Souffle acide du vent, larmes brulantes du ciel. Le monde ne ressemble plus aux paysages d'autrefois. Les cataclysmes ont frappé, des colonnes de flammes et de fumées se sont élevées sur l'horizon. La guerre. La guerre des hommes. Et nous, les loups n'avons eu d'autres choix que de fuir. Nombreux furent nos congénères emportés. Nous traversâmes les plaines cabossées, les forêts de cendres, poursuivis par la faim, traqués par la mort.
Notre salut, nous le devions malheureusement à ceux qui avaient provoqué notre malheur.
Malgré tout les efforts mis dans mes recherches, ces dernières se sont révélées infructueuses et je n'ai pas pu mettre le grappin sur mon mentor. N'est pas ironique ? D'habitude, ce sont les mentors qui doivent trainer leurs apprentis jusqu'au terrain d'entrainement. Enfin, bref j'imagine que l'on n'est jamais mieux servi que par soi même comme le dit le dicton. Et, je n'ai besoin de personne pour progresser. Me relevant lentement, je prends le temps de m'étirer pour délier mes muscles avant de quitter l'étage supérieur de la chapelle, celui duquel je me suis posté tout l'hiver, jour après jour dans l'espoir de voir nos disparus dont mon oncle Daante revenir. Plus récemment, je me suis posté ici en espérant le retour d'une toute autre personne. Une personne qu'il est pourtant bien vain d'attendre car elle a fait son choix et n'a pas pris la peine de me l'évoquer. Je me demande d'ailleurs pourquoi j'attends, pourquoi j'espère. Pourtant, je continue comme si ce poison me faisait bien plus de bien que de mal. Une fois en dehors de la chapelle, je m'approche des ruines bordant l'édifice et me mets à trotter en arc de cercle autour d'un pan en ruine d'un mur adjacent. Mes pattes martèlent le sol poussiéreux des environs des ruines de la chapelle dans un mouvement régulier tandis que je trotte en prenant mon temps sans me soucier du rythme dans l'optique de préparer mon organisme à l'effort qui s'annonce. Finalement après une dizaine de tours de piste, j'augmente la cadence et me mets à galoper en suivant le même schéma. Je ne donne pas tout dans la course car ce n'est pas une course de vitesse mais d'endurance. Je romps l'arc de cercle au bout de quelques minutes de course et bondis par dessus l'obstacle de pierre avant de faire demi tour et de répéter la manœuvre le long de la barrière. J'enchaine les bonds les uns après les autres et savoure la maigre sensation de vol procurée par le bond. Je bute finalement sur une planche de bois ou disons plutôt une planchette que je saisis entre mes crocs avant de bondir sur le muret. L'exercice change donc de forme et se fait plus périlleux car la hauteur du muret sans pour autant être excessive n'est pas non plus négligeable. Je me focalise sur le mince filet de pierre à mes pattes, la route vers la réussite de l'entrainement. M'assurant d'avoir une position stable et parfaitement équilibrée, je prends quelques minutes avant de poser une patte devant l'autre. J'avance lentement mais surement pas après pas sur la maigre portion de pierre. Un filet de vent se lève et vient compliquer ma tache alors je me fige net sur place et me focalise uniquement sur le fait de garder l'équilibre avant de repartir quelques minutes plus tard. Mes pas se font plus mesurés et maitrisés au fur et à mesure et c'est finalement débarrassé de la peur de la chute que j'atteins l'autre coté. Un bond agile me suffit à retrouver la terre ferme. Je laisse tomber la planche et reprends mon souffle avant de m'assoir pour savourer l'effort utile que je viens d'accomplir.
Une fois de nouveau prêt pour un nouvel exercice, je me relève et détaille les environs afin de tenter de découvrir quelque chose pouvant m'indiquer la prochaine direction à donner à mon entrainement. Mes yeux vairons se posèrent finalement sur la carcasse massive d'un cerf. Il ne restait plus que quelques lambeaux de chair. Le moins que l'on puisse dire c'est que lorsque la meute a la dalle, elle ne fait pas semblant. Je me dirige vers la carcasse de viande et plonge mes crocs dans les derniers restes de viande et entreprends de la tirer le plus loin et le plus longtemps possible. Même allégée de la viande, la masse osseuse du cervidé représente un défi de taille pour un louveteau de neuf mois. Je mets quelques minutes avant de pouvoir commencer à trainer la carcasse. Je tire le plus fort possible en utilisant toute la pression de ma mâchoire. Ce qui me demande un certain nombre d'efforts. Je tire la masse osseuse à ma suite sans me presser. Je ne vois pas comment je pourrais ne serait ce que trotter. Mes pas sont lents et ma cadence ralentie mais je continue d'avancer tant bien que mal. Un pas après l'autre, sans jamais m'arrêter. Je traine mon poids comme un boulet sur une dizaine de mètres. Tout mes muscles sont tendus par l'effort. Je poursuis ma route sans souffler. Finalement, ma mâchoire semble s'habituer à cette masse désagréable ce qui ne veut pas pour autant dire que la douleur lancinante n'irradie pas mes crocs. Je traine le squelette sur une bonne dizaine de mètres supplémentaires et commence à ressentir le poids de la fatigue. Je continue pourtant de trainer la carcasse sur quelques mètres, bien décidé à tout donner dans ce drôle d'entrainement. Un pas puis un autre et encore un autre avant que je ne retire mes crocs et me laisse tomber sur le flanc. Quelques minutes furent nécessaire pour que je récupère. Laissant la carcasse sur place, je prends finalement le chemin de la dune de sable afin d'aller m'étendre près du point d'eau.
Il est temps de reprendre l'entrainement. D'ailleurs, vu le résultat de mes dernières chasses. Il me semble que cela serait bien plus utile. Quittant les ruines de la chapelle d'un pas nonchalant, je me dirige vers les bois bordant le sud de la colline. Mes pas me conduisent jusqu'au milieu de la foret. Je m'approche du premier arbre sur mon chemin et m'étire avant de m'élancer vers mon adversaire du jour qui ressemble étrangement à toutes les anciennes cibles d'entrainement que je me coltine depuis le début de mon apprentissage. Bon, ce n'est pas le moment de se montrer las, je n'ai même pas commencer l'entrainement. Je freine au dernier moment et projette une poignée de terre fraiche vers le tronc. Avant de m'élancer de nouveau et de percuter le tronc de l'épaule. Je bondis sur le coté dans un bond de repli et tourne autour de mon adversaire forestier avant de m'élancer de nouveau et de percuter brutalement l'arbre. Puis, je me lance dans une série d'esquive corporelle faite de feintes et de bonds. J'abaisse la tète, lève une patte, baisse de nouveau la tète, fait un petit saut sur place avant de jeter sur le coté. Mes pattes battent l'air pour repousser un adversaire invisible. Je me relève bien vite et m'approche de l'arbre. Puis, je plante mes crocs dans l'écorce et entreprends d'en faire des copeaux avant de retirer mes crocs et de recracher l'écorce pleine de sève de mon partenaire d'entrainement. Je me laisse tomber sur le sol et roule sur moi même pour me retrouver sur le dos. Mes pattes battent dans l'air dans un moulinet furieux tandis que mes crocs claquent dans le vide. Je roule de nouveau sur moi même pour me relever. Je m'approche ensuite du tronc, me dresse sur mes pattes arrières et envoie quelques coups de mâchoires dans le tronc le tout saupoudré de quelques coups de crocs. Mes pattes avant retombent sur le sol et je bondis sur le coté avant d'envoyer des coups de griffes dans le tronc. Les lacérations se gravent dans le tronc tandis que je me défoule de toutes mes forces. Un coup patte dans le tronc plus tard, je plante de nouveau mes crocs dans l'écorce et secoue furieusement la gueule avant de bondir en arrière. Je crache les morceaux d'écorces. Et conclue ma séance de combat intensive par un revers de la patte sur l'écorce rugueuse de l'être sylvestre.
Une fois suffisamment reposé, je me relève lentement et m'étire une nouvelle fois avant de m'élancer à travers les bois. Je commence à une allure assez réduite puisque je trotte à une allure soutenue. J'esquive quelques obstacles à cette allure modérée puis je bondis par dessus un tronc renversé. J'augmente peu à peu l'allure et me mets à galoper à travers les bois. Je savoure pleinement la sensation grisante que ne manque jamais de procurer la vitesse. Un bond par dessus un tronc est bien vite suivi d'un autre par dessus un buisson épineux. Mes pattes retrouvent la terre ferme et je ralentis légèrement l'allure pour esquiver une branche basse en baissant la tète. Je rampe le plus rapidement possible dans une cavité sous un tronc déraciné. Mon pelage est recouvert de terre lorsque j'atteins l'autre coté mais je ne prends pas la peine de m'ébrouer. A quoi bon puisque je peux encore me salir au cours de cet entrainement. Je me remets à galoper avant de bondir sur un tronc et de trotter le long avant de bondir sur une souche un peu plus loin. Je m'élance à toute allure et passe entre deux arbres assez proches l'un de l'autre pour former une sorte de porte puis je slalome entre une rangée d'arbres avant de ralentir la cadence jusqu'à revenir au pas. La sueur dégouline de mon front et imbibe mon pelage. Je souffle durant quelques minutes avant de me mettre à creuser furieusement le sol à mes pattes. Je creuse encore et encore jusqu'à ce que mes pattes deviennent douloureuses. Je m'arrête finalement quelques minutes plus tard, épuisé.
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