❝ Force : 5 – Agilité : 12 – Endurance : 5 ❞
Une frisson électrique le tira de son inconscience. Il ne tombait pas, contrairement à ce qu’il avait cru. Les ténèbres s’étaient dégagées de lui comme de sombres nuages d’orage soufflés par la brise. La lumière lui brula la rétine tant luminosité était forte. Ou peut-être était-ce simplement l’obscurité environnante qui faisait de cet astre de lumière lointain un aussi agressif compagnon. Le loup se redressa sur le flanc, grimaçant de douleur. La chute avait été rude, supposa-t-il car il n’en avait aucun souvenir. À dire vrai, il n’avait plus grand chose en mémoire. Le liquide poisseux qui lui collait les tempes lui laissa suggérer une mauvaise chute ou un choc quelconque. Impossible pourtant de s’en souvenir.
Samhain observa les murs de roches autours de lui. Froides, abruptes, impossible à escalader. Il lui fallait pourtant sortir. Pourquoi ? Pour aller où ? Impossible de savoir. Seul son instinct et son bon sens lui suggéraient de ne pas rester ici. Le choc avait été rude et sa tête durement sonnée au point de ne plus se souvenir de son propre nom. Il se leva, les pattes chancelantes et observa d’un oeil vide les alentours comme un vulgaire pantin qui aurait perdu ses ficelles.
L’amnésique huma l’air tout de même, cherchant des odeurs connues susceptible de générer quelques souvenirs, mais rien n’y fit. Une sensation de renaissance l’envahi, ce sentiment de recommencer sa vie, de reprendre toute son existence à son commencement. Un sentiment qui pourrait être agréable si elle n’était doublée par la frustration dévorante et l’envie irrépressible de vouloir se rappeler. Fragments d’images lointaines et perdues. Tant pis. Il ne fallait pas rester inactif.
Samhain, guidé par les odeurs, dénicha un étroit passage qui lui demanda de terribles efforts pour s’y glisser mais heureusement pour lui, son corps était souple et fin. Il se retrouva dans une petite caverne qui remonta vers la surface à l’aide d’une pente douce. Le loup entama donc son ascension sans grande attention sur ce qui l’entourait. Son esprit se focalisa sur lui-même, labourant les méandres de sa pensée pour découvrir les racines de son être. Qui était-il ? Par toutes les étoiles de l’univers, fais un effort !
Une odeur attira son attention. Il se pencha. Des champignons sur la roche. S’il ignorait d’où il connaissait ces champignons, il était sûr de les connaître. Mais pourquoi un loup connaîtrait des champignons. Concentration. Malgré leur air inoffensif, ce sont des végétaux toxiques et mortels. Mais pourquoi se souvient-il de cela en particulier. Ce savoir qui remontait dans son esprit mit en éveil sa pensée. Samhain commença à fureter, à la recherche d’autres plantes. Et pour chacune d’entre elle, il les connaissait. Bien sûr qu’il les connaissait. Il était un guérisseur. Il avait appris à les différencier, à les reconnaitre, à les utiliser. Cette connaissance coulait dans ses veines et remontait en lui comme les saumons la rivière.
Le loup émergea du sous-terrain. Le soleil était haut dans le ciel et le paysage drôlement escarpé. Samhain ne reconnaissait rien. Il ferma les yeux, tendit l’oreille et la truffe et attendit que le vent charrie à lui les parfums et les mélodies. Des odeurs de souffre, de bois brûlés, de terres noircies. Le claquement de la roche qui tombait. Samhain rouvrit les yeux et s’approcha du bord du gouffre. Une sensation de vertige l’envahie tout d’abord et se mua en un grisement excité. Le sol vivait sous ses pas, grondait telle une bête et émettait de la chaleur, comme un animal. Comment ne pas reconnaitre la Blessure, immense plaie béante sur la terre, gueule de ce monde prêt à vous avaler d’un simple faux pas.
Samhain recula, peu désireux de se jeter la tête la première au coeur du monde. Il capta alors son ombre qui se dessinait au sol et pris réellement conscience de lui-même. Sa silhouette élancée, ses longues pattes, son corps fin, son museau, ses oreilles, sa queue… Les souvenirs prirent d’assaut ses pensées, submergeant les zones d’ombre laissées par l’amnésie. Bien sûr qu’il se souvenait. Il se souvenait de tout. Comment oublier… ?