C’était le matin. Frais. Nomade était assis en ce lieu, prénommé ‘Le Styx’. Son corp somnolait, mais ses pensées se retournaient et s’entrechoquaient déjà à toutes allures. Incontrôlables. Elles semblaient s’écraser comme des vagues dans son esprit. Elles paraitraient incohérentes si elles étaient dites à voix hautes. Mais tout à fait cohérente à l’abris des regards. Dans son monde. À l’intérieur de son subconscient. Ils les assemblaient comme des pièces. Le regard vide. Le jeune loup semblait immobile. Inerte. Mais ses oreilles, comme toujours, trahissaient ses activités cérébrales. Elles se balançaient et pivotaient par à-coups de gauche à droite. Le soleil venait de se lever. Il allait une fois de plus incarner l’image du temps. Nous révéler à quelle heure nous nous situons. Tel un repère. Effectuant de jour en jour le même trajet dans ce ciel capricieux. A l’oeil nu, rien ne semble changer. Tous les jours sembles êtres les mêmes journées à quelques activités près. Mais nous évoluons. Vers le bien ou vers le mal, personne ne sait. Les avis sont mitigés. Chaque personne semble avoir la nécessité de séparer en deux catégories ce qui est bien de ce qui est mal. A la quête d’une vie manichéenne.

Ce ne sont pas les principales préoccupations du jeune loup. Il ne détient pas de réel morale. Beaucoup le jugerons insensible, impassible. C’est ce qu’il pense de lui aussi. Il ne ressent pas de réelles sentiments. Il ne sait pas si il en ressent. Il n’a jamais su les distinguer. N’a jamais côtoyé du monde. Ça ne l’intéresse pas. Il pense. Il pense sans arrêts. Il observe, écoute, analyse, assembles d’innombrables informations. Ils se questionnes. Chaque secondes, chaque minutes, chaque heure. Son instinct le détourne parfois de ses pensées. Sa rationalité aussi. Mais il parait toujours absent. Neutre. Vide. Il plonge beaucoup de loup dans une certaine incomfortabilité quand il doit tenir une discussion. Il est considéré comme étrange par beaucoup. Voilà son passe temps de louveteau. Il ne joue pas. Il ne veut pas. Ou plutôt il ne sait pas jouer. Il n’éprouve pas de plaisir à le faire. Il apprendra peut être un jour, il n’en sait rien.

Posté au milieu de se paysage ravagé. Nomade prit un temps pour essayer de faire terre toutes ces pensées qui formaient un bruit. Des sifflements. Des échos. Un vacarme assourdissant au fond de lui. Elles raisonnaient, se percutaient, hurlaient. Il les écarta un moment et scruta les images autour de lui. Il n’y avait absolument aucune trace de vie. Une brume épaisse. Blanche. Déconcertante planée à la surface de cette terre desséchée. Desséchée comme une fleur fanée. Morte. La terre était presque noir. Comme des cendres, jonchant le sol. Les environs entiers étaient tel une épaisse cicatrice, causée par la main humaine, comme toujours.

Il laissa échapper un long soupir qui forma un épais panache blanc. Éphémère. Cette forme immatériel dansait devant son nez. Se tordait. Existait. Était visible durant un lapse de temps. Puis s’évaporait. Disparaissait. S’éparpillait en de fines particules invisibles à l’oeil nu. Il perçut soudainement l’effluve d’un parfum qu’il reconnu rapidement. Plume Rousse, de la meute Esobek. Elle venait surement le voir. Il se concentra pour ne pas s’égarer à nouveau dans les abysses profonds de son esprit et se tourna vers la louve. Il se voulait amicale. Mais il ne savait pas faire. Il n’avait jamais compris la nécessité de créer des liens avec les autres loups et avait toujours préféré la solitude. Lorsqu’il était contraint d’avoir une discussion, il se forçait à porter comme un masque, il arborait un autre visage et tentait de communiquer comme un loup normal avec ces individus. Il apprenait petit à petit. Apprenait à être un bon acteur. Jouer son rôle à la perfection. Mais pour maitriser cet art, comme tout bon acteur, il devait arrêter de le jouer, mais il devait apprendre à vivre ce rôle. À ressentir les émotions. Il ne savait pas s’il en avait envie. Perplex, il réalisa qu’il s’était encore perdu dans son monde intérieur. Il se surprenait lui même, à penser comme un vieux sage. Si les personnes extérieurs entendaient ses courants de pensées, elles déguerpiraient bien vites..

« Bonjour toi. »

Il savait pertinemment qu’elle allait lui parler, mais il ne put s’empêcher de retenir soudainement sa respiration, surpris par ce silence qui avait était brisé tout à coup. Elle avait posé un lièvre devant lui et le parcourait de ses yeux bleus, profonds et captivant. Elle semblait intriguée, curieuse, agitée. Mais patiente, elle s’assit enroulant sa queue autour de ses pattes fines. Elle avait un pelage roux très pâles. D’apparence particulière, la louve portait certaines cicatrices évoquant des histoires. Un parcours. Contrairement à beaucoup, Nomade admirait les cicatrices. Pour lui, chacune portait des images et il les voyait comme des lignes porteuses du temps, parties de l’individu, signature d’un événement passé. Il sursauta lorsqu’il réalisa qu’il avait laissé s’écouler un lourd silence. Il savait pertinemment que ces absences de sonorités et de mots mettaient étonnamment les individus dans une situation de malaise ou de gêne. Il inspira et tenta de répondre comme un loup normal:

« Bonjour.. Comment vas-tu? Ça faisait longtemps. »

Il ne savait pas réellement si c’était la bonne intonation. Il sentait qu’il affichait toujours cet air neutre, impassible, placide. Il ignorait comment jouer des émotions qui lui étaient pourtant si étrangères. Il laissa échapper un soupir intérieur. Se contenta de réfléchir. Calculant comme à son habitude les paroles et les réponses…

La louve dressait ses oreilles en direction du jeune roux.


Nomade l’observait toujours. Silencieux. Ses gestes, son regards. Tentant de déchiffrer des émotions. Des émotions qui lui étaient pourtant inconnu. Elle poussait le lièvre qu’elle avait posé du bout de son museau vers lui. Elle lui offrait. Nomade alternait son regard entre elle et le lièvre. Perplexe. De la bienveillance? Ou de la pitié? Il ne saurait le dire. Il ne pouvait jamais déclarer qu’il avait la certitude de certaine émotions. Ça pouvait être un avantage comme un inconvénient. Cela l’évitait d’être susceptible et compulsif à l’égard d’outre individu quand une action était mal interprétée. Mais cela l’empêchait aussi d’avoir une réaction approprié. Considérée comme polis. Normal. Avec de l’éducation. Il ne saurait dire si son insensibilité était un avantage ou un désavantage.. Enfilant son masque d’acteur piteusement inexpérimenté dans l’art de la matière, il hocha la tête et tenta de former un sourire en tordant ses babines. Les sourires, il savaient les faire. Cette action ne requérait aucune parole. Aucun sons. Mais ses yeux impassibles, neutres, vides, le trahissaient parfois.

« Je te remercie pour le lièvre. Je vais bien. Je vagabonde comme toujours. Mais je n’ai rien de particulier à te raconter. Les jours se ressemblent tous, je n’ai pas croisé d’ennemis, les proies refont surfaces en cette fin de saison des neiges, donc je pense que je n’ai pas à me plaindre. »

Il ajoute un sourire à la fin de ses dires. C’était comme ça que les personnes étaient acceptées. Amicales. Accueillantes. Bienveillantes. Qui ne se plaignent pas. Mais il n’avait pas menti, il n’avait vraiment pas à se plaindre. Il ne manquait de rien, et il n’avait rien de particulier à lui raconter. Les journées se ressemblaient toutes. La routine s’installe dans le destin immuable de chaque individus. Chacun effectue sa tache. Un déroulement d’actions. Le temps éphémère s’écoule. Les êtres vivant vieillesse. Puis ils meurent. Oui, c’était l’irréversibilité du temps, de la vie. Mais meurent-ils vraiment et ont-ils vraiment existé? Ça c’était une autre question. Nomade voulait lui posait des questions à sa tutrice. Apprendre. En connaitre plus. Découvrir. Comme par exemple ces émotions si insondable pour le jeune roux. L’amitié, la peine, la tristesse, la peur, l’amour, la pitié, la joie, la haine, la frustration, le désir.. Toutes ces choses si étrangères aux louveteaux. Qu’ils ne voyaient que comme des mots. Des mots qui provoquaient ensuite des déroulements et enchainements d’action.

Oui. Il voulait encore et toujours poursuivre sa quête obsessionnel du savoir. Son passe temps. Perçu par beaucoup comme sa seul et unique raison d’être et de vivre. Peut être même perçu comme un but pathétique? Ou égoïste? Prétentieux? Nomade n’en avait aucune idée. Mais il savait que son but était d’atteindre une sorte de connaissance absolue. Fondée. Vraie. Il hésitait à lui posait ces sortes de questions. Allaient-ils dépasser le seuil de normalité en posant ces questions? Il n’en avait aucune idée. Mais il réalisa qu’au point où il en était, il était considéré comme étrange dans tous les cas.


Il réalisa que ce n’était pas très clair, il fallait qu’il y rajoute un exemple. Les individus faisaient ça pour appuyer leurs questions dans la plupart des cas.

« Par exemple, toi, tu as un compagnon? Et vous êtes souvent proches. Vous vous échangez des attentions physiques et morales, qu’est-ce que c’est exactement et pourquoi..? »