Souffle acide du vent, larmes brulantes du ciel. Le monde ne ressemble plus aux paysages d'autrefois. Les cataclysmes ont frappé, des colonnes de flammes et de fumées se sont élevées sur l'horizon. La guerre. La guerre des hommes. Et nous, les loups n'avons eu d'autres choix que de fuir. Nombreux furent nos congénères emportés. Nous traversâmes les plaines cabossées, les forêts de cendres, poursuivis par la faim, traqués par la mort.
Notre salut, nous le devions malheureusement à ceux qui avaient provoqué notre malheur.
Le soleil était haut dans le ciel. Pour la première fois depuis des semaines, il n’était pas obscurci par les fumées noires des incendies, des machines des hommes, du feu des affrontements. Les nuages mêmes avaient décidé de le laisser tranquilles, et le temps était clair et dégagé. C’était un fait particulièrement rare : le nez en l’air tandis qu’il se dirigeait vers les berges du Styx, Leviathan ne parvenait pas à se souvenir avoir vécu plus d’une ou deux journées ainsi ensoleillées depuis sa naissance. Il avait vu le blizzard, les tempêtes de neiges, les matinées grises et les après-midi pluvieux, les Larmes de foudre qui acidifiaient la terre et enfin, les lourds nuages de poussière et de fumée qui s’étaient élevés à l’est, obscurcissant le ciel, avant que la Chapelle ne tombe sous les chars des hommes. Alors le nez au vent, le louvard profitait d’autant plus du beau temps que la nature lui offrait. La météo était idéale pour piquer un somme à l’extérieur, perché sur un des troncs morts des marais où sa meute avait récemment élu domicile. Mais Leevi avait quelque chose de plus… studieux en tête. En début de journée, il avait cavalièrement provoqué Miuna en duel : devant la menace des Hellhounds, estimait-il, ils devaient se tenir prêts au combat. Leviathan avait bien sûr des entraînements réguliers avec Anya, et même avec sa mère, ou Audric, mais cela ne lui suffisait pas : il aimait se battre après tout, et avait tendance à défier tous les jeunes qui lui tombaient sous la patte. En ce qui concernait Miuna, elle avait beau être une fille, elle n’en était pas moins un adversaire à sa mesure.
Le jeune loup se tenait au bord du Styx, observant pensivement ses eaux noires et opaques qui reluisaient mystérieusement sous le soleil, lorsque son adversaire se montra enfin. Il se tourna vers elle, ne pouvant résister à l’envie de faire le malin :
« Alors mademoiselle, pas trop anxieuse ? On peut aller faire une petite balade autour du lac si tu préfères ~ »
Quelques semaines auparavant, Leevi s’était aussi découvert une propension non négligeable à faire les yeux doux à ces demoiselles. Et malgré sa brutalité, Miuna n’allait pas faire exception non plus. Cela ne le faisait évidemment pas oublier la raison de leur présence.
Le ciel était bleu, le soleil était lever. Et l'air ne semblait pas humide ou trop frais, un temps ideale pour partir en balade. Décu d'avoir une journée si belle, j'aurais préféré de la neige ... mais mère m'a clairement dit que la neige ne reviendrais pas avant un an. Ce qui m'a décu, mais en même temps curieuse ... Curieuse de revoir cette neige blanche, froide mais entourant comme la chaleurs ...
« Alors mademoiselle, pas trop anxieuse ? On peut aller faire une petite balade autour du lac si tu préfères ~ »
C'est finalement Leevy qui m’interrompt dans mes pensées. Me proposant de se balader. Est-ce bien Leevy que j'ai en face de moi ? non parce que le louveteau que je connaissais aurait chercher un moyen de me titiller ou de chercher a se battre ou a prouver qu'il est meilleurs. Je ne le reconnu pas tous de suite, mais allons-y pourquoi.
" Tu ne cherche pas a te venter ou a te battre ? que c'est étrange ... Leevy te serait-tu transformer en un louveteau tous sage maintenant ?! "
Lui dis-je en souriant, d'un air assez humoriste. Je m’approche de lui, lui donnant une petite tape de salutation a l'épaule, avant de commencer a marcher.
La jeune louve au poil blanc n'avait pas vraiment l'air à sa place sur ces berges bourbeuses. Sa fourrure jurait terriblement avec les eaux noires et le ciel grisâtre. Un instant, Leevi s'accorda le droit de se demander si elle nettoyait souvent ladite fourrure - dans sa famille il faut dire, les loups blancs n'étaient pas les plus immaculés au monde. Décontracté, oreilles dressées et sempiternel air de petit malin au coin des babines, il fit face à son amie. Qui avait l'air surprise de sa proposition, mais pas plus que ça :
« Tu ne cherche pas à te vanter ou à te battre ? Que c'est étrange... Leevi te serais-tu transformé en un louveteau tous sage maintenant ?! »
Lev' reçut la tape à l'épaule d'un air figé et légèrement perplexe. Est-ce qu'elle n'avait pas pigé le sarcasme ou est-ce qu'elle était vraiment en train de le draguer, là ? Ou peut-être qu'elle avait pigé mais qu'elle le faisait exprès pour... Le cerveau de l'apprenti se grippa. Il décida de tout simplement ignorer cette réaction inattendue et de poursuivre selon son plan. Attends. Quel plan. Levant le museau bien haut et se mettant à la hauteur de Miuna en trottinant, Leevi improvisa.
« Je suis un apprenti maintenant, moi, ma grande. Futur plus grand guerrier que t'aies jamais vu d'ailleurs. » Déclama-t-il avec son habituelle suffisance.
Bah quoi. Paraissait que ses vantardises lui manquaient. Elle n'avait qu'à l'admirer un peu plus, tiens. Ceci dit, Leviathan était bel et bien convaincu de ce qu'il disait. Ce qui le ramenait à sa problématique de base. Interrompant soudain leur petit cheminement tranquille, il bondit face à son amie pour lui couper la route, babine étirées en un sourire de défi. Il avait certes passé l'âge de coucher le poitrail à terre en remuant la queue pour inciter un adversaire à l'attaquer ; cependant, ses épaules inclinées et ses jarrets fléchis étaient équivoques. Allez, attaque-moii.
« Et je suis toujours plus fort que toi hey ! » Ajouta-t-il pour narguer Miuna.
Histoire d'en rajouter une couche, il bondit rapidement en avant pour la pousser légèrement du bout du museau avant de sauter en arrière, hors de sa portée.