La forêt aux pendus. Un endroit à glacer le sang quand on y repense, à vrai dire. Par chance, les orages Sangs de soleil n'avaient pas encore atteint les aux arbres. Les louves pourraient donc chasser en sécurité, pour le moment en tout cas. Car d'après Nyx et d'après le temps qu'il faisait de-ci et de-là des terres, les flammes ne mettraient pas beaucoup de temps à se propager un peu partout. À voir. C'était pour ça qu'il fallait que les louves se dépêchent de chasser, avant que les pluies ne leur tombent dessus. Malgré ses précédentes hallucinations et toujours quelques pertes d'équilibres, la cendrée marchait d'un bon pas. Elle allait ramener, elle l'espérait, une proie de plus pour sa meute. Elle en profiterait pour se dégourdir un peu les pattes, car ça faisait déjà quelques jours qu'elle n'avait pas chassé, en espérant que ça ne lui porte pas préjudice lorsqu'elle courait après sa proie, si elle venait à en trouver une. Dans tous les cas, un sanglier était bien plus facile à chasser qu'une biche ou un cerf et était également un peu plus gras. Il fallait simplement espérer que la louve ne tomberait pas sur un maigre lapin. Enfin, même si c'était toujours ça de gagné...

Marchant d'un pas plus rapide, Nyx avait dépassé Naïa de peu, pressée et excitée par cette chasse. Souhaitant ramener quelque chose pour sa meute pour éviter du mieux qu'elle le pouvait la famine, la cendrée comptait chasser de son côté. Mais peut-être qu'une prochaine fois, les deux femelles chasseraient pour satisfaire leur faim et leurs désirs. Et puis Nyx ne connaissait pas encore les capacités et le niveau de chasse de la blanche, alors elle préférait ne pas prendre de risques plutôt que de voir passer sous sa truffe un bon gibier. Même si elle ne doutait pas de l'aptitude de Naïa à chasser.

Elle se tourna vers la louve blanche, et déclara après un long moment de silence :

« Je suis prête. Je vais partir de mon côté pour aller voir ce que je peux trouver. Rendez-vous ici ? »

Les deux louves se trouvaient juste à l'entrée de la forêt, dans une sorte de petite clairière. Plusieurs chemins s'offraient à elles, dont deux bien distincts. Nyx choisit celui de droite, un peu plus sombre que celui de gauche. Elle verrait bien où il la mènerait. Elle s'avança tranquillement et se posa devant le sentier, attendant la réponse de sa partenaire.

Naïa sembla du même avis, la cendrée en fut donc satisfaite. Elle regarda la blanche partir de son côté, la truffe au sol. Nyx fit de même, mais quand à elle sa truffe fut orientée vers le haut. En effet, cette technique particulière lui permettait de flairer à distance un quelconque animal et non pas de suivre la trace d'un animal donc elle était incertaine. Elle espérait vraiment pouvoir ramener une proie de plus pour sa meute. Les derniers mois, il était vrai qu'elle n'avait pas tellement participé à la vie active des Sekmets, ce qu'elle regrettait. Désormais, ils étaient menacés de près par la famine en plus des orages Sangs de Soleil qui s'abattaient sur leur tanière. Anciennement leur tanière. Et si elles était remuée avant ? Et si elle avait été là, si elle avait ramené de la nourriture dès le début ? Peut-être que tout ceci ne serait pas arrivé. Mais non, Nyx s'était contentée de son poste de sentinelle et de se faire nourrir par les autres. C'était bien elle, ça, de se monter égoïste avant de regretter ses faits. Mais après tout, maintenant qu'elle se mettait à chasser, elle en avait que faire de n'avait rien fait auparavant. Puisque maintenant elle était là, et c'est ce qui comptait : le présent.

Perdue dans ses pensées, l'envol de deux oiseaux sur son passage la fit sursauter. La cendrée poussa un grognement, énervée d'avoir été surprise ainsi. Elle se remit aussitôt à flairer, tantôt en l'air tantôt au sol, dans le seul espoir de trouver quelque chose.

Au bout de quelques minutes, la cendrée ne tarda pas à flairer l'odeur d'un gibier. Elle avança, elle se rapprochait. L'odeur était de plus en plus forte, de plus en plus familière... Un sanglier. Mais Nyx ne s'en aperçut que lorsqu'elle le vit. Il était gros, bien gras, mais semblait avoir encore toute la vivacité nécessaire pour échapper à ses crocs. Ce qui restait à prouver, car la cendrée ne comptait pas le laisser passer entre ses pattes, hors de questions de ne pas réussir à attraper un animal comme celui-ci. Elle imaginait déjà la réaction de sa meute quand elle leur amènerait : ils seraient heureux que, une fois de plus, elle leur ramène à manger. Nyx ne pût s'empêcher d'esquisser un sourire d'autosatisfaction.

Malgré tout, la bête se trouvait à une certaine distance, entre fourrées, arbres et buissons. Son agilité allait être mise à rude épreuve, c'était certain. Mais sans bien réfléchir, la cendrée bondit d'un coup des buissons, prenant la bête par surprise. Mais celle-ci était pourtant vive, et s'engagea dans un petit sentier de l'autre côté. Pour atteindre se sentier, Nyx dût faire preuve de grande souplesse : les branches étaient basses, elle dût à plusieurs reprises sauter par-dessus, ce qui ne fut quelques fois pas une tâche facile. Et une fois arrivée sur le sentier, ce n'était pas fini. Mille et un troncs d'arbres s'étendaient à perte de vue devant elle et le sanglier. De loin, ils semblaient pourtant petits... Mais une fois arrivée devant, ce fut une toute autre affaire. À multiples reprises Nyx s'entravait en sautant par dessus, et même en allant jusqu'à passer par-dessous certains, qui était bien hauts. Jamais encore elle n'avait vu un tel chemin.

Mais par chance, Nyx qui s'était rapprochée du sanglier, pût prendre appui sur un gros tronc d'arbre pour bondir d'une manière des plus souples sur la bête qui courrait encore. Les crocs si récréeront plantés dans sa gorge, il ne lui fallut que quelques secondes pour l'achever. Quelques secondes durant lesquelles il se débattaient, du mieux qu'il le pouvait. Mais il ne bougea plus, s'étalant de tout son long sur le sol boueux de la forêt aux pendus. Il était mort, et Nyx avait réussi sa chasse.

La cendrée attendit. Il fallait qu'elle reprenne des forces avant de tirer la bête vers leur point de rendez-vous, car ce ne serait pas de tout repos. Alors elle commença par s'allonger au côté de l'animal mort, légèrement essoufflée, repensant à son futur moment de gloire.

Nyx eut un peu de difficultés à transporter l'animal vers le point de rendez-vous. Il fallait dire que la forêt était pleine de troncs déjà difficiles à passer en courant, alors au pas accompagné d'une proie grosse comme celle qu'elle venait d'attraper, ce n'était pas le plus évident. Malgré sa fatigue, la cendrée en eut vite marre ; elle ne faisait que s'arracher la mâchoire pour n'effectuer que quelques mètres. Lassant. Alors, s'était mise toute seule en colère à cause du poids du sanglier, elle décida de le hisser sur ses épaules. Il était lourd, mais au moins, elle avançait sans encombre - ou presque.

Le trajet fut alors vite fait, et Nyx arriva au point de rendez-vous assez vite. Arrivée, elle laissa tomber le sanglier de ses épaules comme une masse et s'affala sur le sol, reprenant sa force et son souffle. N'ai était déjà là, mais à vrai dire, elle s'en fichait un peu. Quoique, malgré le non-intérêt qu'elle portait à la blanche, Nyx avait tout de même remarqué l'animal qui gisait à ses côtés. Un sanglier également. Dommage, car pour combler sa fierté personnelle, la cendrée aurait aimé ramener une plus grosse proie, ou rien qu'une proie différente. Tant pis. Mais elle n'était pas mécontente de sa chasse, bien au contraire.
Finalement, Naïa ne semblait pas si mauvaise à la chasse, peut-être d'autres chasses collectives à envisager avec elle plus tard ? Oh, et puis elles verraient bien au feeling, la cendrée n'était pas plus pressée que ça.

Se redressant légèrement, Nys se tourna vers Naïa pour ne pas paraître impolie. D'ordinaire elle n'en aurait eu que faire, mais la blanche restait tout de même une louve qu'elle appréciait. Avec elle, pas de prise de tête et pas de jugement sur son foutu caractère. Même si ça l'amusait d'embêter les autres, parfois, la Sekmet préférait bien la neutralité que peu pouvait lui porter, comme Naïa.

« Je vois que tu as été chanceuse tout autant que moi, je t'en félicite, vraiment. »

À l'entente du compliment de Naïa, Nyx ne pût s'empêcher de sourire, la remerciant d'un rapide mouvement de tête.

« Merci. »

Qui aurait cru qu'elle pouvait féliciter une louve Esobek pour sa chasse ? Elle s'impressionnait elle-même à vrai dire. Peut-être était elle même trop gentille, elle qui était une Sekmet. Fière de sa meute, la cendrée n'adoptait sûrement pas la bonne attitude avec Naïa. Mais elle semblait si innocente ! Pourtant, il ne fallait faire confiance à personne, Nyx le savait. Peut-être que la louve blanche était une espionne, ne cherchant qu'à en savoir plus pour mieux prendre au piège la cendrée ou encore un autre Sekmet ? Dieu sait combien de fois Nyx avait jugé, mais désormais, elle ne pensait plus en rien. Elle ne savait plus que faire avec la louve blanche.

« Peut-être, oui. » Répondit-elle tout naturellement pour ne pas éveiller de soupçons.

Décidée à prendre du recul par rapport à sa précédente réflexion et estimant que les deux louves n'avaient plus rien à se dire pour le moment, Nyx jugea plus sage de se retirer, et ainsi se permettre une plus longue réfection sur l'Esobek.

« Il est temps pour moi de ramener ma proie chez les miens. À bientôt, Naïa. »

La cendrée la salua et partit presqu'aussitôt en direction de sa nouvelle tanière. Elle n'était pas bien loin, mais le chemin serait difficile à cause du poids de la bête, qu'elle venait de hisser à nouveau sur ses épaules. Le trajet serait néanmoins sûrement assez long pour pouvoir décider de ce que Naïa représenterait à ses yeux : neutralité absolue.