Souffle acide du vent, larmes brulantes du ciel. Le monde ne ressemble plus aux paysages d'autrefois. Les cataclysmes ont frappé, des colonnes de flammes et de fumées se sont élevées sur l'horizon. La guerre. La guerre des hommes. Et nous, les loups n'avons eu d'autres choix que de fuir. Nombreux furent nos congénères emportés. Nous traversâmes les plaines cabossées, les forêts de cendres, poursuivis par la faim, traqués par la mort.
Notre salut, nous le devions malheureusement à ceux qui avaient provoqué notre malheur.
Je m'étais un peu éloignée du territoire de la meute, à la recherche de quelque chose. N'importe quoi qui pourrait être utile, en fait. Longeant le Styx, je m'éloignais finalement de ce dernier pour passer sous le couvert des arbres, arrivant pas à pas en direction du marais. Plissant les yeux, je fouillais du bout de la truffe quelques recoins, aux aguets. Les oreilles dressées sur mon crâne, je tentais de calmer mon stresse. Je n'aime pas m'éloigner ainsi du territoire de la meute, je ne me sens pas en sécurité. Poussant un léger couinement apeuré, je baisse mes oreilles sur mon crâne, imaginant des choses. Mon pire cauchemar serait un Hellhounds qui sortirait des bois, à l'instant. Mais je ne sentais pas leur odeur, simplement celle du bois putréfié autour de moi.
Alors que je traverse une étendu un peu boueuse, je sens quelque chose qui m'empêchent d'avancer. Je regarde vers mes pattes, alors que je les vois lentement s'enfoncer à travers la boue. Je panique alors, tirant sur mes muscles. Mais quand je libère une de mes pattes, l'autre s'enfonce encore un peu plus. Et même si la rive se rapproche, déjà l'intégralité de mes membres est enfoncée à travers la mélasse. Je panique, je panique... Non, je ne veux pas finir comme ça, toute seule... Je ferme les yeux, et pousse un long hurlement de détresse. Si quelqu'un de la meute se trouvait dans les parages, il viendrait m'aider, non? Pitié, que quelqu'un m'entende et m'aide... Pitié... Destin, pitié...
La nuit venait de se lever et la végétation s'était densifiée autour de lui. Balfring était entré dans les terres des Marais aux Griffes Vertes sans vraiment y faire attention. Ce n'était pas un endroit dans lequel il aimait particulièrement se retrouver, mais maintenant qu'il était là, il n'allait pas retourner en arrière. Il connaissait le chemin le plus rapide pour traverser les lieux et rejoindre les terres du Sud. Une longue marche s’annonçait à lui, mais après tout, rien ni personne ne l'attendait.
Il s'était donc mit en route sans plus tarder, s’enfonçant de plus en plus profondément dans les marécages. Au bout d'un certain temps, il se retrouva forcé de longer une zone particulièrement boueuse, là ou la vase était épaisse et profonde. Alors qu'il évitait les endroits les plus dangereux, un long hurlement perça soudainement le silence. Redressant brusquement la nuque, le mâle arqua ses oreilles en avant. Quelqu'un appelait à l'aide, tout près de lui. C'était sans doute une femelle, et son cri faisait nettement ressentir sa détresse. Avait t-elle été attaquée ? Tournant son corps de droite à gauche, il tenta de repérer sa position. L'endroit ou ils se trouvaient était loin d'être fréquenté... Il était sans doute le seul à pouvoir l'aider, mais il espérait qu'il ne serait pas trop tard, le temps qu'il arrive. Cela ne devait néanmoins pas lui prendre trop de temps... L'appel était audible et il ne semblait pas provenir de loin. Balfring se dépêcha d'aller dans sa direction dès qu'il comprit d’où il provenait, se dirigeant dans une zone encore plus dense en végétation. Rejoindre la louve qui venait de lancer l'appel ne lui prit effectivement pas beaucoup de temps. Il repéra rapidement son pelage clair au milieu de tout le brun qui constituait l'environnement. Elle s'était visiblement enfoncée dans les marécages, ses pattes blanches complétement englouties par la boue qui l'entourait. En l'apercevant, Balfring se sentit rassuré. Ce n'était rien de grave. Il n'aurait aucun mal à lui venir en aide.
- Ne paniquez pas, fit t-il en arrivant sur la rive, je vais vous sortir de là.
Il se rapprocha d'elle, posant ses deux pattes avant dans la matière visqueuse tout en prenant soin de laisser les deux autres en appui sur la terre ferme. Si il se retrouvait piégé à son tour, il ne serait pas d'un grand secours à cette louve. Heureusement, celle-ci n'était pas allée très loin et ses pattes s'étaient rapidement retrouvées bloquée par la vase, à une petite distance de la rive. Balfring aurait sans doute eu la force de se sortir seul de la boue, si il s'y était complétement enfoncé, mais il aurait été incapable d'emmener cette femelle avec lui.
Lorsqu'il se retrouva suffisamment proche de son encolure, il saisi cette dernière entre ses mâchoires, tâchant de les resserrer suffisamment pour l'attirer avec lui, tout en essayant de ne pas la blesser. Certes elle aurait mal, mais il ferait en sorte que ce soit le moins possible. Prêt à reculer, le grand mâle força sur chacun de ses muscles, hissant peu à peu la louve hors de son piège. Il l’attira avec lui en arrière, reculant de plus en plus, les muscles raidis, jusqu'à ce qu'il sente cette dernière devenir de plus en plus facile à tirer. Ses deux pattes avant finirent par rejoindre à leur tour la terre ferme, bientôt précédées par celles de la louve blanche. Elle était tirée d'affaire.
Maintenant qu'il la voyait d’aussi près, Balfring pouvait remarquer les nombreuses cicatrices qui lui parcouraient le corps. Que lui était t-il arrivé ? Avait t-elle l'habitude de se mettre dans des situations périlleuses ? Elle avait pourtant l'air fragile, et une odeur de peur émanait d'elle, couvrant presque celle de la meute à laquelle elle appartenait. Il ne savait pas pour quelle raison elle s'était aventurée dans ce marécage, mais elle avait du avoir une belle frayeur.
Je poussais un nouveau hurlement de détresse, alors que je sentais mes pattes s'enfoncer encore un peu plus dans le sol boueux. Je déglutis, alors que je vois ma fin arriver. Je pousse un couinement malheureux, les oreilles en arrière, plaquée contre mon crâne. Je ne veux pas mourir, je ne veux pas mourir... Je tremble légèrement, alors qu'une voix perce mon silence d'angoisse. Je relève rapidement la tête, remarquant la silhouette lupin qui approche. Je me fiche de son odeur, de savoir qui est il ou même d'où il vient. Tout ce que je sais, c'est qu'il est sur le bord, à essayer de m'aider. Il me prend à l'encolure, me pinçant. J'étouffe un grondement de douleur entre mes crocs, alors qu'il me tire vers l'avant. Je tente de l'aider à pousser avec mes pattes, mais je n'ai plus pied. En tout cas pas sur quelque chose de solide. Je me laisse tirer ainsi, jusqu'à ce que mes pattes touchent enfin le sol solide et ferme. Je m'écroule à moitié sur ces dernières, tâchant mon pelage blanc de boue. Je m'en fichais de mon apparence, je m'en étais sortie. Il m'avait sauvé la vie. Je réprimais des larmes de soulagement derrière mes paupières que je fermais instantanément. J'avais eu si peur... - Tu... Tu m'as sauvé... Merci...
Murmurais-je la voix agitée par de petits trémolos, encore paniquée par la situation. Je tentais de me redresser, mes pattes tremblants légèrement sous mon poids, me maintenant quand même debout. Je levais les yeux vers lui, remarquant alors sa taille. Il était plutôt grand... Plus grand que moi en tout cas... Et puis son odeur ne me disait rien, c'était sans doute un solitaire. Je baissais un peu les oreilles en arrière, peu sûre de moi, balbutiant finalement. - Je... Je m'appelle Patte d'Ivoire... Et... Et toi...?
Je déglutissais, la bouche pâteuse. Cet endroit m'effrayait, largement... Quelle idée j'avais eu de venir ici toute seule! Pour trouver des choses en plus. Je ne sais pas quoi, évidement... Poussant un petit couinement, je me pliais un peu sur moi-même, finissant par m'asseoir.
La louve s'effondra sur le sol dès qu'il lâcha prise sur sa nuque. Balfring recula d'un pas afin de lui laisser un peu d'espace. Elle semblait encore toute terrifiée par ce qu'elle venait de vivre et avait surement besoin de récupérer. Il ne savait pas vraiment ce qu'il pouvait faire pour l'aider à se calmer, aussi, il resta près d'elle sans la déranger.
- Tu... Tu m'as sauvé... Merci... Murmura t-elle d'une voix tremblante.
Il laissa son remerciement en suspend, ne sachant que répondre... Il ne se sentait pas digne d'autant de reconnaissance de sa part, et pourtant c'était vrai, il venait de la sauver. Il pouvait en être fier, alors pourquoi ne l'était t-il pas ?
Après quelques instant à rester recroquevillée sur le sol, la louve était finalement parvenue à se remettre sur ses pattes. Chancelante, elle leva son regard vers lui.
- Je... Je m'appelle Patte d'Ivoire... Et... Et toi...? Demanda t-elle de sa même voix chevrotante. Il la regarda s'assoir en couinant. Peut-être valait t-il mieux qu'il la conduise hors de cet endroit et qu'il la raccompagne chez elle ? Telle qu'elle se trouvait, la louve paraissait encore toute chamboulée et aussi fragile qu'un louveteau... Sa fourrure blanche recouverte de boue et de cicatrice lui donnaient de surcroit une bien piètre allure.
- Balfring, répondit t-il et s’asseyant devant t-elle. Vous n’êtes pas blessée ?
Autant s'assurer qu'elle allait bien, avant de lui proposer une escorte. Ce qu'il mettait sur le compte de la peur était peut être du à une blessure. A force de se débattre dans la boue, elle s'était peut être foulé un membre... Ou alors, un agresseur l'avait conduite à se jeter dans ce marécage ? Cela expliquait peut-être pourquoi elle paraissait encore si effrayée.
Je gardais les oreilles en arrière, mon regard passant de droite à gauche, à l'affut de quelque chose qui pourrait soudainement surgir de n'importe où. Un Hellhounds, un ours, une dangereux prédateur quel qu'il soit. Je n'aime pas me battre, je suis juste bonne à me prendre des coups ou à fuir. Et encore, je ne suis pas certaine de ma capacité à prendre des coups. Le loup semblait m'observer, sans doute lui semblais-je pitoyable, de ne pas avoir réussit à me sortir de là toute seule, et être dans cet état pour mon âge. Je déglutissais une nouvelle fois, alors qu'il me donnait son nom: Balfring. je ne l'avais jamais entendu auparavant. Je connaissais uniquement celui de quelques mercenaires par réputation, et encore... Je me regardais un instant, vérifiant moi-même si je n'étais pas blessée. Mais à part une petite épine dans la patte, rien de bien grave. Je secouais la tête négativement dans sa direction pour lui signifier que tout allait bien, même si cette épine me grattait un peu.
- Juste une épine sous la patte, c'est pas grand chose, je peux marcher... Je montrerais ça à mon frère en rentrant, il est guérisseur...
Je souris doucement, peut-être pour rassurer le mâle aussi sur mon état. Je ne vaux pas la peine qu'on s'inquiète pour moi, vraiment... Je baissais un peu plus la tête, essayant de retrouver mon chemin sur l'instant.
- Est-ce que... Tu connais bien cet endroit? Je ne quitte pas souvent le territoire de ma meute et je crois que je me suis... Perdue...
J'étais légèrement honteuse de l'avouer... Je n'ai sans doute aucun sens de l'orientation. Je lâchais un petit rire sarcastique.
- C'est sans doute ridicule, hein...?
Je regardais sur le côté, mal à l'aise sur l'instant. Mais sans son aide, je n'allais sans doute pas m'en sortir... J'avais besoin de son aide.
Malgré les minutes qui s’écoulaient, Patte d'Ivoire ne semblait toujours pas se calmer. Elle jetait de petits coups d’œils alertes aux alentours, inquiète, comme si quelque chose s’apprêtait à fondre sur eux d'un instant à l’autre. A cause de cela, Balfring ne se sentait pas tranquille. Il se tenait à l'affut, à moitié concentré sur elle, à moitié sur ce qui les entouraient.
- Juste une épine sous la patte, c'est pas grand chose, je peux marcher... Murmura t-elle Je montrerais ça à mon frère en rentrant, il est guérisseur...
Un sourire doux s'afficha sur son visage, bien qu'il semblait quelque peu forcé. Heureusement, elle n'était pas gravement blessée. Si son frère était guérisseur, mieux valait que celui-ci l’ausculte au plus vite. Il se montrerait bien plus efficace pour la soigner et l'aider à se remettre de ses émotions que Balfring.
- Est-ce que... Tu connais bien cet endroit? Demanda t-elle. Je ne quitte pas souvent le territoire de ma meute et je crois que je me suis... Perdue... Elle ajouta en émettant un rire sarcastique, d'une petite voix qui n'était pas désagréable à l'oreille. C'est sans doute ridicule, hein...?
Balfring secoua doucement la tête de droite à gauche.
- Se perdre n'a rien de ridicule, répondit t-il, ça n'a même rien d'étonnant. Ce marais est un véritable labyrinthe.
Il se redressa, invitant la louve à en faire de même. Maintenant qu'il l'avait secourue, il ne pouvait pas la laisser la. L'idée de la savoir seule ici ne lui disait rien qui vaille. Elle avait besoin d'être protégée, surtout dans un endroit aussi hostile. Il ne doutait pas quelle sache se défendre, mais elle semblait si fragile qu'il avait du mal à se l'imaginer en train de combattre.
- Suivez-moi, je vais vous raccompagner chez vous. Fit t-il en l'accueillant auprès de lui d'un petit signe de tête. Vous êtes une Esobek ?
Il n'en était pas certain car il l'avait sentie peu de fois, mais, par dessus celle de la peur, il croyait percevoir l'odeur caractéristique de la meute Esobek. Si c'était le cas, elle ne se trouvait pas très loin de chez elle et il pourrait la raccompagner sans mal. Il la laisserait ensuite à la frontière, la ou elle serait hors de danger.
Je gardais la tête un peu basse, embarrassée par la situation. Nymeria a raison, je manque vraiment de confiance en moi, c'est affreux... Je suis l'Intendante des Esobek, et même pas capable de me repérer dans un marais comme celui-ci. Je pousse un malheureux couinement entre mes crocs, essayant de chasser ces idées de ma tête. Le loup en face de moi semblait vouloir me rassurer, affirmant que c'était normal peut-être de se perdre dans un endroit comme celui-ci. Je levais vers lui des yeux reconnaissants, je voyais cela comme sa façon de me consoler un peu. Au fond, je le trouve très gentil, et agréable, même si le fait qu'il me vouvoie me fait sentir un peu... Je n'ai pas vraiment l'habitude des marques de respect. Après, peut-être est-ce dans sa façon naturelle de parler. Je l'ignore. Tout ce que je sais, c'est que je ne suis pas capable de sortir d'ici seule, et qu'il acceptait de me raccompagner. Agitant légèrement la queue de soulagement, je me redressais pour marcher à sa coté sur la terre boueuse. L'épine dans mon coussinet me fait un peu mal mais c'est supportable après la douleur qu'avait pu susciter l'attaque Hellnound sur le garde manger, la dernière fois. J'avais mis du temps à m'en remettre, de ça aussi. Affronter à nouveau Hellhound allait m'être difficile, même si je m'étais porté volontaire pour la mission de reconnaissance. J'espérais simplement pouvoir être utile à ma meute, voilà tout. A ma sœur aussi. A Freux.
La question de mon guide me tira de mes pensées, alors que je répondais avec un sourire calme, bien plus sereine depuis que je marche à ses côtés.
- Oui, je suis Esobek... Je m'occupe des petits comme nourrice, mais je suis aussi l'Intendante de la meute... J'essaye de faire de mon mieux pour ne pas être un poids pour ma sœur, Plume...
Avais-je fini par confesser, les oreilles un peu en arrière, avant de poursuivre, essayant de ne pas me laisser abattre par mes tristes pensées.
- Et toi alors? Tu es... Solitaire, non? Comment tu fais pour survivre, tout seul...? Ce n'est pas parfois trop difficile?
C'est vrai que j'étais curieuse, d'une certaine manière. Je voulais savoir comment on pouvait rester solitaire et accepter de survivre de cette manière...
Balfring ouvrit la marche, son corps massif proche de celui de la louve blanche. Ce n'était peut-être qu'une impression, mais il lui semblait qu'elle se sentait moins angoissée que tout à l’heure. De son coté, il se sentait assez tranquille lui aussi. Cela faisait longtemps qu'il n'avait pas cheminé en compagnie de quelqu'un, et pourtant, la présence de Patte d'Ivoire ne le mettait pas mal à l'aise.
- Oui, je suis Esobek... Avait t-elle répondu. Je m'occupe des petits comme nourrice, mais je suis aussi l'Intendante de la meute... J'essaye de faire de mon mieux pour ne pas être un poids pour ma sœur, Plume...
Balfring l'écouta en silence. Une intendante ? Il ne savait pas vraiment en quoi consistait ce rôle, mais ce devait être une responsabilité importante. Toute aussi importante que celle de prendre soin des louveteaux de la meute. Patte d'Ivoire devait décidément être une louve très dévouée aux siens. Beaucoup de loups de sa meute devaient l’apprécier. Heureusement qu'il ne lui était rien arrivé. Balfring ne se serait pas pardonné d'être arrivé trop tard...
- Et toi alors? Tu es... Solitaire, non? Demanda t-elle. Comment tu fais pour survivre, tout seul...? Ce n'est pas parfois trop difficile?
Le mâle brun sentit tout-à-coup son cœur se resserrer. Ses yeux glissèrent doucement sur la fourrure de la louve blanche. Elle ne savait surement rien de ce qu'était la vie de solitaire... Elle ne savait pas ce qu'il avait vécu, ni la souffrance que sa question venait de faire ressurgir en lui. Patte d'ivoire ne voulait pas le blesser, il s'en doutait bien... Son passé l'intriguait, c'était normal. Elle venait bien de lui expliquer son rôle au sein de la meute Esobek, alors, ce devait être son tour, maintenant...
Cependant, il n'avait pas envie de lui expliquer tout cela.... Il n'avait envie d'en parler à personne. Ces images qui le hantaient ne disparaitraient probablement jamais de son esprit. Les humains lui avaient tous pris et l'avaient forcés à devenir solitaire, à errer, sans but. Maintenant, il n'était rien de plus qu'une coquille vide. Est-ce qu'il était heureux ainsi ? La vie ne lui apportait plus aucune raison d'être heureux, et ces paysages désolés dans lesquels il marchait sans trêve étaient le reflet de son âme. Vide, sombre, sans espoirs.
- Certains loups décident d'eux même de devenir solitaires, mais bien souvent, c'est parce que plus personne ne les attend. Répondit t-il simplement. Mes débuts n'ont pas été faciles mais j'ai vite appris à chasser et à me battre pour survivre.
Survivre, c'était tout ce à quoi il était bon. Et il ne savait même pas pourquoi son instinct continuait à l'y pousser.
Nous marchions, l'un à côté de l'autre. Et même s'ils étaient différent, je me sentais comme lorsque je marche en compagnie d'Astral. Il est plus grand que moi, et plus fort. Sa présence me rassure toujours. Et je sais qu'il me protégera... Comme Balfring le ferait. Je ne sais pas pourquoi, mais il dégage une certaine confiance. Il semble si fort et assurer... Je ne sais pas, j'ai juste l'impression d'être en sécurité. Il semblait intrigué par ma réponse. sans doute ne se doutait-il pas que je puisse avoir ce genre de casquette sur la tête. Et sans doute comment une capable que je pouvais paraître être pouvait gérer tout ça. Il marque un point, je suis sans aucun doute une incapable. Nan, il ne dois pas le penser, je me fais des idées. Quoi que, c'est possible. Ma question semblait l'attrister. Je ne sais pas comment je pouvais le sentir, mais je le sentais. Je relevais ma truffe dans sa direction, légèrement inquiète de penser que j'ai pu le blesser. Sa réponse me fit légèrement hérissé le poil, alors que je me sentais idiote. - Désolée... J'ai l'impression de t'avoir fait remonter de mauvais souvenirs... Excuse moi...
Je baissais la tête, un peu honteuse sur l'instant. Un silence, un malaise de ma part. J'abaissais mes oreilles, me sentant stupide.
- Désolée... Répondit la louve blanche d'un air gêné. J'ai l'impression de t'avoir fait remonter de mauvais souvenirs... Excuse moi...
Balfring se sentit légèrement mal-à-l'aise. Il n'avait pas envie que Patte d'Ivoire se sente désolée à cause de ce qu'il venait de lui dire. Elle n'y était pour rien, si il était devenu solitaire. Elle avait tout simplement voulu en connaitre un peu plus à son sujet, ce qui était parfaitement normal. Après tout, ils allaient passer une bonne partie de la journée ensemble.
- Ne soyez-pas désolée, finit t-il par répondre, parlez-moi plutôt de vous. Est-ce que vous avez toujours vécu chez les Esobek ?
La questionner à propos d'elle lui semblait être un bon moyen de lui faire oublier ce qui venait de se passer, et puis, il préférait entendre le son de sa voix plutôt que de parler de lui-même. En réalité, il n'avait rien de très interessant à raconter à son sujet.
Je gardais les oreilles basse, avançant en silence. J'avais le chic pour faire tomber n'importe quelle conversation, j'ai l'impression. D'abord avec Nym, puis Plume aussi. Tellement de problèmes que je cause, ça aurait sans doute été mieux si je n'avais pas existé. Soupirant à nouveau, je restais proche du loup qui m'accompagnait, ne voulant pas trop m'en éloigner. Après tout, il s'agit de mon seul guide et âme charitable des alentours. Il finit par me répondre que je n'avais pas à être désolée. Pourquoi ne devrais-je pas l'être? Mais avant que je puisse me prendre la tête sur la question une nouvelle fois, il me demandait si j'avais toujours fait parti des Esobek. Mon histoire, comme celle de Plume et d'Astral, est très compliquée... Je tentais de me concentrer un instant sur la situation, laissant les souvenirs resurgir en moi. je ne les reniais pas, ils étaient une part de mon identité.
- Non... J'étais chez les humains avant, avec ma sœur et mon frère. Nous venions tous les trois de là-bas, nous devions devenir des Traqueurs, je crois. Plume et Astral ont très vite trouvé des maîtres, car ils étaient forts. Moi, je suis restée longtemps, nous avons été séparé. Mon propriétaire était une personne très gentille, même s'il s'énervait parfois contre moi.
J'inclinais la tête sur le côté, continuant de penser à cette cicatrice, sur le haut de mon œil. Je l'avais bien mérité, celle-là, dans mes souvenirs. Je les avais toute mérité.
- J'ai détruit sa meute, je crois... Sa femelle est parti à cause de moi. C'est pour ça qu'il s'énervait contre moi. Mais elle a fini par revenir. Peu après, ils m'ont abandonné dans la forêt. Avec le temps, j'ai retrouvé Plume et Astral, qui s'était enfuie de chez les hommes et avaient rejoint les Esobek. Et voilà comment j'ai rejoint la meute... Même si Plume ne se souvenait pas de moi, elle m'a accepté quand même. Malgré le fait que je sois aussi... Faible.
J'affichais un léger sourire. C'était une histoire qui me rappelait de bons comme de mauvais souvenirs. Un final, mon passé n'est pas si horrible à mes yeux? J'ai l'impression que n'importe qui pourrait vivre pire que moi. Même si je souffre toujours, et encore aujourd'hui, de cette période de ma vie, je ne la regrette pas, puisque c'est grâce à elle que je suis là maintenant.
- Non... J'étais chez les humains avant, avec ma sœur et mon frère. Répondit la louve blanche. Nous venions tous les trois de là-bas, nous devions devenir des Traqueurs, je crois. Plume et Astral ont très vite trouvé des maîtres, car ils étaient forts. Moi, je suis restée longtemps, nous avons été séparé. Mon propriétaire était une personne très gentille, même s'il s'énervait parfois contre moi.
Les poils de Balfring se dressèrent peu à peu le long de sa nuque. Il s'attendait à ce qu'elle lui raconte une vie paisible au sein de sa meute, mais au lieu de ça, elle avait commencé son récit par le mot qu'il détestait le plus au monde. Des humains... ? Ainsi, cette louve à l'apparence si délicate était née chez ces monstres ? Son regard se porta sur les nombreuses cicatrices qui lui recouvraient le corps. Son propriétaire ? Comment pouvait t-elle parler d'elle-même de la sorte ? Elle était une louve. Elle n'appartenait à personne, et encore moins à ces êtres infâmes.
- J'ai détruit sa meute, je crois... Poursuivit Patte d'Ivoire. Sa femelle est parti à cause de moi. C'est pour ça qu'il s'énervait contre moi. Mais elle a fini par revenir. Peu après, ils m'ont abandonné dans la forêt. Avec le temps, j'ai retrouvé Plume et Astral, qui s'était enfuie de chez les hommes et avaient rejoint les Esobek. Et voilà comment j'ai rejoint la meute... Même si Plume ne se souvenait pas de moi, elle m'a accepté quand même. Malgré le fait que je sois aussi... Faible.
Il sentit ses muscles se tendre, alors que ses yeux s'assombrissaient. Sa queue vrilla nerveusement de gauche à droite. Son souffle se bloqua. Battue, abandonnée... Jamais il n'aurait pu imaginer que Patte d'Ivoire avait été entre les mains de ces monstres si longtemps et qu'ils lui avaient fait endurer de telles souffrance... Non, il n'était malheureusement pas le seul à avoir subi leurs atrocités. Il repensait à tout ce qu'il avait vu ce jour la, à sa mère, à sa sœur... A ce qu'il avait fait. Mais les souvenirs qui lui revenaient n'étaient plus emprunts de colère, mais de haine. Il sentit ses crocs se resserrer peu à peu, puis il s'arrêta net, légèrement en retrait de la femelle. D'ici, il pouvait voir de très près toutes les blessures qui lui bariolaient le corps de part en part. La marque des humains.
- Ces blessures... Gronda t-il. C'est un humain qui vous les as infligées. Son regard retomba jusqu’à ses pattes. Il fallait qu'il se ressaisisse. Il devait la ramener chez elle.
- Pourquoi avez-vous l'air si coupable alors que... Ce sont eux qui vous ont fait souffrir ? Il ajouta entre ses crocs, plongeant son regard dans les beaux yeux azurés de la louve. Je ne leur pardonnerais jamais ce qu'ils ont fait, ni à moi, ni à vous.
Au fur et à mesure de mon histoire, je sentais l'humeur du loup à côté de moi s'assombrir. Curieuse, je tournais ma tête dans sa direction, alors qu'il venait de s'arrêter, les crocs serré. Je plaquais irrémédiablement la tête sur mon crâne, baissant la tête. Avais-je dit quelque chose de mal? Est-ce ma faute? J'ose lever mon regard vers le sien, coupable sans doute, alors qu'il semble en colère. Contre moi? Peut-être, je ne sais pas. J'ai sans doute dû dire une bêtise, encore une fois. C'est toujours de ma faute, de toute manière. Cela ne peut pas être autrement. Finalement, il desserra légèrement les crocs, marmonnant quelque chose à propose de mes blessures. Je tournais la tête vers mon propre pelage abîmé par de nombreuses choses. Mais je ne voyais pas ça mal. Enfin, je ne comprends pas très bien sa colère, sur le coup. Je réponds, la voix un peu faible, peut-être effrayée par son revirement soudain d'attitude.
- Oui... C'était mon maître mais... Pas que... Il y a eu l'attaque Hellhound dernièrement... Même si je n'aime pas me battre, je voulais protéger les autres, alors...
Je baissais la tête honteusement. Au final, je n'avais servi que d'un bouclier vivant pour les autres, et était devenu un poids au moment où je m'étais évanouis à cause de la perte de sang. Finalement, je crois comprendre que Balfring a déjà vécu avec des hommes, de ce qu'il me dit. Et il les déteste. Son regard perça le mien, alors que je tentais de l'éviter, sa question me faisant tout d'un coup sentir mal à l'aise. Je... Je ne les déteste pas parce que je le mérite, c'est ma faute. Mon poil tremble légèrement, sans que je ne le veuille, alors que je bafouille.
- Parce.... Parce que c'est ma faute... C'est... C'est tout...
Je déglutissais lentement, le regard bas, perdu dans la terre moussue. Je l'avais mis en colère, j'étais stupide. Mes yeux devenaient humides sans que je ne veuille vraiment, fermant les paupières pour retenir tout ça au fond de moi. Ce sentiment de culpabilité était tellement fort en ancré en moi...
La louve semblait effrayée par sa réaction, reprenant le même air fébrile que tout à l'heure. Essayant de se maitriser, Balfring laissa son poil revenir à sa taille normale. Ses larges pattes étaient encrées sur le sol avec force, comme pour l’empêcher de perdre l'équilibre. Peu à peu, il sentait sa haine se dissiper.
- Oui... C'était mon maître mais... Pas que... Il y a eu l'attaque Hellhound dernièrement... Même si je n'aime pas me battre, je voulais protéger les autres, alors... Elle bafouillait, tel un louveteau surpris à faire une bêtise.
Balfring ne savait pas de quelle attaque elle parlait, mais il avait déjà senti l'odeur de ces chiens, les Hellhounds... Il puaient la mort et la démence. Pas étonnant qu'ils l'aient blessées aussi gravement. Mais n'y avait t-il pas des loups pour la protéger, dans sa meute ? Le rôle d'une nourrice n'était pas de se battre. Si il avait été la, il n'aurait laissé aucun chien s'en prendre à elle.
- Parce.... Parce que c'est ma faute... C'est... C'est tout... Ajouta t-elle, dépitée.
Le regard de Patte d'Ivoire sembla alors s'humidifier, et Blafring en oublia toute cette histoire d'humains. Quoi qu'elle ait put leur faire, elle ne serait jamais coupable à ses yeux. Néanmoins, elle était visiblement persuadée du contraire. Ce n'était pas lui qui allait la faire changer de point de vue, bien qu'il en avait envie. Il n'était que son escorte, rien de plus. C'était une louve très fragile. Ses manières de mâle solitaire étaient peut-être un peu trop brusques pour elle. Ce qu'elle voulait, c'était retrouver les siens.
- N'y pensez plus, fit t-il d'une voix qu'il essayait de rendre douce. Vote mésaventure de tout à l'heure a du vous fatiguer. Je vais vous ramener chez vous le plus vite possible.
Je me sentais mal, je l'ai mis en colère. Je... Je l'ai mis en colère. J'agite légèrement mes oreilles, le posant sur mon crâne, touchant presque le sol avec ma truffe dans mon apitoiement. Le loup lui semblait se radoucir en me voyant dans cet état. Je devais lui faire pitié, comme à tous les autres. Je redresse un peu la tête, alors qu'il commence à repartir, le suivant à pas lent, restant quand même proche de lui. Nous quittions le Marais finalement après quelques temps de marche qui me semblait long, alors que je restais dans le silence, n'offrant que quelques hochements de tête. J'étais perdue dans mes pensées. J'étais coupable, de toute façon. C'est comme ça, c'est le Destin qui l'a sans doute choisit aussi. Oui, je suis Destiné à être misérable, peut-être. Je ne sais pas... Je ne sais plus, je me sens fatiguée. Finalement, nous arrivons à la frontière Esobek plus vite que je ne le pensais, quand le loup s'arrêta devant moi. Je baissais légèrement les oreilles et les yeux, avant de murmurer. Mais je ne parlais pas assez fort, alors je redressais finalement la tête, même si mon regard ne croisait pas le sien, affichant quand bien même un sourire reconnaissant, mais fuyant. - Merci... Merci beaucoup pour ton aide... Bal-Balfring... Encore désolée pour eux... Tout à l'heure, j'ai encore du dire quelque chose qui n'allait pas, je comprendrais que ça ait pu t'énerver, quoi que ce soit...
J'avançais alors lentement, hochant la tête pour lui faire signe d'au revoir.
- Fais attention à toi et puis... Peut-être à une prochaine fois...
J'affichais un léger sourire reconnaissant. Au fond, je l'aime bien. Même s'il doit m'en vouloir car je l'ai mis en colère. Oui, il doit certainement m'en vouloir, ça serait égoïste de ma part de vouloir le revoir si lui ne veut pas. Je commence à partir, prêtant une oreille au cas où il voudrait me dire que ça ne serait pas la peine de l'attendre, et qu'il ne reviendra pas.
Il continua de l'escorter, choisissant volontairement les chemins les plus rapides, mais aussi les moins dangereux. Patte d'Ivoire le suivait sagement. Chaque fois qu'il tournait le regard vers elle, la louve blanche semblait aussi inquiète qu'épuisée. Elle restait près de lui, comme pour se protéger de ce qui les entouraient. Balfring faisait de son mieux afin d'avoir l'air rassurant, mais il savait que cela ne suffirait pas à apaiser la louve blanche. Patte d'Ivoire le suivait, mais elle devait certainement se méfier de lui. Après tout, la réaction qu'il avait eu tout à l'heure l'avait effrayée.
Sentant les effluves des loups Esobeks lui parvenir au museau, Balfring s'arrêta près de la ligne invisible qui délimitait leur territoire. Il se retourna vers patte d'Ivoire. Cette dernière affichait un léger sourire reconnaissant, mais elle ne le regarda pas dans les yeux, lorsqu'elle le remercia.
- Merci... Merci beaucoup pour ton aide... Bal-Balfring... Encore désolée pour eux... Tout à l'heure, j'ai encore du dire quelque chose qui n'allait pas, je comprendrais que ça ait pu t'énerver, quoi que ce soit... Balbutia t-elle.
Il la gratifia d'un signe de tête, ne sachant que dire. Sa réaction de tout à l'heure l'avait apparemment marquée... Elle ne cessait de s’excuser, alors qu'il était loin de lui reprocher ce qu'elle avait dit. Ce n'était pas sa faute, mais elle semblait pourtant crouler sous la culpabilité.
- Fais attention à toi et puis... Peut-être à une prochaine fois... Ajouta t-elle gentiment.
Il pencha l’égerment la tête en avant, répondant d'un ton sincère.
- Au revoir, Patte d'Ivoire. Prenez-soin de vous.
Il la regarda s'éloigner durant quelques instants. Elle devait être heureuse d'être enfin rentrée. Quand à lui, il se sentait satisfait de l'avoir raccompagnée jusqu'à chez elle. Il avait passé un moment agréable, en sa présence. Néanmoins, ce genre de rencontre ne se reproduirait sans doute pas de si tôt. Elle appartenait à une meute à laquelle il était étranger. Il pouvait toujours s'aventurer sur leurs terres afin de la revoir, mais il croiserait sans doute des gardes avant même de la retrouver. Jetant un dernier regard en arrière, Balfring commença à repartir en direction des terres neutres. Au fond, il avait le sentiment qu'il la reverrait.