Bad Meeting

Athos chassait depuis déjà quelques heures. Il avait réussi à trouver pas mal de proies et était déjà allé les remettre au garde manger. Néanmoins, une petite balade n’aurait pas été de trop après toutes ces tensions accumulés en ce moment. Il commença à trottiner dans une grande forêt, à courir et s’entraîner. Puis, il partit en direction de la prairie de Grenat. Quand il réussit à l’atteindre, il s’arrêta de courir. Une odeur alléchante lui caressa les babines. Il se tapit au sol, les herbes lui chatouillant le ventre, il semblait comme glisser sur l’herbe, tel un alligator sur les flots du fleuve. Il allait sauter sur la bête lorsqu’une odeur nauséabonde lui parvint. Il se redressa vivement, faisant fuir le lapin. Tant pis. La curiosité le poussa a changer de direction. Il regarda autour de lui, mais rien ne parut. Il avança dans les fourrés, ventre à terre, ses épaules ondulant comme un félin qui s’approche de sa proie. Mais d’où venait cette odeur ? Il continua à avancer, et découvrit bien vite d’où venait cette odeur pestilentielle. Par terre, cachée dans la prairie, une carcasse d’une biche. Nul animal n’y avait touché, seuls les asticots avaient dévoré goulument la bête, de telle sorte qu’elle était dévorée jusqu’à la moitié du corps. Athos cracha par terre.

« La maladie. »

Les proies étaient aussi sensibles que nous aux épidémies. Voire pire. Mais elles étaient surtout le vecteur chez nous de ces maladies-là. Il suffisait qu’on tombe sur une proie, une seule, qui était atteinte de la maladie, et c’en était fini. Athos était bien placé pour le savoir. Il avait jadis été touché par une telle épidémie. Sans les Hommes, il en serait mort.

Il allait repartir, quand il entendit un bruit. Des pas de loups, qui courraient. Un danger ? Athos n’écouta que son courage et se précipita vers le son. Tout d’un coup, il vit une biche passer en trombe devant lui. Il s’arrêta net, regardant vers la biche, lorsque quelqu’un le percuta et il valdingua un instant avec ce loup qui l’avait renversé. Heureusement, Athos était agile, et il s’était rapidement relevé alors que la louve faisait encore des roulés-boulés. La tête dans la poussière, la jeune louve se releva furieuse.

Surpris par le ridicule de la situation de la louve, Athos ne put s’empêcher de lâcher un grand rire franc. Elle était sale, désarçonné, et deux fois plus fine et plus petite que lui, et elle proférait malgré tout des menaces. Athos lui répondit sur le même ton mordant qu’elle avait employé à son égard.

« Ah oui vraiment. Et vous comptez me faire quoi ? Me lancer de la boue pour salir mon pelage autant que le vôtre ? »


Son air charmeur était en action, mais arrogant et fort à la fois. Athos regarda mieux la jeune louve devant lui. Malgré le fait qu’elle était toute sale, il ne pouvait pas nier qu’elle était vraiment très jolie.
Alors, le jeune loup continua :

« De toute façon, il faudrait mieux ne pas toucher à ces biches isolées. Il y en a une à l’état de cadavre à deux pas d’ici, décharnée par la maladie. J’vous ai sauvé la vie ma mignonne. »



Déclara-t-il d’un air mordant.

Bad Meeting

La jeune et très séduisante louve qui se trouvait face à Athos prit tout de suite la mouche, comme Athos le pensait. Il la testait, essayer de voir ce que valait cette personne, avait-elle tout dans le physique ou était-elle aussi une de ces louves charismatiques et impulsives qu’Athos se plaisait à côtoyer... Parfois même très intimement. Il pencha doucement la tête de côté alors que la jeune louve semblait s’énerver. Intéressant, elle avait donc du caractère. Un défi à relever pour le jeune séducteur. Et il aimait les défis. Cela faisait longtemps qu’Athos ne s’était pas permis cela, de courtiser une jolie louve. Les tensions, le stress, les préoccupations du coup d’état l’obnubilait et il n’avait pas pensé jusqu’alors à autre chose que le bien de sa meute, s’oubliant lui même. C’était important pour Athos de se focaliser sur autre chose, et cette louve était la meilleure occasion qu’il avait eu depuis longtemps. Elle était séduisante, belle, son pelage était soyeux et brillait dans la lumière du soleil, elle dégageait comme une aura autour d’elle. Il connaissait cette sensation qui montait de plus en plus en lui, ce désir, cette envie, cette attirance. Elle était belle, elle avait l’air d’avoir du caractère. Exactement le genre de fille qu’Athos aimait courtiser. Il la laissa s’énerver un peu, et esquissa un sourire. Il savait exactement comment faire, le jeune bourreau des coeurs avait de la maitrise dans l’art de séduire, mais toutes ses conquêtes n’avaient pas été si faciles.. Cette jeune louve allait-elle pouvoir le toucher dans l’esprit comme d’autres l’avaient fait avant lui ? Pour toucher Athos, iil fallait être doué, très fort, car le loup, aimait courtiser, mais lui ne se laissait que rarement prendre par les sentiments. Ca lui était arrivé, parfois, mais il préférait de loin aimer une nuut puis « peut –être à plus tard, restons de bons amis ». Une seule personne avait été vraiment plus qu’une amie pour lui, il avait même fini par tomber amoureux. Une fois, une seule, et ils ‘était dès lors juré de ne plus jamais se laisser avoir à ce point, car son coeur pourtant intouchable en avait pâti.

Aux paroles de la jeune louve, il pencha la tête de côté :


« Ainsi tu préfèrerais être victime d’une épidémie plutôt que de manger sagement un petit rongeur ? la valeur de la vie est trop importante pour ne pas y faire attention. Mais d’où viens-tu jeune louve ? Qui es-tu ? Jamais je n’ai eu l’occasion de te voir par ici... je m’en rappelerai sinon.. "



Il lui lança son plus perturbant regard, un regard transcendant, bleu-noir, tel l’éclat sur les ailes d’un corbeau. N’oublie pas Athos, n’oublie pas à quel point tu as pu souffrir. Mais ne te prives pas d’aimer une amie à corps perdus.

Bad Meeting

La jeune louve était revêche. Elle se méfiait des loups trop avenants de toute évidence, alors Athos changea de carte. Elle voulait faire disparaître le côté gentleman de Athos? Elle voulait voir le côté moins gentleman d'Athos? Bien. Alors faisons comme si la fille d'en face n'était pas hyper canon, se dit Athos.

Ça allait se passer comme ça alors. La curiosité de Athos l'avait emporté sur son désir de séduire la belle louve. Elle l'avait vraiment piqué au vif et voulait en savoir bien plus sur elle. D'où venait elle ? Pourquoi avait elle l'odeur d'autres loups sur elle alors même qu'elle affirmait être solitaire ? Athos était un excellent chasseur, un des meilleurs de sa meute. Rien ne lui échappait et surtout pas cette odeur de mâle sur le pelage de la jeune louve en face de lui. Il esquissa un sourire.

La louve continua son petit discours. Elle se demandait pourquoi un loup qui avait vécu toute sa vie dans le confort d'une meute s'intéressait à elle. Si elle savait. Si elle savait à quel point elle se trompait. Il n'était pas ce loup. Il n'avait Jamais grandi dans le confort d'une meute. Au début de sa vie, il vivait en solitaire avec ses parents, des nomades qui avaient un jour fini par trouvé une tanière. Lorsqu'un affreux éboulement s'est produit, emportant la tanière avec elle, les parents et les frères et soeurs d'Athos moururent. Il avait huit mois. Îl etait arrivé chez les sekmet sale, illégitime, bâtard, venu de nulle part et rejeté de tous. Mais c'est grâce à sa valeur qu'il était devenue ce qu'il était. Alors oui, la vie de solitaire, il connaissait à peu près, il en avait de brefs souvenirs. Les Sekmet avaient été la meilleure meute pour lui. A la fois libre et entouré.

" Tu as raison. Cessons cette politesse superficielle."


Puis, au fait qu'un loup comme lui n'avait pas à être intéressé par une solitaire, il répondit, les yeux pétillants, brûlants même, une flamme intense valsait dans ses yeux bleu corbeau, si légère et si violente à la fois.

" Il vaut mieux ne pas s'avancer sur ce que l'on ne connaît pas. Tu n'imagines pas. "


Il était resté stoïque, les yeux perçant droit dirigés vers la louve, avec la même expression sur le visage et un demi sourire. Puis, il détourna la conversation, pour que la louve ne s'attarde pas sur ce que Athos venait de dire, après tout, il n'aimait guère se confier, encore moins à une inconnue, aussi jolie et sensuelle soit elle.

" Mais toi, tu me dis que tu es solitaire. Je crois bien que tu ne dis pas tout. Je sens sur toi l'odeur de plusieurs loups."

Bad Meeting

Athos restait attentif à chaque geste d’humeur de la jeune louve. Il commençait à s’intéresser plus intensément à elle, nous pas parcequ’il était un loup qui aimait beaucoup passer quelques moments avec certaines jolies louves, mais parce que cette fille cachait un secret aussi gros que le museau au milieu de la figure. Il le sentait, il le savait maintenant il en était sûr. Cette fille commençait à l’intriguer pour ce qu’elle refusait de dire. L’odeur quelle portait sur elle ressemblait fortement à celle d’une odeur de meute, d’un groupe de loups en tout cas. On ne trompait pas un chasseur comme lui. Il fit tout de même comme si de rien n’était, accroché aux lèvres de la louve qui lâchait alors quelques paroles indélicates.

« Oui je suis une solitaire. Mais il m'arrive pourtant de fréquenter d'autres loups tu sais. Je ne suis pas une associable non plus ! »

Elle était légèrement agressive dans ses paroles. Mais en même temps, comment faire autrement ? Elle était seule, devant un loup trois à quatre fois plus fort qu’elle, bien plus massif et bien plus grand. Bien plus entrainé surtout. Athos avait passé ses trois années d’existence à s’entraîner comme un fou pour devenir LE meilleur, celui qui soutiendrait sa meute qu’importe les obstacles, et ce même si les fameux obstacles étaient intérieurs à la meute. Les yeux verts émeraudes de la belle louve plongèrent dans ceux bleu-nuit d’Athos. Elle était belle, mais elle avait peur. Et cela semblait lui faire perdre le fil de ses idées, lui faire perdre conscience d’elle-même, et Athos le voyait. Il la sondait, il lisait en elle comme en un livre ouvert. La jeune louve continua, la voix froide, de glace, comme si elle essayait de se contenir elle même contre le danger qu’elle représentait envers sa propre personne.

« Et puis je ne vois pas en quoi cela pourrait t'intéresser. Et de quelle … Meute fais-tu partie ? »

Ainsi, elle s’intéressait aussi au jeune mâle. Elle s’était trahie seule. Mais Athos ne releva pas. Après tout, il ne fallait aps chercher la petite bête non plus, et n’oublions pas que le jeune loup est aussi quelqu’un de droit et juste. Il ne cherchait pas à la coincer. Seulement à comprendre qui elle était, et quels mystères se cachaient sous les yeux de trésor de la belle louve noire...


« Je suis un membre de la meute des Sekmet, celle qu’on nomme le Brasier Blanc.»

Ou peut-être un ancien membre, songea-t-il. Ou peut-être encore plus qu’un membre. Ou encore peut-être un futur cadavre. Il n’aurait su dire. Le destin le montrerait bien assez tôt... pour le meilleur ou pour le pire.

« Et toi, de quel groupe fait tu partie ? »

Il lança cela presqu’innocemment. Comme s’il n’avait pas déjà sous-entendu qu’elle cachait quelque chose. Et peut-être cachait-elle cette chose à raison. Car si groupe il y avait, il pouvait de suite être écrasé dans l’oeuf par certaines meutes. Cela n’était pas la philosophie d’Athos, qui était pour la Justice et la Droiture d’après ses valeurs les plus chères à son coeur, certes, mais d’autres pourraient avoir cette idée. Tout groupe rival était mauvais pour les meutes. Un concurrent pour une nourriture trop rare, et des terres appropriées chèrement.

Bad Meeting

Athos laissa la jeune louve tenter de se maitriser. Elle avait compris, forcément, que l’autre loup brun tentait de la cerner et surtout de lui faire dévoiler qui était son groupe. Car elle avait forcément un groupe, ou elle ne sentirait pas ainsi. Ce n’était pas l’odeur de louveteaux, alors elle ne pouvait pas prétendre vivre simplement avec ses enfants. D’ailleurs, elle n’avait certainement pas une tête à être mère. Quoi que, après tout, contre toute attente, Athos était bien père, lui.

La jeune louve sembla s’agacer un peu mais tout en étant intriguée. Elle posa des questions à son tour à Athos qui ne montra aucune émotion. Oui, il était sûr de lui, et même quand il ne l’était pas, il l’était. Elle lui demandait si son supérieur n’allait pas s’enquérir de son éloignement soudain du territoire, ou si un de ses supérieurs n’allaient pas lui tirer les oreilles.


« Personne ne peut me tirer les oreilles. »


Déclara Athos sur un ton mi-sérieux mi-amusé, en fait, sur le même ton que celui qu'Abysse avait fait, utilisant la même expression enfantine que la jeune louve avait utilisé avant lui. Non, personne n’avait jamais fait la moindre remontrance à Athos depuis qu’il était devenu un adulte. C’était à la fois parce qu’il était respecté, aimé et craint par ses opposants. Enfant, il était l’enfant turbulent de la meute, insoumis, incapable de respecter les ordres surtout quand il ne les trouvait pas justes. Il avait été de nombreuses fois réprimandé ou puni, même par le conseil des Anciens. Etait-ce une façon de lui faire payer cela, leur décision de le mettre à l’épreuve en tant qu’Alpha ? Car Athos était devenu une véritable machine assoiffée de justice. Poursuivant ses idéaux, Athos s’était entraîné depuis son adolescence comme un fou pour devenir LE meilleur. Aujourd’hui, au lendemain d’un coup d’état, alors même que la majorité de la meute avait voulu Athos comme Leader, le Conseil des Anciens avait décidé de laisser Hige et Athos ensemble en tant que Alphas. Athos n’avait pas vu cela comme un affront où une sanction. Ce qu’il a fait enfant, il n’était justement qu’un enfant. Il avait sauvé de nombreuses vies et avait prouvé maintes fois sa valeur depuis. Non, Athos voyait cela comme une épreuve. Il voyait que les Anciens se doutaient de la capacité supérieure d’Athos à régner, mais ils voulaient qu’Athos leur prouve qu’il était capable de faire ce qu’il avait annoncé.

Puis, le jeune loup, ajouta, car c’était aussi vrai :


« Les Sekmet se respectent entre eux et respectent la liberté individuelle. Si je veux être là, du moment qu’on n’a pas besoin de moi, je peux aller là où le vent me porte. »



Rien n’était plus vrai. Les Sekmet étaient une meute forte et unie, malgré les évènements, mais ils étaient aussi des « durs », ils n’étaient d’ailleurs pour certains pas tous sociables avec d’autres loups d’autres meutes, et ressentaient parfois un désir de liberté. Mais au final, ils sont tous unis par la lien de la meute, et partagent des valeurs et la même façon de vivre. C’était ce qu’Athos appelait une meute idéale. Qui avait failli sombrer.

Bad Meeting

La jeune louve commençait à se détendre et à être plus à l'aise.  En fait, elle l'était si bien qu'elle s'était carrément allongée aux pattes du loup et lui avait tout simplement dit son nom. Athos était vraiment intrigué par cette louve qui semblait cacher bien des secrets. Et les secrets, rien n'attisait plus la curiosité que ces choses là.  Athos était d'un naturel follement curieux. Si curieux qu'il avait été n'importe où pour satisfaire sa curiosité. Enfant; personne n'avait voulu lui dire pourquoi les humains portaient des armes constamment, personne n'avait su lui expliquer comment ils vivaient, comment ils faisaient pour domestiquer les chiens... tant de questions dans la tête d'un jeune louvard qui ne demandait qu'à tout savoir ! Alors, dévoré  par ce sentiment de curiosité, Athos était allé voir lui même,  alors qu'il n'avait que huit mois, le campement humain. Il avait été ramené quelques heures plus tard par un guérisseur en furie et très en colère contre lui d'avoir braver l'interdiction imposée aux louveteaux de partir du territoire.  Mais Athos était déjà très grand, presque adulte, il voulait tout savoir et se sentait capable d'affronter les pires dangers. Un homme ? Et alors ! Un chien? Peuh, de toute façon c'est bête comme ses pattes ces trucs là ! Il avait voulu voir de lui même comment vivait les hommes et avait vu, appris. Chaque jour il apprenait de nouvelles choses, parfois il était bien trop aventureux et courait trop de dangers ce qui lui valait de vives remontrances de la part des anciens de la meute des Sekmet.

Alors oui,  Athos était curieux. Il ne s'allongea  pas mais s'assit tout de même,  dans une posture plus droite, presque solennelle, mais peut être était il toujours comme ça.  Droit, fier, charismatique sans pour autant vouloir le montrer.
A son tour, il plongea son regard perturbant bleu corbeau dans celui de la louve noire. De sa voix chaude mais ferme, il déclara:


" Je suis Athos. "

Athos... Es-tu vraiment cela Athos, n'es tu que toi? Oh oui, mais tu seras bientôt bien plus...