Première chasse.

Le vent giflait de temps à autres le museau de Zrael, qui s'efforçait de le baisser pour éviter les violentes bourrasques. Même les grenats de la prairie étaient secoués. C'était réellement un temps de chien, mais pas assez pour décourager notre petite Navnik qui s'apprêtait à chasser sa toute première proie ! En effet, elle n'avait pas beaucoup de chances d'en attraper une par ce temps, mais on ne sait jamais.

Peut-être aura t-elle le privilège de réussir sa première approche. Certes, elle n'avait pas adopté les meilleures techniques au monde, ni même eu de mentor, mais je le répète une nouvelle fois, on ne sait jamais. La maladresse peut conduire à une victoire, si on ne renonçait jamais. C'est ainsi que la petite se tapit au sol, faisant tout son possible pour ne pas être repérée, étant donnée que le vent soufflait désormais du côté opposé, son odeur n'était pas omniprésente, et elle avait moins de chance qu'une bestiole susceptible de faire office de proie ne la sente.

Première chasse.

Ses yeux verts se rivèrent sur une petite bête qui remuait entre les hautes tiges. La totalité de son corps se figea tellement bien qu'on aurait pu la confondre avec une statue drôlement réaliste. Sa respiration s'était régularisée, pour ainsi disparaître totalement du lieu. Tous ses efforts étaient concentrés dans sa position, et son attention, sur sa proie. Zrael plissa des yeux, conservant la même attitude, pour observer le comportement du.. Heu. Ah, oui, du lapin. En effet, un lapin assez dodu au beau pelage gris était tranquillement à un ou deux mètres d'elle. Ni une, ni deux, elle banda ses muscles en silence, se jetant sur sa victime, pour aussitôt rouler au sol.

Elle n'eut pas le temps de réfléchir que son instinct lui criait déjà de l'achever. Ou alors, il allait s'enfuir. La petit écarta rapidement ses babines, dévoilant ses petits crocs de jeunette, pour ainsi les enfoncer rapidement dans une partie aléatoire de son petit corps chaud. Et ce fut la nuque. Très bon choix. Enfin, très bon hasard. Elle retira aussitôt ses crocs, ne sentant plus de mouvement, et pour ne pas trop abîmer la bestiole. Le cœur de Zrael se gonfla de fierté, alors qu'elle baissait les yeux sur le lapin qui pendait dans sa gueule. Anya sera étonnée ! La petite tenta de se lécher les babines, mais manqua de faire chuter sa proie au sol. Pas question de la salir ! Ses camarades devaient voir sa proie ! A elle toute seule !

Sur ce, elle tourna rapidement les talons, détalant vers les terres Navnik, impatiente de vanter sa prouesse aux autres.

[END.]

Seconde chasse.

Le lendemain, Zrael avait répété le même manège : Se lever à l'aube, pour courir ventre à terre à la prairie des Grenats. Précédemment, elle avait attrapé sa toute première proie. Et par un sale temps, en plus ! En ce jour, il faisait bon, en raison de la violence du vent s'étant adoucie plus récemment. Autant profiter, étant donné qu'il n'y avait pas de concurrence à l'horizon ! Comme à son habitude, elle s'élança au sol pour s'aplatir contre celui-ci, répétant la même action que la dernière fois, aux aguets. Une odeur de fraîcheur flottaient dans l'air, mais aucune effluve de possible proie ne parvenait jusqu'à ses narines.

En revanche, elle ne désespérait pas. Quel que soit le temps qu'elle passerait ici, rien ne pourrait l'empêcher d'attraper une deuxième proie ! Certes, elle ne voulait pas devenir Chasseuse. Mais adorait ça. C'était comme une sorte de mini-combat..! Enfin, absolument pas équitable. Mais ça comptait pour ! Trève de plaisanteries, il était temps de se concentrer !

Seconde chasse.

Bingo ! Une touffe de fourrure passa rapidement devant Zrael, qui posa une seule fois son regard dessus, avant de la suivre du regard. Ce n'était ni un lapin, ni autre chose qui lui ressemblait. ça ressemblait à ... Comment on appelle ça, déjà ..? Ah ! Un furet ! La petite ne soigna pas son départ, se lançant à sa poursuite sans réfléchir, remarquant la vitesse de sa proie, espérant pouvoir l'attraper. Bien que la jeune Navnik ne soie pas très endurante, elle oublia ses compétences pour redoubler d'efforts, enchaînant foulées après foulées, vainement. En effet, elle ne se rapprochait pas du petit animal, ayant l'impression de s'en éloigner petit à petit. De plus, elle commençait à perdre son souffle, sa respiration devenant petit à petit irrégulière.

Non ! Elle ne devait pas faillir ! Désir Oublié se jeta en avant, tentant le tout pour le tout : Plaquer l'animal au sol de la distance où elle se trouvait. Zrael se ramassa sur le sol, son museau cognant contre la terre, avant que son postérieur ne s'affale devant elle, lui faisant accomplir un roulé-boulé.

« MERDE ! »

Et allez, raté ! Elle arbora une mine renfrognée, pour se redresser rapidement, honteuse. Heureusement que personne ne l'avait vue. Elle aurait juste récolté des moqueries. Le furet disparut à l'horizon, entre les tiges, alors qu'elle faisait demi-tour, s'en allant dans l'espoir d'oublier sa mésaventure, et de faire mieux la prochaine fois.

[END.]

Troisième chasse.

La période n'étant pas vraiment la meilleure pour chasser, cela influençait le garde-manger des meutes. Notre protagoniste profitait de ses moments de liberté pour tenter de rapporter le plus de nourriture possible. En quelque sorte, elle se sentait utile en effectuant son petit train-train. Certes, elle avait une préférence pour le rôle de Guerrière, étant donné qu'elle était à deux doigts d'obtenir un mentor officiel. Plus elle grandissait, plus elle se préoccupait de son utilité à la meute. L'esprit de son père lui manquait toujours autant, mais elle s'efforçait de penser à ça seulement quand elle était seule. Pas question d'en parler à quelqu'un d'autre, on ne sait jamais ce qu'ils pouvaient en penser. Elle entendait déjà ces petites voix stridentes lui vriller les tympans : "Muuuh ! Pauvre Zraeeel ! Elle cherche son papaaa ! Hahaha. FILLETTE !"

Et maman ... Tss. Anya lui mentait ... Mais ce n'était pas impossible qu'elle dise la vérité. Ou qu'elle tourne la vérité de telle sorte à ce qu'elle ne comprenne pas ? Désir Oublié secoua la tête, comme pour chasser toutes ces pensées. Se concentrer sur les mouvements suspects à proximité, tel était son actuel but et son seul sujet de pensée.

Troisième chasse.

La jeune Navnik démarra au quart de tour, détalant droit devant elle, faisant le moins de bruit possible. Elle n'était pas absolument silencieuse, mais elle n'était pas bruyante non plus. Elle parcourut tellement vite le territoire qu'elle avait l'impression que ses coussinets raclaient contre le sol pour la millième fois. Désir Oublié déambula quelques heures le long de la prairie de Grenats, abaissant de temps à autres sa truffe au sol, reniflant toute odeur lui évoquant un fumet animal. Comestible, bien sûr. En effet, une vieille carcasse contaminée puant l'humain à des kilomètres n'était pas tellement appétissant. Sauf en cas d'urgence. Et pour le moment, on ne l'était pas. En période de crise, Zrael aurait tout fait pour rapporter au moins deux proies.

Elle commençait petit à petit à désespérer quand son regard se vrilla sur quelque chose de gris. Immobile, certes, mais la texture était conforme à de la fourrure. Elle posa sa patte dessus, examinant la réaction de la chose. Rien ne se passa. Elle tira le bout de "fourrure", pour se pencher et avant, et renifler sa prise. Non, ce n'était pas vivant. Quelqu'un avait sûrement dû chasser ici, et arracher de la peau à un animal. Sans faire exprès ? Ou alors c'était un gros bourrin ! Ou peut-être une femelle ? Qu'importe ! Ce n'était pas le moment de tergiverser sur un ridicule bout de poils !

Elle se sentait bien ridicule et inutile, à ce moment-là. A quoi ça allait servir, de fouiller de fond en comble un territoire au pas de course, parfois au galop ? A rien ! Nada ! Désir Oublié baissa les oreilles, et abandonna. Finalement, il n'y avait rien. Absolument rien. Chercher plus n'avancerai qu'à lui tuer les pattes encore plus. Alors, elle fit demi-tour, et regagna ses terres, en prenant garde aux rochers, de peur de s'entailler ses petites égratignures.

Quatrième chasse.

Désir Oublié partit du camp à l'aube, pour suivre le même itinéraire pour la quatrième fois. A force d'y aller, elle pourrait presque s'y rendre les yeux fermés. Plongée dans ses pensées, elle ne faisait pas attention aux petits cailloux qui se logeaient entre ses coussinets. En effet, elle avait gardé l'image des "Fils du Dragon" en tête. Enfin, surtout celle de.. Ah. Zrael ne connaissait aucun de leurs noms. Génial. Une frustration sans bornes s'empara d'elle, avant qu'une douleur qui montait crescendo ne la sorte de ses pensées. Et merde ! La jeune Navnik frotta sa patte contre la terre de la prairie de Grenats, avant de se diriger vers le milieu de celle-ci.

Une seule fois, elle avait réussi à ramener une proie au camp. Les deux autres, elle n'y avait pas parvenu. Alors, cette fois-ci, on fonce ! Un sourire déforma ses babines alors qu'elle se mettait en quête de gibier, la truffe au ras du sol, s'aplatissant au fur et à mesure.

Quatrième chasse.

Elle s'élança en avant, faisant rouler ses muscles sous sa peau, enfin, du moins, son début de musculature. Certes, elle était jeune, mais se donnait à fond pour progresser. Pas question qu'une nouvelle fois, un assaillant la victimise. Toute la prairie entra dans son champ de vision, balayant l'endroit d'un rapide regard circulaire, avant d'y revenir à deux fois, plus minutieusement cette fois-ci. Rien à l'horizon. Tant pis, rapprochons-nous. Comme la précédente partie de chasse, elle rasa tout d'abord les contours de la prairie de Grenats, avant de s'attaquer au centre.

En effet, elle resserrait petit à petit son cercle vers le milieu, accélérant, puis ralentissant, faisant de cette tentative de chasse un effort physique mélangé avec le but de rapporter une proie. Ses pattes foulaient le sol de plus en plus rapidement, avant qu'elle ne rejoigne le centre. Zrael plissa des yeux, examinant les Grenats. Le vent giflait les pousses avec violence, faisant également s'envoler la fourrure de notre jeune protagoniste féminine. Pendant un instant, elle s'imagina chasser avec une autre personne. Si elle ne trouvait rien seule, à deux, elle aurait plus de chance de rentrer triomphante. Et ... ça la rapprocherait un peu plus des membres de sa meute.

Dépitée, elle refit un nouveau tour, beaucoup plus rapidement cette fois-ci, forçant sur ses postérieurs pour se projeter en avant, et exécutant quelques bonds spectaculaires, histoire de voir plus haut. Ses muscles la tiraillaient, mais si elle s'était déplacée, ce n'était pas pour rien. Autant se forger du muscle que repartir bredouille.

Cinquième chasse.

Les derniers rayons de l'astre solaire venaient à peine d'inonder la prairie de Grenats d'un jaune pâle que l'ombre de Désir Oublié se forma au sol. Cela faisait des lustres qu'une bonne partie de chasse n'avait pas été effectuée par ici. La dernière fois.. Eh bien, c'était accompagnée de Pandémonium qu'elle avait dégoté une proie. Enfin, c'était plutôt lui qui avait fait tout le boulot. Peu importe ! C'était une proie quand même. Le seul hic, c'est qu'elle l'avait mangée, et non ramenée au camp. Avec le même désir d'aider que la précédente fois où elle avait chassé seule ici, elle s'abaissa au sol, rasant la terre humide de la prairie. Etant donné qu'il faisait plutôt sombre, les proies n'auraient pas la chance de distinguer sa silhouette, non ? Ses coussinets rasaient la boue avant qu'une image ne lui revienne en tête. Bah tiens, ça faisait longtemps. Isha.

Ses paupières retombèrent rapidement, cachant ses prunelles scintillantes de la réalité. Les herbes folles de ces terres disparurent, et le noir complet survint. Il fallait qu'elle se concentre. Et qu'elle ramène une proie au camp. C'était son devoir. En attendant, personne ne l'avait remarquée, mis à part quelques connaissances sans importance.

Elle rouvrit les yeux, relevant son museau vers le ciel. On n'y voyait presque plus. En abaissant légèrement la tête, elle avait seulement la capacité de voir les pousses de Grenats danser de droite à gauche sous la tension du vent. Déjà, elle était un peu plus présente. Un pas, deux pas. La voici au centre de son terrain de chasse. A première vue, rien n'était détectable. Aucun bruit, aucune odeur, sans trop forcer sur ses sens. Elle avança un peu plus vers l'Est, déployant la totalité de ses sens, et s'abaissant de nouveau, en suspension.

Cinquième chasse.

Une boule de poils brunâtre attira son attention. De loin, elle semblait mobile. C'était donc possiblement une proie. Zrael la prit pour cible, focalisant tous ses sens sur la petite bestiole. Que dis-je ! Malgré les temps durs, son ventre était plutôt rebondi ! Et son activité principale ne laissait aucun doute, ce n'était pas une petite proie. Si elle réussissait à ramener ça au camp, elle aurait sûrement plus de chance de récolter un compliment. Les muscles bandés, légèrement saillants, dû à l'effort fourni pour conserver cette stabilité, elle se rapprocha dangereusement. Le goût métallique du sang de l'animal coulait déjà dans sa gueule, imaginaire, mais l'odeur bien présente. Ce malin plaisir à ôter une vie, même anodine, pour rendre service à une famille toute entière. Elle ne perdit pas son temps, étant à bonne distance de la bête, elle patienta quelques secondes qui parurent interminables, avant de bondir.

Un moment de suspension, comme si le temps s'était arrêté. Les yeux rivés sur le mulot qui se tenait non loin d'elle, désormais. Le vent qui secouait son pelage, giflant son museau avec une force aléatoire à chaque passage. L'idée d'avoir cette odeur, cette texture, en bouche, était presque jouissif. Un instinct de chasseur la traversait de toutes parts durant ce saut qui n'en finissait toujours pas. Zrael bascula rapidement en avant, ouvrant la gueule en un sourire fier.

Ses crocs plongèrent dans la chair de l'animal en un bruit spongieux, qui retentit à son oreille, accompagné d'un cri provenant du rongeur. Elle ne força pas dans la peau, de peur d'abîmer son précieux trésor. Son sourire toujours affiché sur sa face, elle se redressa rapidement, le mulot pendant dans sa gueule. Elle ne tarda pas à faire demi-tour, n'ayant aucune envie de s'éterniser ici. Si elle avait voulu poursuivre sa chasse, ce n'était pas forcément la meilleure chose à faire étant donné qu'un bruit strident avait été produit par l'animal au moment de sa mort.

Le sourire de Désir Oublié s'agrandit alors qu'elle se souvenait de la remarque de Pandémonium, quelques heures avant.