Étranges perspectives que celle de la chute au coeur des ténèbres. Samhain se pencha au dessus du vide, partagé entre le vertige et le désir de s'y laisser tomber. Des odeurs de toutes sorte remontaient du fond. L'eau qui croupie, les effluves de vases, de plants d'eau, la boue visqueuse et la terre humide. Le caveau rêvé pour y voir pousser quelques bonnes herbes utiles à un guérisseur. Mais comment accéder au fond sans s'y rompre le cou ? Et plus difficile encore, comment y remonter. Serait-il le pauvre idiot coincé au fond du trou ?

Samhain étudia méticuleusement l'endroit. Il commença par y pousser une pierre afin de juger de la profondeur de cette gueule difforme. Suffisamment profond pour s'y tuer en cas de mauvaise chute. Mais il fallait plus que ça pour intimider le guérisseur.

Les parois n'étaient pas lisses et témoignaient des vestiges d'un puits de pierre progressivement écroulé. Ainsi, dans le mur inégale se détachait de maigres corniches de pierre à la façon d'un escalier mal proportionné et maladroit. Samhain se pencha à son maximum pour y poser une première patte et tâter de la solidité de la pierre à moitié mangée par le mur. Confiant, le loup s’y glissa en douceur, juché à plusieurs mètres du fond. Il avisa une nouvelle pierre et prenant appui sur la bordure de terre, il sauta avec autant de légèreté qui lui était permis. Samhain renouvella son manège, progressant vers le fond. La lumière se fit plus rare et bientôt, les silhouettes des pierres se mélangeant en grande partie aux ténèbres, il lui fallut deviner leur solidité au fur et à mesure de sa descente.

Une vibration sous ses pattes, accompagné d’un sinistre craquement. La pierre céda mais le loup alerte sut réagir à temps. La roche s’écroulait tandis qu’il enchainait un nouveau bond jusqu’à l’aspérité la plus proche. Samhain la percuta brutalement mais parvint à se rattraper de justesse. La moitié de son corps pendait dans le vide, ses griffes raclant les bords meurtris du puit. Tirant et appuyant sur ses pattes, le loup parvint a se hisser sur l’étroite pierre. Prenant quelques instants pour se remettre de cette semi-chute, Samhain avisa le bas du puit, ne trouvant plus de plate-forme susceptible de le faire approcher du fond.

Il ne devait plus rester qu’un peu moins de deux mètres. Le loup se glissa contre la parois aussi bas que possible et se laissa tomber jusqu’au fond du puits. Accueilli par la flotte glacée et les roches gluantes de vase, le loup manqua de s’y rompre de cou. Mais ce fut à moindre mal.

Samhain étudia le fond humide du puits, cherchant, farfouillant, guidé par son nez et son expérience. Il sélectionna quelques plantes qui lui parurent pertinente et étudia ses opportunités pour remonter. Plantes dans la gueule, Samhain gratta le sommet du rocher le plus haut de ce fond de puits afin de le débarrasser de la mousse glissante et d’avoir un meilleur appui. Il s’y positionna et appelant un maximum de son énergie bondit jusqu’à la pierre la plus proche, ses griffes grattant le mur de terre. Ses griffes le hissèrent de justesse sur la pierre. Il répéta sa fatiguant opération pour une ascension lente et périlleuse. C’est au prix de nombreux efforts et quelques frayeurs de stabilité que, soulagé, Samhain retrouva enfin la lumière du jour.