Les terres du Nord. Des lieux propices à la chasse, car ils étaient épargnés par le cataclysme de flammes qui occupaient les autres territoires. C'était avec une grande détermination que je m'étais dirigé jusqu'à la cabane du chasseur. Elle se trouvait à l’orée de la forêt et faisait parti d'un lieu stratégique pour espérer avoir du gibier. L'endroit était à l'abandon depuis que les hommes s'étaient regroupés au front et je n’encourrai aucun risque. Tapis dans les buissons, j'attendais la venue de la moindre proie capable d'assouvir ma soif de capture. Il fallait chasser pour subvenir aux besoins du clan et je devais participer à l'effort collectif. Un loup qui ne s'investit pas pour sa meute pour être juger comme un incapable ou un faible. J'étais loin de l'être et j'allais le prouver en capturant ma première victime.

Durant les premières heures de la matinée, aucun animal ne pointa le bout de son nez à côté du bâtiment, qui grinçait. Je restai aux aguets, près à bondir sur quoi que ce soit d'autres vivants. S’engouffrant dans mon pelage, le vent ébouriffa mes poils et hérissa ceux qui était sur ma nuque. Mes narines ronflèrent devant cet affront, mais je ne bougeai pas d'un poil. Bientôt, ma patience allait être récompensée.

Au milieu de la journée, un petit groupe de lapins sauvages s'aventura près de mon buisson. Ils semblaient chercher des vivres pour se revigorer et apaiser leur faim. Je les observai quelques instants, en attendant le bon moment pour sauter sur eux et en faire mes proies. L'opportunité se fit rapidement et je ne tardai pas à bondir au milieu de l'assemblée, griffes dehors.

Jauge:

Ma venue sema le trouble dans le groupe qui tenta de s'échapper à toute allure. Je pris en cible un jeune lapin assez vif et je m'élançai à sa poursuite. Ma queue était gonflée et je paraissais terriblement menaçant. J’accélérai mon allure pour ne pas me faire distancer. Je dévalai une bonne partie de la forêt tant ma proie était affolée et craintive. Plus je lui courrai après, au plus je m'approchai. Bientôt, il ne resta plus que quelques mètres qui nous séparait et j'allongeai mes foulées pour les supprimer. Là, j'avançai ma patte antérieure droite, plantant mes griffes dans la croupe de l'animal. Sa course stoppée, je le rapprochai de ma position pour en finir. Mes crocs se plantèrent dans sa jugulaire, mettant fin à tout signe de souffrance de l'animal. Il paraissait si... appétissant. Sans plus attendre, j'empoignai la peau de son cou entre mes dents en prenant les précautions nécessaires pour ne pas l’abîmer.

J'étais fier de moi et j'espérais honorer ma meute en leur offrant ce petit animal. C'était ma première chasse et je comptais en exercer beaucoup d'autres pour mes congénères et moi-même. Tout en me dandinant, la queue haute, je m'élançai au trot vers le camp des Sekmet, plus au Sud et à l'ouest de ma position. Je comptai revenir ici pour continuer ma traque, ça me paraissait être un bon coin. Mais la prochaine fois, j'espérais avoir tout de même un plus gros gibier que celui-ci... !

Tapi au milieu des buissons, j'attendais. C'était la deuxième fois depuis que j'avais retrouvé les traces des miens que je venais chasser pour eux. Je n'avais pas encore de techniques bien précises, me fiant à mon instinct. Je savais qu'ici, les proies étaient abondantes et il était rare de ne pas en voir. Je m'étais levé à l'aube pour pouvoir aiguiser ma manière de chasser et j'avais décidé de me hisser dans un amas de houx, pensant que les feuilles pointues suffiraient à camoufler ma présence. Je veillai depuis lors, la venue du moindre animal, gros ou petit. Tout mes sens étaient en alerte, mon ouïe, ma vue et mon odorat. Rien ne pouvait passer au travers. Au dessus de moi, le Ciel était particulièrement dégagé et le Soleil, fidèle Astre, commençait à taper fort, souillant de son effluve chaud ma robe noire. Même si son étreinte me gênait, puisqu'il rendait mon odeur encore plus forte, j'aimais sa compagnie, la trouvant agréable et douce. Les Larmes de Soleil était devenues une des choses que j'haïssais au plus haut point, passant le trait sur les épidémies qui avaient envahies le territoire avant Elles. Je pressai mes narines pour m'empêcher de suffoquer. La chaleur devenait de plus en plus insupportable au fil de la journée, particulièrement sous ma cachette de végétaux. Je croisai les pattes antérieures devant moi et posai toujours ma tête sur celles-ci. Il ne restait plus qu'à attendre qu'un animal, et il n'en suffisait que d'un seul, passe devant ma tanière provisoire pour que je me jette sur lui, toutes griffes sorties.

Profitant de cet instant seul pour me recueillir un peu, je me remémorai toutes les visites et rencontres que j'avais eu jusqu'ici. Mes pensées allèrent naturellement vers Eden, jeune louve Esobek qui avait fait basculer toutes les cartes vers elle pour ensuite les abandonner pendant un moment, blessant mon âme assez profondément. Ma peine avait du mal à cicatriser et je savais que le temps saurait réparer les blessures du passé. Et, peut-être, me permettre de lui donner mon pardon, ce qui m'était d'ordinaire difficile. Ensuite vint le tour de Nyx, une sentinelle de mon clan que je trouvais particulièrement à mon goût. Je m'étais entraîné une journée avec elle et j'avais apprécié sa compagnie. J'espère qu'un jour, on se reverrait en dehors du clan.

Brusquement, un bruit me tira de mes pensées. Je m'accroupis d'un geste vif puis me mis à la recherche d'une cible à abattre.

Jauge:

Malheureusement pour moi, je ne vis aucun animal. Un soupire s'échappa de mes narines et je repris ma position initiale. La moitié de la journée venait de passer en un clin d’œil. L'espoir d'attraper quelque chose s'amenuisait. Je voulus rester encore un moment, attendant que le Soleil se couche pour rejoindre ma meute. Je ne pouvais pas me résoudre à rentrer bredouille pour une seconde chasse, ce n'était pas mon genre. Je gardai mes oreilles en alerte, croisant les pattes pour qu'une proie montre le bout de son nez. Doucement, je sentis un faible courant d'air frais venir ébouriffer mes poils chauds. En silence, je remerciai Dame Nature de m'offrir un tel soulagement après avoir passé mon temps sous un Soleil de plomb. J'en profitai pour me lécher un peu. Ma langue était très sèche et je peinais à mouiller mon pelage épais. J'haussai les épaules et portai mon attention sur ce qui se passait autour de moi. À part sous la brise, les végétaux autour de moi ne bougeaient pas d'un poil. On aurait dit que les animaux avaient été prévenus de ma présence et qu'ils ne sortiront pas temps que je serais ici. C'était bien la première fois que ça m'arrivait et je pouvais maintenant donner une preuve que ce lieu pouvait manquer de proies. Je me relevai prestement, en profitant pour m'étirer un petit peu. Je sortis des buissons et m'élançai lentement dans une course aérienne, bien décidé à rejoindre la Station de métro. Je devais également trouvé de l'eau pour me revigorer, puisque je n'avais pas bu depuis l'aube. C'est ainsi que je quittai l'endroit, sans rien ramener à ma meute.

J'espérais, quelque part, qu'ils ne m'en voudraient pas d'avoir failli à ma quête personnelle. Et puis, je n'étais pas Chasseur comme certains de ma fratrie l'était. Le vent s'engouffrant dans mes mouvements, je respirais pleinement l'air de mes poumons. Je pouvais être tout de même fier de moi car, qui ne tente rien, n'a rien.