Souffle acide du vent, larmes brulantes du ciel. Le monde ne ressemble plus aux paysages d'autrefois. Les cataclysmes ont frappé, des colonnes de flammes et de fumées se sont élevées sur l'horizon. La guerre. La guerre des hommes. Et nous, les loups n'avons eu d'autres choix que de fuir. Nombreux furent nos congénères emportés. Nous traversâmes les plaines cabossées, les forêts de cendres, poursuivis par la faim, traqués par la mort.
Notre salut, nous le devions malheureusement à ceux qui avaient provoqué notre malheur.
Véga se sentait en pleine forme ces derniers temps : elle ne souffrait plus de la faim et du froid, ce qui lui faisait presque oublier les nouveaux dangers qui la menaçaient. En effet, les pluies acides et les Hellhounds étaient assez inquietants, et elle devait profiter de son bon état de santé actuel pour se renforcer pendant qu'il en était encore temps. Si jamais l'un de ces chiens l'attaquait, elle devait pouvoir se défendre. Cela faisait trop longtemps qu'elle n'avait pas fait d'exercice physique. Véga n'avait personne avec qui s'entrainer, certes, mais elle avait appris à le faire seule. Elle était venue dans le marais aux griffes vertes afin de pouvoir se mettre en situation, affronter des adversaires dangereux et s'exercer sur un terrain difficile.
La louve commença donc par se rendre à l'endroit le plus dense en végétation. Ce matin, allait démarrer son entrainement par quelques sauts d'obstacles. Cela lui permettrait de travailler ses muscles, ses vitesse, sa détente ainsi que ses réflexes. Elle verrait ensuite par quel genre d'entrainement continuer. La louve prit donc son élan avant de se mettre à courir à travers les marécages. Elle se mit à sauter au dessus de chaque obstacle qu'elle rencontrait, rondins de bois, buissons, rocher, flaques de boue... Quelque soit la largeur ou la hauteur à franchir, elle prenait soin de soulever ses pattes haut, de sorte à ce qu'elle ne touche pas le moindre obstacle.
Véga courrait dans un endroit qu'elle ne connaissait pas. Elle découvrait donc le parcours au fur et à mesure qu'elle avançait, devant parfois éviter tel ou tel élément de terrain. La boue était glissante, difficilement praticable. Ses pattes s'engluaient à chaque pas et elle devait forcer afin de les en sortir à chaque saut, mais cela ne pouvait qu'être plus profitable. Véga sentait ses muscles s'échauffer. Elle conservait un bon rythme, suivant le parcours sans s'arrêter. Peu à peu, elle commença à accélérer l'allure. Les obstacles s’enchaînaient sans trêve, parfois haut, parfois bas. La louve courut de longues minutes, s’enfonçant toujours plus loin dans les marécages, bondissant, esquivant. Elle finit par se retrouver en plein cœur des marais, la ou le sol meuble avait laissé place à de la boue visqueuse. La louve songea d'abord à la contourner, puis elle pensa que la traversée de ces marécages pouvait être un bon moyen de faire travailler ses muscles. Elle s'y enfonça donc, jusqu'aux coudes. L'odeur était répugnante, tout comme la texture, mais pour s'en dépêtrer, elle devait forcer sur ses pattes afin d'écarter la boue sur son passage. Traverser cette partie du marécage ainsi allait être long et pénible, mais c'était pour ça qu'elle était venue. Pas à pas, Véga se mit donc à se frayer un passage à travers la boue, devant forcer sur chacune de ses pattes afin de pouvoir avancer. A mi-parcours, elle sentit ses membres courbaturés perdre en énergie. La louve prit son mal en patience, continuant d'avancer, lentement, jusqu'à ce que la boue devienne de moins en moins profonde. Ses pattes encrassées finirent par en sortir peu à peu, lorsqu'elle arriva sur le sol meuble qui bordait le marécage. Véga soupira, épuisée, avant de s'allonger sur le sol. Tant pis pour ses pattes couvertes de boue, il fallait qu'elle prenne un peu de repos avant cette après-midi...
Pour la seconde partie de son entrainement, Véga se rendit jusqu'à l'endroit le moins boueux des marécages. La zone comportait plusieurs bassins d'eau brunâtres assez larges mais peu profond ou elle pourrait nager sans s’embourber. Cela lui permettrait de détendre ses muscles tout en nettoyant ses pattes de toute la boue qui les empoissaient. Elle entra dans l'eau avec prudence, s'assurant qu'aucun autre animal ne se trouvait dans les parages avant de se mettre à avancer. Lorsque ses pattes quittèrent le sol, la louve commença à nager avec de grands mouvements. L'eau était tiède et calme.
Après plusieurs minutes d'exercice, elle se mit à accélérer l'allure, se rendant au centre du marécage afin d'en faire plusieurs fois le tour. Véga sentait les muscles de ses pattes travailler en douceur, jusqu'à ce qu'une légère douleur vienne la gêner dans son exercice. La louve fit encore quelques mouvements avant de sortir de l'eau, s'ébrouant vivement. Elle s'assit, observant les alentours. C'était déjà une bonne chose de faite. Demain, elle s’attellerait à d'autres exercices plus complexes.
La louve poursuivit son entrainement comme prévu. Cette fois, elle comptait s'attaquer à un adversaire redoutable. Les caïmans qui vivaient dans ce marais étaient des créatures très dangereuses, même pour un loup adulte. Ils n'étaient pas de grande taille, mais leurs mâchoires redoutables étaient d'une telle puissance qu'il était impossible de s'en tirer dès lors qu'elles vous saisissaient. Véga ne comptait pas en terrasser un dans l’immédiat. Elle espérait surtout travailler son esquive avec un véritable adversaire, armé comme elle de crocs et de griffes.
Elle se rendit donc au cœur des marécages et se mit à la recherche d'un caïman auquel s'attaquer. Bien évidemment, elle comptait faire ce combat sur la terre ferme, la ou elle aurait l'avantage, et non dans l'eau. Véga repéra rapidement l'un des reptiles, le cou allongé en direction du ciel, allongé sur un rocher. Il était de taille moyenne, mais ne semblait pas être juvénile. Elle se rapprocha rapidement, donnant un coup de patte sur sa queue afin de le faire bouger vers elle. Se retournant d'un coup sec, le caïman ouvrit ses mâchoires dans sa direction. Véga s'apprêta à esquiver, les pattes à peine appuyées sur le sol. Soudain, le reptile se dirigea vers elle. La louve bondit sur le coté, esquiva ses mâchoires, recula. Les dents l’effleurèrent à nouveau, et elle répéta le processus une seconde fois. Les yeux vitreux du prédateur la fixèrent un instant, puis il retourna à la charge avec une rapidité insoupçonnée. Véga fit un écart sur la droite. Elle se retrouvait désormais près d'un énorme rocher qui l’empêchait de s’esquiver d'avantage. Pensant la coincer, le reptile se rapprocha, ses mâchoires grandes ouvertes. Sans autre issue, la louve prit son élan, puis bondit vivement au dessus de lui. Elle atterrit à quelques centimètres de la queue du caïman et y donna un puissant coup de crocs avant de reculer, évitant une nouvelle fois les mâchoires de son adversaire.
Il était d'une rapidité surprenante... Une seule erreur de sa part, et elle ne pourrait probablement pas s'en sortir. L'exercice était risqué, mais Véga était sûre de progresser, ainsi. Elle continua donc de tourner autour du caïman, tâchant de lui donner quelques rapides coups de crocs sans se faire prendre entre les puissantes mâchoires. Petit à petit, son adversaire commença à s'énerver. Il devint de plus en plus frontal, la forçant à reculer ou à se déplacer sur les cotés. Véga sentait ses muscles s'échauffer. Elle bondissait de gauche à droite, d'avant en arrière sans s'arrêter. Les mouvements s’enchainent si vite qu'elle parvenait tout juste à suivre la cadence. Soudain, le caïman fit un geste auquel elle ne s'attendait pas. Il s'approcha, faisant mine de l'attaquer, mais se stoppa au dernier moment, visant finalement son épaule. La louve vit les mâchoires du reptile se rapprocher dangereusement d'elle, manquer de la toucher.
Elle sauta en arrière sans réfléchir, se retrouvant engluée dans la boue du marécage. Le reptile comprit. Il s'empressa d'avancer jusqu'à elle, tendit que la louve forçait sur ses pattes afin de se sortir du piège. Elle parvint à s'extraire d’extrême justesse, le corps à moitié plongé dans l'eau brunatre du marais. Désormais, le caïman était dans son élément. Véga ne chercha pas à lui tenir tête et remonta sur la berge sans plus attendre. Elle avait touché la mort de près aujourd'hui, mais cela lui avait été profitable. Demain, elle ferait un entrainement moins dangereuse, mais qui ne lui demanderait pas moins d'efforts...
Le lendemain, Véga se mit à la recherche d'un rocher. L'idée lui était venue avant de s'endormir, la veille. Pourquoi ne pas pousser un rocher à travers les marécage pour renforcer sa masse musculaire ? En plus d'être sans danger, cet entrainement lui permettrait de travailler aussi bien son endurance que sa force brute. Elle commença donc par chercher un rocher de taille moyenne, assez rond pour pouvoir rouler sans être trop lourd. Il fallait qu'elle puisse le pousser suffisamment afin de le faire avancer devant elle. Véga en trouva un près d'un grand arbre, recouvert de mousse, mais de taille idéale. Elle appuya sa patte dessus, jaugeant son poids, avant de se mettre à la pousser de son front. Forçant sur ses muscles, la louve sentit le rocher se déplacer sur le sol.
Elle se mit à l'entrainer avec elle, poussant de toutes ses forces afin de le déplacer. Le rocher commençait à peser lourd, d'autant plus qu'elle arrivait dans une zone boueuse. Véga du redoubler d'efforts afin de faire avancer son fardeau. Elle le déplaçait lentement, un pas après l'autre. La boue qui le recouvrait l'avait rendu encore plus lourd. Véga sentait ses membres se courbaturer. Elle poussait sur ses pattes arrières le plus fort possible, puis sur ses pattes avant, donnant toute sa puissance sur ce rocher. Elle finit par sortir de la zone boueuse après plusieurs dizaines de minutes et d'efforts. Une toute autre sorte d'obstacle se dressa alors devant elle : des morceaux de bois jonchaient le sol. Lorsqu'ils n'étaient pas trop gros, Véga forçait sur le rocher afin de le faire rouler au dessus. Quand c'était impossible, elle contournait l'obstacle en passant par la gauche ou par le droite. Vers la fin de la route, la ou les branchages commençaient à se faire rares, la louve ne sentait presque plus ses membres. Le sol devenait pentu. Elle dut donc se placer de l'autre coté de la pierre afin de l’empêcher de dévaler la pente. Avançant à reculons, Véga retint donc son fardeau durant toute la descente, devant prendre garde à ne pas perdre l'équilibre tout en avançant. Le rocher la poussait toujours plus fort. Elle finit par voir le bout de la décente, la ou elle s'arrêta pour souffler. L'exercice l'avait épuisée.