Souffle acide du vent, larmes brulantes du ciel. Le monde ne ressemble plus aux paysages d'autrefois. Les cataclysmes ont frappé, des colonnes de flammes et de fumées se sont élevées sur l'horizon. La guerre. La guerre des hommes. Et nous, les loups n'avons eu d'autres choix que de fuir. Nombreux furent nos congénères emportés. Nous traversâmes les plaines cabossées, les forêts de cendres, poursuivis par la faim, traqués par la mort.
Notre salut, nous le devions malheureusement à ceux qui avaient provoqué notre malheur.
Nomade longeait un roché. Fissuré. Abimé. Rugueux. Grand. Il avait résisté aux aléas de la vie. Aux temps. Il était postait là. Surement vieux. Anciens. S’élèvent en ces lieux depuis longtemps. Le roux le scrutait avec ce regard constant. Ce regard absent éternel. Insensible penseur. Ce titre se présentait presque comme une belle oxymores. Il s’était échappait en un murmur de la bouche de Nomade. Ses mots résonnaient comme des bourdonnements, des échos qui se répétaient sans cesse. Il savait que ses comportements étaient jugés comme étranges. Inhabituel. Il savait comment il était perçu. Il savait qui il était. Ou du moins, presque. Mais il ne s’y intéressé pas plus que ça. Les choses étaient comme elles sont. Conclusion facile? Pessimiste? Ou hâtive? Non. Plutôt réaliste. Elles étaient comme elles sont. Ou peut être pas. Peut être qu’elles n’étaient pas. Mais cela nous amènerait à aborder des axes existentialistes et pour une fois, Nomade voulait éviter de penser à ce sujet.
Ses pattes le portaient automatiquement. Il marchait sans s’arrêter. Il n’avait pas dormi. Il n’était pas fatigué. Il était juste guidé par son corp, comme un mécanisme. Les yeux grands ouverts. Sans aucune traces de fatigues. Le jeune loup ne cillait pas. D’une allure rapide, il progressait, se dirigeant vers une direction aléatoire. Il arrivait vite en face de la Cabane du Chasseur. Caché derrière de hautes herbes, il scrutais la tanière en bois du bipède. Il savait qu’elle était vide la plupart du temps, mais son instinct lui dictait d’être prudent. Elle était instable et semblait abandonnée. Nomade la fixait objectivement, il pouvait entendre des grincements s’échappaient sous des coups de vents. Comme des gémissements. De douleurs. Oui. Cette cabane sentait la douleur et la souffrance à pleins nez. Mais Nomade ne le remarquait pas. Il ne savait pas ressentir ces sortes de vibrations, ces émotions.
Il voulait s’approcher. Découvrir. Apprendre. Cette tanière seul représentait pour lui qu’une source d’enrichissement de connaissance sur ce monde. Sur la vie. Et peut être même l’existence. Toujours avec son regard vide, il allait émerger des herbes desséchées. Lorsque soudainement, il perçut une odeur d’un loup. Un loup de meute. Esobek. L’odeur devenait de plus en plus forte. Il était proche..
Aujourd’hui était un jour comme les autres, un jour sans grand soleil, avec beaucoup de vent et d’air âcre qui brûlait les narines. Je n’aimais pas quand le vent soufflait. Je n’aimais pas le vent. A quoi ça pouvait bien servir ce truc ? Ah, c’était sûr que pour ébourifer les poils, te porter des odeurs nauséabondes ou trahir ta présence, le vent était là, par contre quand il s’agissait de nous aider, là c’était autre chose ! Le vent n’était jamais comme je voulais. Quand je chassais, j’essayais tant bien que mal de me positionner par rapport à ce fichu vent. Mais rien à faire, il ne cessait de changer de direction, d’aller vers le nord, ou encore vers le sud, alors que j’étais dans la direction opposée. Alors évidemment, les proies me passaient sous le nez. Déjà que je n’avais aucun don de chasse, alors là, c’était la goutte d’eau qui faisait déborder l’océan.
Agacé, la fourrure un peu en pétard, je marchais vers... en fait, je ne savais même pas vers où. Je m’étais levé de la mauvaise patte, c’était comme ça, j’étais de mauvais humeur et quand j’étais énervé, je faisais n’importe quoi. Rien de constructif, moi qui devrait apprendre à bien chasser ou encore à devenir guérisseur ! Et puis Scroa qui ne cessait de jacasser au dessus de ma tête ! Je l’entendais bien, moi, ces petits piaillements qui me disaient « rooooh arrête de faire ta mauvaise tête ». Ah oui ? Il voulait que je fasse une bonne tête après ce qui s’était passé avec les maudits chiens, après avoir cherché en vain des plantes médicinales, après avoir raté mes chasses !
Décidément, ce n’était pas en un très bon état que je me trouvais lorsque je sentis une odeur. Incapable de l’identifier ou même de dire à quelle meute le loup qui approchait appartenait, je commençais à me dissimuler sous les rondins de bois qui étaient en bordure de la cabane. Si j’avais bien appris une chose, c’est que les loups inconnus n’étaient pas toujours de bon augure... Finalement, je vis des petites pattes avancer. La louvette n’était pas bien âgée, elle était même sûrement un peu plus jeune que moi. Elle n’avait pas l’air bien menaçante, et je n’avais pas envie de sortir de ma cachette, au cas où un loup plus grand que je n’avais pas vu l’accompagnerai... Allait-elle me trouver ?