Ma respiration est lente, mes muscles détendus et mes sens en alerte. Le calme règne sur le monde, comme si le Temps s'était mis en pause. Mais rien de tout ça n'est possible, n'est-ce pas ? Le monde ne s'arrêtera pas de tourner si l'un de nous meurt, et le Temps ne cessera pas son décompte même si nous avons peur. Je souris entre mes babines, plisse les yeux dans une grimace sordide. Je suis heureux d'être ici. Je vais combattre, encore. Je vais devenir meilleur, encore. Je suis un guerrier, et sous les ordres de mes deux Générales, je serais le plus fort, le plus dangereux. Je n'attends que leurs ordres pour partir. Les ronflements sinistres de notre cible résonnent entre les parois de l'usine que nous approchons. Comme le Cerbère, il garde la porte des Enfers. Et si lui est là, d'autres sont ailleurs, sur d'autres fronts, alors que mes frères et soeurs de meute sont également prêts à se battre. Nos idéaux sont tous les mêmes. Pour ceux qui en ont tout du moins. Moi, je suis là pour me battre, et peu importe la raison de cette nouvelle guerre. Je veux en tirer force et volonté nouvelle. Je veux en tirer gloire et honneur. Je veux que mon frère soit fier de moi, et je veux un jour pouvoir me battre au nom de ma mère sans avoir à craindre mes ennemis. Je cesse de sourire lorsque le gamin s'avance un peu plus, s'approchant de nos Générales. Je lui lance un regard attentif quoi que désintéressé. Les plus gradées ? Et alors ? Vas-tu attendre de recevoir leurs ordres quand tu sera dans la bataille ? Ne lèveras-tu pas la patte sans leur accord ? Je piaffe d'impatience, m'approche à mon tour sans pour autant dépasser mes supérieures. Le regard rivé à l'entrée de l'usine, mes intentions sont claires.

- Le plan ? Entrer et lui arracher la jugulaire avant qu'il se réveille. Ca parait pourtant logique.

Allez. Un mot, rien qu'un, et je serais le premier à foncer.

- Si tu penses pouvoir égorger un chien aussi facilement sur son propre territoire, je t’ai sur-estimé. On progresse prudemment entre ces murs inconnus, je propose qu’on sépare le groupe en deux : Anya, Daren ensemble et Belphegor et moi ? Qu’en penses-tu Anya ? De cette façon nous couvrirons une plus large zone pour trouver le clébard.

Sa voix a beau être douce et sans aucune animosité, je ne peux réprimer un grondement en sourdine. Elle est ma supérieure, aussi je lui vous une obéissance certaine. Mais je veux de l’action. Je veux bouger et planter mes crocs dans ce salopard au plus vite. Je tourne un regard désapprobateur vers la seconde générale.

- Non. Séparés nous n’aurons aucune chance. Regardez ce qui est arrivé à nos Leaders sur notre propre territoire et sur un terrain que l’on connait. Imaginez ici, à quatre loups, avec des forces clairement pas équitables. Nous n’avons pas le choix. Je ne connais qu’une partie de ce labyrinthe et je pari que ça ce nous aidera pas. Nous ne pouvons que nous aventurer dans la gueule du loup. Notre seule chance sera la cohésion du groupe.

Mais pas le temps de relever son regard appuyé sur moi : le sale mioche a visiblement moins de jugeote que je pensais puisque le voilà s’élançant seul dans l’antre de la bête, juste après le discours sur la cohésion de groupe. Je gronde et montre les dents, planquant mes oreilles sur mon crâne, puis je fais signe aux deux louves de se concentrer sur le môme suicidaire qui, déjà dans l’ombre des couloirs, s’agrippe sauvagement à notre cible principale. Bien gamin. Bravo, nous voilà tous condamnés. Je m’élance vers eux, bien obligé d’aider le gosse et pour le moins pas bien réticent à l’idée de flanquer une raclée à ce salaud de chien puant. Je me projette en avant pour atterrir sur son épaule gauche et j’y plante fermement mes crocs, grondant férocement en agitant ma tête dans tous les sens comme pour déchiqueter une vulgaire proie.

Ce p'tit con a vraiment tout fait foirer ! Je me secoue brièvement, essaie de faire passer la migraine qui me vrille les tempes. Ce molosse n'est pas juste balèze, il est monstrueux ! J'ignore comment nous allons nous en sortir, d'autant plus avec un imbécile ignorant dans nos troupes. Mais pas le temps de réfléchir, l'animal se lance vers nos Générales, ils faut agir et vite ! Le temps de me relever cependant, Djall a déjà pris la fuite avec le colosse à ses trousses. Quel est son objectif ? Se perdre et se faire manger pour qu'ensuite nous retrouvions la bête assoupie, rassasiée, en suivant l'odeur de la mort ? Je grogne, j'aimais la rejoindre mais je titube et il me faut de longues secondes avant que mon équilibre me revienne. Des secondes qui suffisent à Djall pour refaire son apparition, balançant quelque chose à Anya avant d'attaquer le chien de toutes ses forces. Belphegor se mêle bêtement au combat. Et c'est moi qui suis stupide et incompétent ? Crétin de Prince prétentieux ! Je m'élance vers Anya qui a pris de sales coups tout comme moi, et je lui lance un regard inquisiteur. Comment piéger un chien avec une chose pareille ? Alors que nos compagnons gagnent du temps, je réfléchis à un plan d'attaque. Comment faire ? Il nous faut utiliser le décor, ce qui nous entour, mais comment ? Peut-être que si nous l'encerclions chacun avec une extrémité de la corde, nous pourrions l'immobiliser en attachant ses quatre pattes ensemble. La diversion offerte par nos deux comparses permettrait qu'il n'esquive pas notre piège. Mais il faudrait ensuite trouver le moyen de bloquer sa gueule pour qu'il ne touche pas aux liens. Trop risqué, probablement. Et si nous nous servions de la corde pour faire tomber des roches sur l'animal ? L'écraser nous serait utile, mais les bombes pourraient exploser sous l'impact. Encore trop risqué, donc. Je grogne d'agacement, nous n'avons pas le temps de réfléchir et mes idées ne sont pas celles d'un stratège. Je lance un regard désemparé à Anya, espérant qu'elle aura de meilleures idées que les miennes.

Djall n'attend pas une seconde. Elle décide de sacrifier le gosse pour la meute, s'acharnant à retirer les lanières de cuir qui entravent le chien et permettent aux bombes de tenir sur son dos. Une seconde, puis un encouragement au gamin, comme si elle pouvait lui donner plus de courage qu'il n'en a déjà. Une seconde après c'est pour moi qu'elle avoie ses ordres, mais je suis trop occupé avec Anya pour maintenir le chien, je ne pense pas à répondre à ses paroles. Pas le temps, je dois tirer sur cette corde et continuer de tenir ce salaud. Je fixe Anya, me concentrant sur elle, veillant à tirer autant qu'elle pour ne pas lui faire perdre l'équilibre et la faire tomber sur le chien. Le temps semble s'être arrêté, pourtant nul doute que tout ceci se déroule à une vitesse fulgurante. Déjà, Djall descend de son promontoire poilu et s'éloigne, mais elle va bientôt faillir et se faire rattraper par le chien s'il se rend compte de ce qu'elle à fait et qu'il se détache de son jouet actuel. Je lâche un grondement entre mes crocs serrés sur la corde, mais bien vite je ne pense plus à réfléchir et je lâche ma prise pour bondir à la gorge de l'animal déjà affaibli par tout le début de cet affrontement. Je plonge mes crocs autour de sa jugulaire et je serre de toutes mes forces, balançant les griffes de mes antérieures dans son poitrail pour l'empêcher de me frapper de ses grosses pattes mais aussi pour le blesser davantage alors que je reste suspendu inlassablement à sa gorge.

récap' blessures: