Athos n’avait pas vu ses enfants depuis maintenant environ deux semaines. Ils devaient déjà avoir bien grandi, c’est qu’à cet âge là, on croit qu’ils poussent tous les jours. Athos s’aventura alors du côté des Navnik, comme les fois où il était venu les voir. Il lui semblait que cela faisait une éternité que cela ne s’était pas produit. Les petits rires de sa fille angélique, les pas fougueux de son garçon. Et la belle louve blanche qui gardait un oeil toujours très attentif sur les deux petites boules de poils. Athos marcha sur cette longue plage de sable fin. Les dunes étaient chaudes, le soleil déjà bien haut dans le ciel, c’était une belle fin de matinée, une brise légère réhaussée par la douce chaleur du soleil. Il ferma un instant les yeux et attendit. Si tout se passait comme prévu, Anya devrait se ramener avec les gosses dans à peine quelques minutes.


Enfin, des petits jappements se firent entendre, au grand soulagement du jeune papa. Bientôt, il vit apparaitre une grande louve blanche au loin, précédée par deux petites bestioles qui tentaient de marcher tant bien que mal dans ce sable qui se glissait entre leurs griffes. Athos s’avança vers eux, grand, impérieux, le même air détaché qu’à son habitude. Pourtant, dans ses yeux, et peut-être qu’eux ne pouvaient le voir mais cela ne devait certainement pas échapper à Anya, brillait une lueur intense de fierté et d’amour.

Athos laissa les petits et la belle louve blanche approcher.

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C'était peut-être la dernière fois que je les revoyais. Ce que je m'apprête à faire est une chose terrible. Sacrifier sa vie pour ses idées. Mais j'avais été préparé à ça. Je m'y étais toujours préparé, c'est pour ça que je n'avais jamais voulu d'enfants. Mais quand je vois ce que j'ai sous les yeux, toutes mes craintes s'envolent, j'ai devant moi deux trésors de la vie.





Athos regarda les trois loups arriver. C'est son fils qui se précipita le premier vers lui, à deux doigts de s'écraser, la figure dans le sable, mais tellement heureux de le voir qu'il ne pouvait se retenir. Il s'était jeté sur son père, la tête enfouie dans sa fourrure épaisse d'hiver qui commençait tout juste à se désépaissir. Athos ricana, de son rire franc et roque. Le petit était quelqu'un de volontaire, sentimental et tactile. Cela pouvait être bon, comme lui nuire profondément. Mais l'heure n'était pas aux pensées noires, il en avait eu assez en venant jusqu'ici. Il fallait profiter de ce moment à fond, peut être bien le dernier. Ahanu exprima derechef sa joie de pouvoir enfin être prêt de son père, c'était un garçon bon et sincère, Athos se disait qu'il serait un loup sage et de confiance une fois adulte, il en était certain, son fils avait hérité de ses valeurs, et un jour, il saurait sûrement les suivre.

A son tour, Miuna, leur petite fille bien taquine qui avait tant hérité du tempérament de son père, selon lui, se jeta sur son père, mais pas de la même manière que son frère. Elle montra dès le moment de son arrivée son esprit pragmatique. Peut lui important de se nicher dans la fourrure de son père, elle ne voulait tout simplement pas regarder le monde d'en bas et se retrouvait sur son père, les pattes avant écrasant sa tête et les pattes arrières sur la base de son cou. Un bref instant, Athos eut un flash. Il lui semblait avoir déjà vécu ça. Il ne saurait dire, et puis peu importe. Le passé était le passé.


Anya, quant à elle, resta légèrement en retrait, à regarder la petite marmaille faire son boulot de saccageur tête. Elle semblait heureuse. Il en était content. Lui et elle s'entendaient bien, ils avaient toujours eu de l'attirance l'un envers l'autre, dès le début. Ils s'étaient cherché, agacé, détesté parfois, mais aimé aussi et surtout pendant quelques instants magiques. Il pouvait compter sur elle, il le savait.


Athos calma doucement ses enfants (qu'il était étrange de s'entendre dire ces mots!). Il laissa Miuna sur sa tête, et mis un petit coup de museau discret à Ahanu, avec un petit clin d'oeil de père à fils. Il répondit alors tour à tours à son fils, puis à sa fille.



"Oui, il fallait bien que je vienne voir mes monstres préférés!"

Il secoua légèrement la tête, de sorte que sa fille se sente un peu secouée, un peu comme sur un cheval.


"Oui, tu es très belle, mais tu as encore du boulot pour attendre le niveau de ta mère ! Regarde moi ces petits muscles! Dis moi, est-ce que tu es forte au moins toi?"


Il leva un peu la tête de sorte qu'il puisse voir un peu sa fille, avec un regard de défi.


Puis, il tourna son regard vers la belle louve blanche. Elle n'avait pas changé. Il ne pouvait s'empêcher de la regarder et à la fois de passer au travers, car sans cesse ses pensées le rattrapaient. Peut-être devra-t-elle élever ses enfants seuls finalement. Le coeur du grand loup brun se serra. Non, il reviendrait vivant. Il n'y avait pas d'autre option envisageable.

Après s'être ressaisi, il dit à Anya :


" Et bien, je crois que tu as dû avoir de quoi faire avec ces deux là ! Comment te sens tu? "


Athos se fichait royalement, en général, de savoir comment les gens allaient si elles ne faisaient pas partie de sa meute ou de ses proches. Mais Anya n'était pas n'importe qui, il était réellement soucieux de sa santé. Après tout, la mise-bas ne remontait à pas si loin que cela, et pour avoir été élevé par un guérisseur, il savait parfaitement ce qu'elle pouvait engendrer.

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C’est Anya qui répondit la première à Athos, et qui semblait pour le moins inquiète. Bien qu’Athos ne lui ait pas dit clairement qu’il ferait un coup d’état, il avait partagé ses doutes, ses craintes et ses frustrations avec elle. Anya et Athos se connaissaient bien, au fur et à mesure, ils avaient appris à s’entendre l’un l’autre, à se comprendre, à se deviner. C’était une relation simple entre eux. Une relation de sentiments, d’envies, de vie. Anya le regarda intensément, comme si elle tentait de le sonder, de capter cette étincelle de folie dans les yeux d’Athos. Mais était-ce vraiment de la folie ? Le jeune loup ne le voyait pas comme cela. Certes, il allait défier en personne l’alpha et devant toute la meute quand le moment sera venu. Il avait déjà tout préparé. Il savait qui le soutiendrait, il avait prévu des plans de secours si cela tournait mal, et il avait surtout prévu les conséquences de ses actes. Il voulait changer sa meute, la réformer entièrement, changer tout ce qui n’allait pas et ce qu’il reprochait profondément à Hige et Torka. Il avait prévu déjà les alliances fortes, il avait prévu ce nouveau régime, ce nouveau système, il avait prévu les chasses organisées, il avait prévu les entraînements groupés, il avait prévu le Cercle du Brasier et il espérait du plus profond de son être d’avoir l’opportunité de mettre tout cela en place, de réorganiser sa meute, de lui sortir la tête de l’eau. De la faire Vivre. S’il perdait... Alors tout serait différent, et en réalité, il ne s’imaginait pas autre chose que Sekmet. Cependant, il n’accepterait plus une seule seconde d’être sous la domination de Hige, et à travers lui, sous la domination de Torka.

Athos soutint le regard de celle qui fut pour lui la seule personne existante au monde pendant une nuit. Elle avait peur. Il le sentait. Elle avait peur pour lui, elle savait. Ou du moins, elle soupçonnait, et l’attitude étrangement sereine et ferme d’Athos ne pouvait que la renforcer dans cette certitude. Athos ne tenta pas de lui cacher quoi que ce soit. Elle devait savoir. Savoir que peut être, il ne serait plus en mesure de revenir, peut être qu’il serait six pieds sous terre. Mais si Athos s’en sortait vivant, gagnant ou perdant, cela ne l’empêcherait pas de revenir voir ses enfants. Tant qu’il lui restera un souffle d’espoir, un souffle de vie, il reviendrait vers eux.

Le jeune fils d’Athos sembla percer la tension entre sa mère et son père. Il posa des questions auxquelles Athos n’avait pas vraiment envie de répondre, surtout en ce moment. Avec un petit sourire taquin, pour détourner l’attention du petit sur un autre sujet, il le poussa du museau pour que celui-ci tombe dans le sable. Un petit éclat de rire sortit de la gorge d’Athos, en voyant son petit se précipiter sur sa fourrure pour ne pas couler dans cette mer de sable.

« Et bien alors, il va falloir apprendre à Nager ! Ou en êtes-vous dans votreapprentissage ? Avez-vous trouvé un mentor ? Savez vous ce que vous voulez devenir plus tard ? »

Athos s’était adressé à ses deux enfants. Il imaginait bien Miuna guerrière. Enfin au début, parce qu’elle avait déjà l’air d’avoir un tempérament de meneur. Elle serait bien plus que guerrière. Puis, elle lui avait mit un beau petit coup au crâne pour sa taille !
Quant à Ahanu, il avait l’air plus sage, posé et réfléchi. Athos le voyait bien guérisseur, comme son propre père adoptif qui l’avait recueilli à son arrivé chez les Sekmets. Ou alors espion peut-être.
Et puis de toute façon, ils seraient ce en quoi ils étaient les meilleurs.

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Athos écouta parler chacun de ses enfants sans distinction. C'était important pour lui de les entendre s'exprimer, mais il savait que c'était aussi important pour eux d'avoir un père à l'écoute. Tout le monde a besoin de se sentir écouté, entendu, compris. Les enfants comme les adultes, les membres d'une meute, quels qu'ils soient. C'était pour ça qu'Athos avait toujours préché, et rien ne changerait jamais. La jeune Miuna déclara d'un ton autoritaire ce qu'elle comptait faire. Quant à Ahanu, il parla de manière posée et assurée. Athos leur sourit à tous les deux. Alors qu'Anya lui adressa un regard inquiet.

Athos regarda un peu autour de lui. La dune était déserte, rase et presque sans végétation. A part ses plantes là bas; ces espèces de fougères sèches qui poussaient en petits amas. Très facile à arracher pour un adulte, elle le serait un peu moins pour un enfant. Athos eut alors une idée.


"Dites moi mes champions. J'ai bien compris que vous vouliez devenir des loups exceptionnels. Mais pour ça, il va falloir s'entraîner. On va faire un jeu. Le premier qui va me chercher une de ces grosses touffes de fougères a gagné! "


Athos savait y faire avec les enfants. Il savait que ce jeu leur plairait. Mais là n'était que la moitié du but d'Athos, leur faire plaisir. Il voulait aussi parler quelques minutes seuls à seuls avec Anya. Il fallait faire succinct et rapide, les petits qui étaient partis en trombe aller chercher leur butin seraient de retour d'ici moins de trois minutes. Athos fit comme si de rien n'était, regardait toujours les enfants pour que ces derniers ne devinent pas que quelque chose d'anormal se trame entre leurs parents pendant qu'eux essayent d'arracher les fougères.



En même temps, les yeux toujours fixés sur ses enfants, Athos déclara à Anya, d'une voix calme et posée.


"Je ne viendrai pas la prochaine fois. Il faut que tu trouves une excuse auprès des enfants sans les inquiéter. Lorsque le moment sera venu, dis leur que j'ai dû partir pour une longue chasse en groupe, ou quelque chose comme ça. Je ne pourrais pas venir Anya. Juste la prochaine fois, si tout se passe bien. Il faudra faire attention. Il est probable que très bientôt, être le fils ou la fille d'Athos soit une immense joie... ou une malédiction. "



Il avait la voix plus dure que d'habitude, le souffle plus court. Il n'avait pas l'habitude de tels sentiments. Il n'arrivait pas à concevoir que la semaine prochaine, il serait mort, ou alpha. Car tout le monde sait comment ces choses se finissent. Ou la meute décide que tu es juste, et l'ancien alpha se retire. Ou l'alpha décide de ne pas laisser décider la meute. Alors, l'un des deux doit mourir. Athos n'était pas inconscient. Il savait que plus du tiers de la meute était de la famille même de l'alpha actuel Sekmet, ou de Torka. Il savait donc qu'il avait pour opposant au moins le tiers de la meute, d'autant plus que figuraient parmi ce tiers là les plus féroces et les plus puissants des Sekmets.

Mais il se fichait du titre, il se ficha de la violence et de la menace. Il irait jusqu'au bout. Aujourd'hui, les dés étaient déjà lancés. Bientôt, il serait alpha, exilé, ou mort.

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Athos ne regardais toujours pas Anya,  il essayait de pas alarmer les enfants.  Il continuait à sourire comme si de rien était, la tête haute, fort et droit comme à son habitude. Une image, une apparition qui cachait bien des mystères sous cette carapace de loup fort et Droit. Athos sourit lorsqu'Anya lui adressa à son tour la parole. Elle s'inquiétait pour lui, c'était normal.  Il existait un lien fort entre eux deux qu'Athos n'aurait su décrire et n'avait d'ailleurs pas envie de décrire. Ils étaient comme ça,  inutile de placer un mot sur leur relation.  Il la vivait et c'était ce qui comptait par dessus toute fioriture.

Athos hocha doucement la tête en réponse à Anya.  Il n'eut cependant pas le temps de répondre outre mesure; les enfants étaient déjà de retour. Ahanu arriva en premier, juste devant Miuna  qui était partie un peu plus tard. Elle souleva une chose intéressante pour Athos. Un frère ne devait pas se mesurer à sa soeur et vis-versa. C'est ce qu'avait dit leur mère.  Athos n'était pas d'accord avec ce principe. Mais après tout, il n'avait jamais eu de frère et soeur de sang, à sa connaissance et aussi loin que  remontait sa mémoire,  lorsqu'il a été recueilli par un guérisseur Sekmet à huit mois. 

Il ne contredit cependant pas Miuna; si sa mère avait dit quelque chose, c'est que les enfants devaient respecter ce que leur mère avait décidé, et Athos ne contredirait pas la louve blanche. Après tout, c'était elle qui vivait avec les enfants, et elle qui leur inculquait la base de leur vie et le comportement à adopter. Athos hocha donc simplement la tête aux dires de Miuna. Ahanu quand à lui semblait plutôt frustré. Plus subtil et sensible à son entourage que sa soeur, il avait bien compris que le jeu n'avait d'autre but que de les éloigner pendant quelques minutes. Athos lui fit alors un grand sourire. Il aimait cette vivacité d'esprit, et son fils avait été assez intelligent pour je pas faire de remarque au sujet de l'acte de son père.  Athos donna un petit coup de museau délicat à sa fille, puis dit à ses enfants:


" Bientôt il faudra apprendre à chasser les enfants. Dans quelques semaines je viendrai vous chercher pour votre leçon avec moi."

Athos leur adressa un grand sourire, car il savait ce qu'une chasse avec leur père représentait pour ses enfants. Puis, il lança un regard à Anya :

" Si votre mère est d'accord bien sûr ! "


Athos fit un sourire ravageur à Anya, ceux dont il avait le secret. C'était à la fois pour "convaincre" la belle louve mais aussi pour la rassurer, quoi qu'il arrive il ne changerait pas et resterait fidèle à lui même.  Il reviendrait. Lorsque le moment sera venu et qu'il aura accompli son destin.