L'aube se lève sur les terres des miens ou plutôt, sur les vestiges de nos terres. Aujourd'hui, c'est comme si le monde s'était écrasé, comme si le ciel nous était tombé sur la tête. Nous avons perdu des frères, des soeurs, des parents et des enfants. Nous avons perdu beaucoup trop des nôtres alors que les humains, puissants et lâches, voient leurs effectifs augmenter chaque jour, à chaque heure, comme si notre malheur nourrissait leurs troupes toujours plus nombreuses, toujours plus fortes. Je soupire, m'extirpe de ma tanière et m'éloigne des ruines de nos terres. Plus de garde manger, et bien peu de chasseurs. Nous allons tous devoir mettre la patte aux fourneaux. Il va falloir que chacun se mobilise pour la meute, et voilà bien longtemps que je ne me suis pas éloigné des miens pour me ressourcer. Voilà bien longtemps que je n'ai pas eu l'occasion de me jouer de mes semblables, n'ayant croisé depuis des semaines que des Navnik, des Navnik et encore des Navnik. Bien sûr je ne fais pas de différence, j'étudie autant les membres de ma meute que les autres loups du monde. Mais j'ai passé beaucoup de temps avec ma jeune fille et à force, je connais la jeune femelle par coeur. Las, c'est donc à la recherche d'un nouveau challenge, d'un nouveau défi, que je m'éloigne de mon monde habituel. Reste à espérer croiser la route d'un solitaire ou d'un loup d'une meute voisine pour en faire mon sujet d'étude. Malheureusement mes semblables sont si prévisibles, si faibles d'esprit, que le jeu n'en vaut plus réellement la chandelle désormais. Il me faut aujourd'hui bien peu de temps pour arriver à déchiffrer un parfait inconnu, et encore moins pour le mélanger et retourner son propre esprit contre lui-même. C'était amusant autrefois, quand ils étaient de réels cobayes pour moi. Mais aujourd'hui je m'ennuie, les réactions psychologiques sont encore et toujours les mêmes. Je soupire en m'enfonçant dans des terres inconnues jusqu'alors, ignorant où je mets les pattes et me fichant pas mal des dangers que je pourrais rencontrer. Au pire je mourrais dignement, au mieux je gagnerais en force et en combativité.