Enfin, ils étaient arrivés. Leur nouvelle terre le temps que ces terribles orages s'arrêtent était devant eux. Empress était devant, la première. Nyx avait pu remarquer quelques boitillements, mais s'était vite résignée à lui en parler car ce qui lui était arrivé ne la regardait pas, et ce n'était point le moment. Elle était courageuse, cette Alpha. Nyx avait une sorte d'admiration qu'elle refusait d'avouer envers elle, quoi qu'un peu caractérielle, elle l'aimait bien.

« Un espion ou sentinelle pour s'assurer de la sureté des lieux… »

Il fallait bien que l'un d'eux se dévoue, car l'Alpha ne pouvait prendre le risque d'emmener sa meute dans un endroit non assuré. Nyx hésita. Certes, elle était une des sentinelles de la meute, mais elle pouvait s'attendre à tout et n'importe quoi en entrant dans ce nouveau refuge. Boarf, après tout, qu'avait-elle à y perdre ? Elle n'avait qu'à gagner la sûreté pour sa meute et elle.

Prenant son courage à deux pattes, elle dit, suivit d'une longue expiration en gonflant le thorax :

« Je me porte volontaire. Il faut bien quelqu'un de toute façon, et j'ai bien peur que personne n'ose. Tant qu'à faire, j'y vais. »

Elle se posa devant Empress, attendant son signal qui, d'après elle, ne tarderait pas à être donné. Elle n'avait qu'une hâte, c'était de rentrer pour en ressortir saine et sauve. Et puis, cette exploration serait sûrement très intéressante pour elle, ce qui lui permettrait de trouver déjà quelques endroits stratégiques au cas où... Quelque chose d'inattendu pourrait se produire.

Nyx se contenta d'un simple hochement de tête en guise de réponse. Elle avait une confiance absolue en son Alpha, et était prête à la servir. Même si elle stressait un peu, oui, mais était à la fois excitée de découvrir cette nouvelle tanière qui, elle l'espérait, regorgerait de bonnes surprises pour la meute. Des lapins, des mulots, n'importe qu'elle proie serait toujours un plus pour les Sekmets.

Alors, sans plus tarder, la cendrée franchit l'entrée qui l'amena à descendre quelques marches. Il faisait plutôt sombre en bas, quoi que le peu de "fenêtres" qu'il y avait laissaient amplement rentrer la lumière. Nyx s'arrêta en bas des escaliers pour flairer, la truffe en l'air, une éventuelle odeur. En vain, seule l'odeur du vieux se faisait sentir, ce qui était déjà une bonne chose pour la sentinelle. Il n'y avait aucun bruit à l'intérieur. La station de métro semblait résonner au moindre pas de la louve, qui de ce fait ne fut pas très discrète. Du moins de ce qu'elle pensait, car en réalité ses pattes de velours lui permettaient une grande discrétion. C'était tout un art après tout, d'être sentinelle.

Tranquillement la louve continuait son exploration minutieuse et détaillée des lieux. Elle eut bientôt fait le tour des moindres recoins qu'il n'y avait toujours rien à signaler. Une excellente nouvelle pour Empress et sa meute, ainsi qu'une satisfaction pour la cendrée d'avoir rempli son devoir comme il se devait. Durant cette patrouille, Nyx avait pu remarquer quelques coins où elle pourrait se poser au calme. La station de métro comportait également un quai plutôt grand qui pourrait servir comme "ronde" lors des discussions importantes de la meute. Le choix avait été plutôt très bien fait. Et la station avait un autre avantage ; puisqu'elle était légèrement souterraine, en cas d'incendie elle ne serait sûrement pas bien touchée et serait protégée par ses murs.

Enfin , Nyx remonta. N'ayant pas la notion du temps, elle n'avait aucune idée du temps qu'elle y avait passé, mais cela avait peu d'importance. Elle s'arrêta face à Empress, et dit :

« Tout est parfait pour accueillir la meute, nous y serons fort bien d'après moi. Il n'y a aucun danger. »

Nyx avait volontairement parlé haut et fort pour être certaine de se faire entendre de tous. Elle accompagna ses paroles d'un signe de la tête les invitant à venir s'installer. Elle resta quelques secondes aux côtés de son Alpha, et déclara :

« Le choix a été judicieux, je t'en félicite. »

HRP:

Je suis les quelques loups avec une appréhension non feinte. J’ai beau être un louveteau Sekmet, j’ai la peur au ventre aujourd’hui. J’ai beau avoir déjà sept mois, je tremble de tous mes membres. J’ai été caché dans la tanière de ma mère, Nilaya, toute la nuit. Au petit matin, elle m’a pressé dehors et sous température ambiante très lourde, nous avons rejoint le centre du clan où d’autres nous attendaient. J’étais le seul jeune, je n’ai pas vu d’autre petit. J’ai entendu des adultes s’affoler, se presser, trottiner de gauche à droite et hurler pour appeler les absents au plus vite. Quel que soit le problème, il rendait la situation urgente au point de rassembler la meute. Et avant que j’aie le temps de demander à ma mère ce qui se passait, j’ai compris ma douleur en recevant une goutte en plein sur ma truffe. J’ai pigné énergiquement et ai reculé de plusieurs pas en me frottant le museau avec frénésie. C’est que ça faisait vraiment mal ! C’était la première fois que je connaissais les pluies Sang de Soleil…

Et puis tout s’est accéléré. Les adultes se sont agité plus encore, j’ai été rassemblé –tout seul- au centre de la meute, et j’ai été emporté dans un groupe d’adultes que je ne connaissais même pas. Forcé à suivre la marche, j’ai cherché partout autour de moi où était ma mère, mais je l’avais déjà perdue de vue. Je ne sais pas où elle s’en est allée ensuite, et je me suis inquiété durant toute la marche. Mais je n’avais pas le choix, je devais continuer d’avancer sans ma mère. Plus jeune, donc plus petit que les autres, j’ai été en partie abrité par les corps chauds de mes congénères durant le long voyage, et seuls mes omoplates et ma croupe ont souffert durant le trajet. Je ne me suis pas plaint, parce que j’ai vu les autres adultes serrer les dents et grogner de douleur de nombreuses fois durant la route. Moi, j’étais sous l’abri de leurs masses, à tous.

Nous sommes ensuite arrivés sur des dalles faites en une sorte de pierre, que je ne connaissais pas auparavant. Jeune, je n’étais encore jamais sorti de notre forêt, de nos territoires naturels. C’est donc sous une pluie de feu que j’ai vu les terres humaines la première fois. Rassuré lorsque la meute s’est arrêtée, j’ai cherché ma mère du regard. Mais elle n’était pas là, elle n’avait pas suivi le groupe. Du moins, je ne l’ai pas trouvée. Et puis, une grande louve blanche s’est redressée, semblant étrangement plus imposante que les autres, à moins que ce ne soient les autres qui se faisaient plus petits face à elle. Elle a regardé chacun des loups présents, et j’ai dressé les oreilles dans sa direction, attentif, lorsqu’elle a commencé à parler. Elle cherchait un volontaire pour descendre dans le néant, devant le groupe. Je suis resté muet, totalement silencieux. Moi, je suis un apprenti Guerrier. Ce n’est pas mon rôle de marcher devant les autres. Moi, j’attends les ennemis, et dès qu’ils arrivent je leur tends des pièges ou je leur saute à la gorge sans prévenir.

Une seconde femelle, qui n’était pas ma mère, s’est avancée et sur ordre de notre Alpha, est descendue dans les abîmes du tunnel. Ma mère ne m’avait toujours pas rejoint, et j’avais toujours aussi peur. Mais je changeais ma peur en colère, comme mon père me l’avait si bien appris, et je guettais chaque infime trace de mouvement dans la pénombre, prêt à en découdre avec n’importe qui. Et puis, l’inconnue cendrée est revenue, sereine, auprès des siens. Elle nous a assuré que tout allait bien, et que nous avions trouvé l’endroit parfait pour nous installer.

Nous installer ? C’était donc ça, le but de rassembler la meute ? La déplacer toute entière dans cet endroit morbide ? Mais après réflexion, c’était soit la pénombre des tunnels, soit la douleur des brulures venues du Ciel. Et je préférais me terrer sous terre que d’agoniser dehors… Lorsque tous les loups se sont mis en marche, je suis resté immobile. J’en ai regardé plusieurs s’approcher de notre Alpha et s’arrêter, attendant son ordre.

Lorsqu’enfin je me mets en marche, c’est pour slalomer entre chaque adulte, humant son odeur et détaillant son visage, à la recherche de ma mère.

- Maman ? … Vous n’auriez pas vu ma mère ? … Maman ? … Elle s’appelle Nilaya. … Maman !? …

Je passe de loup en louve, de louve en loup, et j’appelle, je cherche, je renifle, et je sens mon cœur s’affoler à mesure que j’avance au milieu des miens sans trouver le seul point de repère que j’avais depuis presque sept mois…