La louve était contente de sa chasse de cette lune. Elle avait trouvé plusieurs proies, de quoi bien remplir son estomac solitaire. Cependant, Noire ne mangeait jamais son gibier immédiatement. Elle le gardait au chaud dans sa tanière, jugeant meilleur pour sa survie de rationner sa viande.
Aujourd'hui encore, elle était sortie chasser. Elle redoutait toujours de laisser sa tanière sans surveillance, et n'en restait donc pas trop éloignée. Elle avait déjà été obligée de repousser un renard et un raton-laveur durant l'hiver, et même un loup une fois. Un solitaire comme elle. Comment s'appelait-il déjà... ? Nietz ?
La louve ébène pistait depuis de longues minutes, la piste d'un lapin. Alors qu'elle s'apprêtait à bondir pour le tuer, celui-ci redressa vivement la tête et détala sans demander son reste. Agacée de son échec, la solitaire jugea préférable de rentrer. Son estomac criait famine. Elle allait pouvoir se permettre de piocher dans sa réserve.
Mais alors qu'elle arrivait près de sa tanière, une odeur inconnue l'alerta. Ses poils se hérissèrent le long de son échine, et elle s'empressa de pénétrer dans son habitation. Malheur ! Une proie avait disparue. Elle le vit tout de suite, c'était la plus grosse : un chevreuil. Qui donc avait pu oser la piller de la sorte ?
Elle huma l'air. L'odeur était bizarre, ce n'était pas celle d'un loup, ni d'un prédateur connu. Furieuse de ce vol, elle décida de suivre la piste. Le chevreuil était une proie importante de son garde-manger, elle ne pouvait pas se permettre de le perdre. 
Elle quitta donc de nouveau son antre, pour pister le voleur. Elle suivit sa piste entre les arbres. Ce n'était pas difficile, elle voyait facilement le sillage du chevreuil contre le sol, et les traces de patte de l'animal. 
Et finalement, au détour d'un bosquet, elle l'aperçut.
C'était une sorte de chien, couvert d'armatures de fer et de pointes. Noire eut un frisson. Quelle horreur ! De ses crocs gâtés, il arrachait la chair du chevreuil. La louve réagit au quart de tour. Ce chien était effrayant, et certainement très dangereux, bien plus qu'un canidé normal, mais elle ne pouvait pas le laisser manger sa proie. Sa viande. Son gibier à elle. 
Avec un cri de rage, elle se jeta dans sa direction, et lui décocha un coup de griffe en plein visage. Sa patte ricocha contre l'armature en fer. Ce chien allait être difficile à battre. 

Une belle trouvaille

Une belle trouvaille

Alors que la louve comprenait lentement que son coup de griffe avait été totalement inutile, une masse blanche fondit près d'elle, l'épaulant presque, et une voix bien connue résonna à ses oreilles.

"Un coup de main ma chère ?"

Noire écarquilla les yeux. Diedora, l'insupportable pot de colle sur patte, venait d'arriver à sa rescousse. Elle se mit aussitôt en position d'attaque, et tenta de mordre le chien de fer au ventre. La femelle ébène, quelque peu surprise par cette arrivée subite, ne réagit pas tout de suite. Mais lorsque le cabot en métal attrapa la gorge de la blanche pour la plaquer violemment au sol, elle eut un petit déclic. Elle n'aimait pas Diedora, mais la louve était tout de même venue l'aider. 
La solitaire se démena toute seule, et parvint à se sortir de l'étreinte du chien. Elle ne patienta pas cependant, et fonça droit sur lui. Noire, restée en retrait, décida alors enfin de passer à l'attaque. Suivant son duo du jour, elle profita que le cabot soit déstabilisé un instant, pour bondir sur son dos cuirassé. Furieusement, elle frappa des pattes aux endroits dépourvus d'armure, griffant la chair avec férocité. Puis, après avoir infligé quelques blessures, elle fit tout son possible pour faire chuter le chien, en même temps que Diedora qui le poussait de toutes ses forces. Mais le cabot allait-il se laisser déséquilibrer si facilement... ? 

Le chien chuta. Il était fort, mais pas assez pour tenir sous le poids de la louve ébène et les coups de la louve blanche. Il se débattit contre le sol, tel un forcené, roulant sur le côté pour se débarrasser de Noire. Celle-ci se cramponna pendant un instant, puis finit par lâcher prise, tandis que le cabot se relevait et s'enfuyait vers les bois.
La solitaire se leva à son tour et s'ébroua, satisfaite, lorsqu'elle entendit des bruits de pas dans son dos. Le chien revenait ! N'avait-il donc rien compris ? Elle jeta un regard vif à Diedora, tandis que l'animal s'avançait, les yeux fixés sur la carcasse de chevreuil. Il avait déjà mangé plusieurs morceaux, et Noire sentit la colère l'envahir. Elle avait eut du mal à tuer cette proie, et ce sale voleur de chien se permettait de la lui voler ! 
Mais il n'en avait même pas terminé ! Tel un renard, il rampa vers la proie, et en arracha un morceau. Noire, hors d'elle, se jeta vers sa tête, dans l'optique de lui crever les yeux. Elle poussa un hurlement de rage, et ses crocs claquèrent sur le museau du chien, tandis que, à l'aide de ses griffes, elle tentait de lui crever les yeux. On verrait si, aveugle, le canidé aurait toujours envie de voler la nourriture des loups.

Une belle trouvaille

Le cabot avait un atout : son corps était recouvert d'armatures de métal. Noire sentit ses crocs buter contre la matière dure, et réprima un grognement de fureur. C'était injuste. Ce chien avait bien trop d'avantages.
S'ensuivit alors un petit "jeu", durant lequel le canidé tourna autour des deux louves, donnant parfois des coups de pattes maladroits pour atteindre la solitaire ébène. Celle-ci, bien décidée à défendre sa nourriture, montra les crocs, prête à attaquer de nouveau, lorsqu'un éclair blanc passa près d'elle. Diedora revenait à l'attaque. Elle attrapa la patte arrière du cabot entre ses mâchoires, le traînant ainsi vers l'arrière. Noire, les yeux luisants de colère, se précipita pour l'aider, attrapant l'autre patte du canidé, serrant de toutes ses forces jusqu'à ce que des gouttelettes de sang perlent sur le sol. A elles deux, elles allaient peut-être enfin réussir à se débarrasser de ce voleur.

Noire et Diedora formait une assez bonne équipe, il ne fallait pas le nier. A elles deux, elles parvinrent à faire chuter le chien, qui frappa contre le sol dans un bruit sourd. Il se débattit de toutes ses forces, tentant de s'extirper de l'étreinte des deux louves qui tenaient toujours fermement ses pattes. Mais alors qu'il se secouait dans tous les sens, une alarme retentit, heurtant les oreilles de Noire comme un avertissement. La solitaire réagit aussitôt, et lâcha la patte qu'elle mordait jusqu'au sang. Elle comprit ce que l'alarma signifiait. Elle hurla à Diedora de s'enfuir, mais n'attendit pas de voir si elle l'avait écoutée, ou même entendue. La femelle ébène se retourna, et s'éloigna le plus possible du cabot, le plus rapidement qu'elle le put. 

Une belle trouvaille