Les proies c'étaient rarifiées. Le gibier dans le garde manger, diminué. Ce n'était certes pas un problème pour un loup solitaire comme moi qui avait traversé la peine, la misère et la famine durant 6 longues années de vie. J'avais appris que si il y avait bien un endroit où la chasse était toujours propice, c'était le Styx. Quoi de mieux que l'unique point d'eau, même si celle-ci laissait à désirer, pour y retrouver les animaux qui peuplent ce monde s'apprêtant à se désaltérer l'esprit tranquille, ou presque.
C'est ainsi que je m'étais rendu en ces lieux, désormais familier à mon âme. Le paysage était magnifique, le bruit de l'eau s'écoulant, apaisant. Mon âme brisée retrouvait en ce calme olympiens, un peu de sérénité. Les cauchemars qui hantaient mes nuits, s'effaçaient peu à peu en mon esprit. Oui. Ici, je me sentais reposé.

Alors que mon être tout entier s'endormait peu à peu, caresser par les longs bras de Morphée, les souvenirs que le corps écorché dont j'avais hérité, commencèrent à envahir mon esprit endormis. Des scènes se succèdent, toutes étrangères, et pourtant familières. Une mère, le désespoir d'un louveteau, un bâton de feu, et un bruit assourdissant. Une vie soudainement retiré, une âme seule, errant à jamais. Je me réveille en sursaut. Ce corps a vécu cette perte, mais mon esprit n'en a guère souvenir. Pourquoi suis-je affecté par la perte d'une mère que je n'ai jamais connue? Pourquoi les émotions du loup qui vivait en moi auparavant, me bercent de douleur encore aujourd'hui? Alors que je me redresse, secouant la tête pour chasser ces images, un bruit attire mon attention.

Mon œil valide aperçoit alors l'origine de ce qui venait de briser mon silence si parfait. Une louve blanche de neige, comme celle auprès de qui je vivais, s'était approché de là où quelques secondes auparavant, je dormais. Son pelage avait été sali par le sang. Un sang désormais sec, mais présent. Elle essayait d'en effacer la présence de sa langue fluide et rapide. Souffrait-elle? Si c'était le cas, elle semblait le supporter exemplairement.
Ma curiosité me poussa alors à m'approcher, et quand elle nota ma présence, elle se redressa immédiatement en position de défense, grondant, le poils bouffant.

"Calme-toi."

Je n'étais pas là pour me battre, je détestais ça. Les épreuves auxquelles j'avais fais face m'avait rendu désintéressé face à l'hostilité, et pourtant... Oui pourtant, quand il le fallait, je pouvais être un adversaire redoutable.

"Souffres-tu?"

Ma voix était grave à son habitude, mais calme, et apaisante. Cela suffirait-il cependant à calmer la méfiance de la louve qui semblait avoir subit beaucoup de dégâts? J'en doutais, mais il était clair que jamais je ne m'en prendrais à quelqu'un à l'aspect aussi doux, et gracile que la louve face à moi. Non, c'était un sentiment étrange qui m'habitait, je voulais l'aider... je voulais la protéger.

« Je ne vois pas en quoi ça te regarde ! Laisse moi tranquille ! »

Le poils de la louve était bouffant sur son corps. Irisé comme un chat sauvage elle était clairement hostile à ma présence, ou plutôt à toutes les présences. Je baissais la tête vers le sol, las de tant de violence. Retournant alors mon corps vers l'eau, je marcha jusqu'à la berge et m'assis.
Soit, elle ne voulait pas de ma présence ou de mon aide, alors j'allais retourner et vaquer à mes occupations, comme à mon habitude, et si la jeune sent qu'au fond d'elle, ma proposition de l'aider ne se refuse pas au vu de ses blessures, alors peut être calmera t-elle ses ardeurs agressives, et reviendra t-elle d'elle même vers moi...

Mon œil aveugle s'attarde sur elle, comme si le fantôme de ma vision pouvait percevoir son âme au plus profond de son être. Puis le second se reconcentre sur le courant de l'eau. Je me laisse tomber sur le sol, laissant pendre le bout d'une patte dans l'eau qui s'écoule. Elle est froide, vive, limpide, et pourtant, elle est le pire ennemis de nos être. Si de son eau on s'abreuvait, de maux multiples et de séquelles irréversible, on pouvait souffrir.