Daria scrutait la foule de loups devant elle. C'était avec lassitude qu'elle promenait son regard sur les membres de la meute. Tous semblaient exténués, perdus et affamés. Les pluies leur avaient tout pris, y compris l'espoir. Le bras-droit en voulait à sa meute de se montrer si faible. Les Sekmet pourraient les attaquer sur le champ, ils gagneraient à coup sûr sans même avoir levé une patte. Pourtant, Daria aussi était fatigué. Son regard d'accoutumé si vif et calculateur était désormais éteint et sombre. Un vent chaud filtrait à travers son pelage épais. Son poil qui était blanc était maintenant tacheté de noir à cause de la suie et des brûlures.

A ses côtés, il y avait les héritiers. Comme à son habitude, Emarock était terré derrière sa soeur, et Daria ne put s'empêcher d'éprouver à nouveau du mépris pour le jeune loup. Karnac ne laissait rien paraître, et Daria fut assez impressionnée par cette performance. Les trois enfants de Torak ne semblaient guère décidés à s'exprimer en public.

Une petite voix se fit entendre, celle de Yan'Ka.
- Quand rentrons-nous ?

Personne ne répondit. Daria prit la parole, et sa voie se révéla rauque comme la pierre.

- Mes frères, mes soeurs. Nous sommes réunis en ce jour sombre devant ce qui sera pour une durée indéterminée notre chez-nous. Nous avons tout laissé derrière-nous, certes. Mais ce qui ce trouve devant nous n'est qu'une épreuve de plus que le Destin nous force à traverser. La meute Esobek n'est pas vaincue, loin de là. Nous avons toujours fait preuve d'un grand courage, et aujourd'hui, il nous est demandé de puiser au fond de nos coeurs pour retrouver cette bravoure qui fait battre le coeur de la meute. Le Destin a-t-il jamais eu raison de nous ? Allons-nous laisser le Soleil être le plus fort ? Non, car nous sommes des Esobeks, et parce que même les hommes n'ont jamais réussi à défaire nos rangs. Nous ne laisserons pas le Ciel gagner, finit-elle d'un ton convainquant.

Le silence. Avait-elle bien parlé ?

- Et pour répondre à la question de Yan'Ka, je propose de nous installer dès maintenant afin de prendre possession des lieux.

Azazel était arrivé en plein milieu des premiers discours dans la cave. Il était en retard, il avait prêté main forte aux sentinelles qui gardaient un œil sur les environs, tandis que les plus grands décidaient de leur sors. C’était nouveau pour lui, de s’en remettre à des alphas et autres bras droit. D’ordinaire, il aurait choisi son chemin lui-même, peu importe s’il en mourrait. Mais aujourd’hui, il réfléchissait différemment. En ces temps, il fallait survivre et non se contenter de vivre. C’est pourquoi, lorsqu’il fut décidé de transférer la meute ailleurs, Azazel acquiesça. C’était une bonne idée, rester ici n’apporterait rien de bon. Et puis, le noir aimait bien les changements. Il se lassait plutôt vite.

Ainsi, il suivi la meute. En tête, à l’aide des autres guerriers, il sécurisa la zone. Les Sekmeks devaient être eux aussi à la recherche d’un nouvel abri avec cette pluie de feu. Il ne faudrait pas les rencontrer à l’instant. C’est pourquoi il scrutait l’horizon sans cesse, à l’affut du moindre loup étranger à la meute. Fort heureusement, aucuns loups ne rodaient. Avec la pluie qui s’abattait sur les autres terres, Azazel trouvait ça suspect qu’aucun solitaire ne soit venu s’exiler par ici.  

La meute entra dans la vielle église. Les murs étaient fissurés, mais cet endroit semblait sur. Epaisse et froide, elle le protègerait des flammes. Azazel se posa dans un coin, examinant la scène silencieusement. Les louveteaux courraient partout, à la fois amusés et apeuré par ce déménagement. Les mères cherchaient leur petit, les amoureux leur moitié, etc etc. Enfin, deux louves prirent la parole afin de remotiver les troupes. Azazel écouta sans grande attention, préoccuper par ce qu’il venait de voir. Il sorti par là où la meute était entré, laissant les paroles des deux louves flotter dans l’air comme des consignes qu’un enfant refusait d’écouter. Un groupe de deux ou trois solitaires courraient au loin. Azazel ne sut s’ils partaient d’ici et fuyaient quelques choses ou bien si au contraire, ils se dépêchaient de s’y installer. Les loups disparurent de son champ de vision, et le noir huma l’air en grognant. Ils étaient loin maintenant, mais il valait mieux faire attention. Il rentra à nouveau dans l’église, juste attend pour entendre Yroen dire : Pendant ce temps, les guerriers et sentinelles  sécuriseront les environs. Repérez les lieux, recherchez la présence éventuels d’humains, de solitaires, essayez également de trouver un point d’eau potable et tout ce qui pourrait nous être nécessaire pour assurer notre survie. Il approuva, et attendit qu’elle finisse de parler pour prendre la parole.

« Je viens de repérer plusieurs loups. Il me semble que ce sont des solitaires, je ne sais pas s’il s fuyaient ou non. Je vais garder un œil dessus. »

Sa voix grave s’éleva  et raisonna presque contre les parois rocheuses. Après avoir appuyé son annonce d’un regard déterminé, il chercha les autres guerriers. Dans la cohue, il n’en rencontra aucun. Il se détourna alors pour se poster près de l’entrée,  immobile. Si ces solitaires s’installaient, ils repasseraient. Et alors… Azazel se permettrait de les faire rebrousser chemin, quoi qu’il arrive.

Je ne m'étais encore pas posée la question de où et quand nous allions déménagés. Quitter mon foyer était encore plus difficile que je ne le pensais et pourtant, c'était un endroit devenue instable et dangereux pour le reste de la meute tout comme pour moi. Le lieu fut vite choisi et pour notre sécurité à tous, le déplacement se fit rapidement. J'avais la charge des petits de la meute, comme par habitude et cela ne me dérangeait pas normalement. Sauf qu'allez garder des petits pendant un long voyage était plus pénible que de les garder dans une grotte. Heureusement que nous n'étions pas si nombreux que cela. Constamment sur mes gardes, je ne laissais pas à un seul le moyen de s'échapper et une fois arrivée, j'avais seulement une envie de me reposer ne serait-ce que deux minutes pour récupérer.

Mais cela ne dépendait pas de moi. Alors que je m'allongeais doucement sur le sol, d'autres s'affairaient à aménager leur "chez eux" temporaire, d'autres parlaient entre eux. Moi, je me demandais seulement ce que nous allions faire ici, pendant combien de temps nous allions rester et surtout, si nous étions seuls. La deuxième question était bien sûr une réponse imminente à avoir. Alors la voix de Yroen porta par dessus les autres et je l'écoutais attentivement. Je n'étais pas sûre que ce soit une bonne idée de trouver les Sekmet. Après tout, cela serait regrettable qu'une guerre se déclenche en plus de ces pluies et puis.. Il y avait Len. Je ne voulais pas qu'on lui fasse du mal. Je soupirais doucement, fermant les yeux un instant, écoutant les réponses de certains à la fouille. Je me décidais après quelques minutes à me lever, moi aussi, et me diriger vers la sortie des bâtiments.

J'humais l'air et regardais au loin. Le soleil rougeâtre annonçait une longue et pénible période à traverser. Mais nous y arriverons, ensemble.

J'arrivais, essoufflée, au moment où Daria faisait son discours. Même si le bras-droit de notre meute avait des airs hautains et froids, il n'en résultait pas moins qu'elle restait fidèle à ses principes et surtout, fidèle à sa Meute.

Son discours sembla avoir un impact plutôt bénéfique sur les membres Esobek. Cependant, je captais certains regards mauvais à l'égard de Daria. Il est vrai que certains n'avaient pas confiance en la grande louve blanche, cependant, même si moi-même je doutais de mon ressenti à son égard, je savais que Daria ferait tout pour que la Meute Esobek survive à ces évènements.

Je rejoignis Yroen qui venait tout juste de donner les ordres aux adultes de la Meute. Manque de chance pour certains, je me considérais comme adulte, dès à présent.
Je m'inclinais légèrement devant mon mentor et lui dit, d'une voix déterminée:

« Laisse-moi accompagner les guerriers et les sentinelles s'il te plaît ! Je pourrai aider à repousser les éventuels envahisseurs ! »

Je lui lançai un regard mi-suppliant, mi-impatient. Il fallait que je me change les idées, sinon j'allai finir par devenir folle. Et puis, une aide de plus ne serait surement pas de refus, en ces temps sombres.

J'avais hâte de prouver ma valeur à la Meute. Ca, j'évitais de le dire, on m'aurait peut-être pris pour une prétentieuse trop hâtée. Il n'en restait pas moins que le besoin d'exploration me tenaillait, et j'avais bien l'intention de l'assouvir.

Daria se tenait à l'intérieur de leur nouveau refuge, songeuse. Tant de choses était à prévoir, à planifier. Le bras-droit se tenait aux côtés d'Yroen, écoutant avec attention les planifications de cette dernière. Elle se comportait déjà comme une meneuse digne de ce nom.

« Laisse-moi accompagner les guerriers et les sentinelles s'il te plaît ! Je pourrai aider à repousser les éventuels envahisseurs ! » s'exclama la petite Wakanda.

Daria réprima un grognement amusé. Il fallait avoué que cette petite était animée d'une détermination sans faille. Daria la couva d'un regard bienveillant. C'était ce genre de petits qui deviendraient la fierté de la meute. Ils représentaient l'avenir.
En tournant son regard vers Yroen, la louve perçut la même admiration. Rien de plus normal.

« Yroen, commença-t-elle en abaissant vivement la tête en signe de respect. Avec ton accord, j'emmènerai avec moi la jeune Wakanda pour un repérage de notre nouveau territoire »

Daria plongea son regard dans celui de l'héritière, attendant sa réponse.