'ils ne veulent plus de moi, eh bien soit, je fonderais une nouvelle meute, avec mes enfants Dragons pour seuls compagnons de meute, pour seule famille. Mais pour l'heure, il est encore temps de se préparer, de continuer mes efforts pour être de nouveau normal, équilibré. Je suis passé par bien des stades dans ma vie, mais celui-là est probablement le plus difficile qu'il m'ait été donné de surmonter. J'inspire profondément, me tourne lentement vers mon compagnon sombre, et je bondis dans sa direction en une fraction de seconde pour entamer une nouvelle journée d'entraînement.

Pas le temps de se reposer, pas le temps de réfléchir. Nocturne ne fait plus qu'assister à la colère du Dragon, il est maintenant un partisan de cette rage et il la déclenche comme bon lui semble, s'assurant au fil des jours de mieux la contrôler et de me permettre un meilleur maintien de mes propres élans psychotiques. Je me jette contre lui, plonge mes crocs dans son épaule et gronde de douleur alors que ses mâchoires se referment sur ma gorge. Je me débats avec force, mais l'animal sombre n'a aucun mal à me traîner au sol et à m'entraîner avec lui, m'emportant vers un buisson que je remarque avant d'être couché dedans. J'analyse sa consistance en une fraction de seconde, alors qu'il m'aurait autrefois fallu bien plus de temps pour réaliser que je suis en danger. Je comprends rapidement les intentions du black et je m'esquive dans un violent soubresaut, me dégageant de ses mâchoires mortelles pour m'éloigner de son corps et de son esprit vicieux. Je lui lance un regard désapprobateur, mais je ne prends pas le temps de me dire qu'il s'en fiche et je fonds de nouveau sur lui pour le percuter de plein fouet et l'envoyer dans son propre piège. Pourtant, en meilleur équilibriste, il parvient à se remettre d'aplomb pour me rentrer dedans à nouveau. Je bascule sur le côté, mets trop de temps à me remettre, et écope d'un violent coup de crocs dans les flancs avant de rouler par terre, faisant volontairement plus de tonneaux que nécessaire avant de me relever. Je gronde, retrousse les babines, hérisse le pelage et bondis dans sa direction, tous crocs dehors et mâchoires grandes ouvertes.

Quelques échanges d'une violence nouvelle et nous voilà de bout, lui partant devant, moi me projetant dans sa direction de toutes la force de mes pattes. Grondant, extériorisant mes dents, je concentre tout mon esprit sur la position du loup noir, sur chaque pas qu'il fait et que je fais dans ses traces, ressentant presque chacune des pressions de ses membres sur le sol à mesure que je les décalque sous mes propres doigts. Soudain je me projette en avant et je percute de tout mon poids, tombant avec force sur sa croupe pour lui faire perdre l'équilibre et l'écraser au sol dans un roulement incessant de nos deux corps qui s'emmêlent. Et si nos crocs claquent, si nos mâchoires se cherchent, nous ne faisons que nous rentrer dedans et nous écraser l'un l'autre pendant d'interminables secondes, jusqu'à ce que le sol cesse de bouger autour de nous et que nous ayons la possibilité de nous relever. Je me jette à quelque distance de lui pour me retourner brutalement et fondre dans sa direction, percutant son épaule et le faisant retomber sur le sol en plongeant mes crocs vers sa gorge sans pour autant les y planter, avant de reculer tout aussi vite pour recommencer mes assauts et le harceler durant de longues secondes, ne laissant jamais le même temps entre chaque attaque pour qu'il n'ait pas la possibilité d'anticiper mes mouvements et qu'il ne puisse donc pas les contrer avec efficacité. Lorsqu'enfin je suis satisfait, je me jette sur lui et roule au sol en l'emportant dans mon élan avant de lui mordre le poitrail pour le faire voler par-dessus moi, me servant de mes postérieures sur son abdomen comme d'un balancier puissant. Voilà pour moi la dernière ligne droite achevée, je roule sur moi-même et me redresse, debout face à lui. Je veux des réponses.

- Je veux les voir. Les Navnik. Je veux voir ce qu'elle a fait des miens.

Je parle autant d'Atom que d'Helya. Si l'une les a abandonnés à un sort plus qu'incertain, l'autre semble avoir prouvé sa valeur à ceux qui furent ma famille et je veux savoir comment, et si elle mérite réellement le respect que semblent lui porter ceux dont je me sens encore la responsabilité.