UN AFFAMÉ DANS LES SABLES

AMANN

Mes grêles pattes pouvaient encore sentir le passage froid de la neige sur les terres. Il y a encore quelques temps, ce sol n'était que d'ivoire. Le soleil, trônant au milieu des cieux, venait frapper le sable qui éblouissait mon fragile oeil. Ma piteuse apparence laissait à désirer. La gueule entre-ouverte, l'oeil plissé pour se protéger, je peinais à progresser. L'astre lumineux venait cruellement abattre ses rayons sur ma carcasse, tant que ma vue se brouilla. L'oeil larmoyant, je me fiais seulement à mon odorat, mon ouïe, mon instinct.
Ici. C'est une patte qui vient de frôler le sol ; aveuglément, je m'élance à grandes enjambées et fond sur l'animal. J'ouvre ma gueule bavante, et je referme mes mâchoires d'affamé sur ce qui était censé être ma proie. Mais tout ce que mes papilles purent sentir ne fut que des grains, des grains de sables qui venaient titiller ma langue.
Dans un geste désespéré, je me relève en sursaut, la langue pendante. Je secoue la tête, tentant vainement de me défaire du parasite. Sans résultat. Déçu, je me résignais à avancer la gueule ouverte, aussi desséchée soit-elle.
Mais la chance ne m'a pas épargné : après le sable trompeur, c'est probablement un lézard que je vois maintenant. De ma vue brouillée, je peux observer cette frêle créature se frayer un chemin entre les dunes, approchant dangereusement de mes pattes. J'étais si immobile qu'il devait me confondre avec un tronc mort.. Ce qui n'était pas tellement faux. Las, saisissant l'opportunité, j'abat ma lourde patte sur l'animal, qui pousse un dernier appel au secours avant d'être transpercé par mes griffes.

4/11/7

UN AFFAMÉ DANS LES SABLES

AMANN

Echec.
Echec, échec et encore échec. Ce mot ne cessait de venir à mon esprit au fur et à mesure que je tentais désespérément d'attraper des proies. L'esprit embrumé, déçu, je ne faisais maintenant presque plus attention au monde qui m'entourait. Jusqu'à ce que je marche sur quelque chose de dodu, d'écailleux ; une vague de joie emplit mon être et, retrouvant miraculeusement mon enthousiasme, je plonge sur l'animal et le déchire de mes crocs.
.. Mordre le sol ne sers à rien, Amann. La bête avait déjà filé. Mais je suis vraiment incapable, bon dieu ! Pitoyable ! Même ce petit lézard, qui vient de défiler devant mon visage, je ne suis pas capable de l'achever. Pourtant, les proies sont abondantes ici et nombres d'opportunités s'offrent à moi. Mais non, il faut toujours que je rate. Que je rate, constamment et sans cesse.
Je m'élance dans une course folle, mes pattes m'entraînent plus profondément dans le désert jaune. Je disparais entre les dunes, puis réapparais exposé au soleil brûlant. Mes coussinets frôlent le sable.. mais ils frôlent aussi cette saleté de bestiole qui vient couper mon chemin. Lamentablement, je me ratatine la tête la première. C'est sûr maintenant, je suis vraiment un bon à rien. J'aurais dû être fait oméga, ça m'aurait plus convenu. Voyez donc par vous-mêmes ; même une course, je suis capable de la faire devenir une catastrophe !
Ecroulé et dépité, je me relève, défait de toute attente. Lentement, je pose mes pattes douloureuses sur le sol et entreprend de retourner de là où je venais, en espérant que je n'y sème pas la pagaille.


4/11/7

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