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Âge Personnage : X ans
Rang : Rang
Niveau Rang : Niveau
Maladie :
Blessure :
Détails blessures : Pas de Blessure
Détails maladie : Pas de Symptôme
Bonus Force : +0
Bonus Agilité : +0
Bonus Endurance : +0
Bonus score de chasse : Score de chasse : +0
Nombre de lancers quotidien : Nombre de Chasse : +0
Bonus Santé : Bonus Santé : 0
Bonus/Malus Autres : Bonus/Malus Autres (autres dés)
Compétence d'élite :
| Mar 16 Fév - 0:09 | |
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AND THE GUN AGAINST MY NECK BONUS : +4 MALUS : 0 FORCE : 92 | AGILITÉ : 47 | ENDURANCE : 51 Leikn fendit le champ de grenats d'un mouvement souple, qui compensait en puissance ce qu'il manquait en délicatesse. Les cristaux s'accrochèrent brièvement à sa fourrure avant de ployer la tête sur son passage, et bien leur en prenait : il était tôt, une brume froide couvrait la lande et nimbait le souffle des bêtes de vapeur blanche, et Leikn avait besoin de se défouler. La louve blanche sentait ses muscles chauffés par une course soutenue depuis la chapelle rouler paisiblement sous sa fourrure ; l’œil acéré, elle s'avança parmi les fleurs pourpres, à l'affût du moindre mouvement. Pas un bruit ne troublait le calme des heures avant l'aube ; le silence était d'une rigidité de glace, et la prairie tout entière semblait retenir son souffle alors que la louve, échine ployée, museau tendu, progressait à pas précautionneux en fouillant chaque recoin d'herbes hautes, chaque trou d'obus d'un regard jaune. Soudain, non loin, un pétale de cristal tinta. Leikn s'immobilisa instantanément, la patte encore levée. Ses oreilles se dressèrent lentement sur son crâne : était-ce le vent qu'elle entendait siffler discrètement sur la plaine, qui faisait s'entrechoquer les fleurs ? Le léger bruit cristallin reprit, un peu plus loin cette fois. Lei reposa très lentement la patte, puis pencha la tête vers le sol pour humer les effluves mêlées d'animaux et de terre humide qui s'en dégageaient. Elle décela les traces de multiples petites proies, plus ou moins anciennes, et les tria une à une jusqu'à ce que la dominante se révèle : une fragrance de lièvre. Les babines noires de la louve s'ourlèrent sur ses crocs ivoire tandis qu'un mouvement vif, un peu plus loin, faisait à nouveau retentir une cascade de grelots. Elle était contre le vent. Tout doucement, Lei mit une patte devant l'autre pour se rapprocher de ce qui lui paraissait être une entrée de garenne, camouflée entre les fleurs de cristal. Comme chaque fois qu'elle chassait, les battements de son cœur s'accélérèrent entre ses côtes, et l'envie de bondir en avant pianota sur ses nerfs, mais elle se maîtrisa : peu adepte de l'affût et de l'approche furtive, elle en reconnaissait néanmoins les vertus ; et pour surprendre un lapin, animal si farouche, près de son terrier, mieux valait se montrer discrète. Ainsi, la louve blanche poursuivit son approche silencieux avec mille précautions jusqu'à ce que, s'ouvrant derrière un rideau de grenats au bout de tiges d'un vert chatoyant, l'entrée de la garenne se révèle à elle. Son souffle s'arrêta dans sa poitrine : là, à un ou deux mètres à peine, un couple de lièvres profitait des premiers rayons d'un soleil froid pour se dégourdir les pattes, accompagné par une ribambelle de lapereaux. Leikn pouvait voir la tension dans la nuque et les oreilles de l'une des deux femelles, dont les grands yeux noirs jetaient aux alentours des regards furtifs, rapides et alertes. Mais la louve était bien placée et les lièvres ne pouvaient la sentir. Lei choisit la lapine la plus proche. Elle se tapit, les yeux fixées sur sa proie, ses muscles se tendirent... Et soudain, le vent tourna. Les mâchoires de Leikn claquèrent et elle se jeta en avant, mais il était trop tard : le groupe s'était déjà éparpillé lorsqu'elle atterrit devant le terrier. Ses griffes labourèrent le sol là où les lapereaux s'étaient tenus une seconde auparavant : mais les petits avaient déjà retrouvé le couvert des souterrains lorsque la louve se retourna pour en barrer l'accès aux adultes. Elle distingua un pompon brun et blanc disparaître entre les tiges des grenats, un bruit de cavalcade, puis plus rien.
En rage, la louve blanche se jeta à la suite de ses proies. C'était raté pour faire d'une pierre deux coups : maintenant que les lièvres s'étaient séparés, elle n'aurait aucune chance d'en attraper plus d'un. Tant pis ; ce serait toujours mieux que rien. Elle allait se concentrer sur la traque du second. Ce n'était déjà pas chose aisée, car l'odeur de l'animal se confondait avec celle de la végétation trempée de rosée alors que Leikn courait à sa poursuite dans les hautes herbes. La louve se força à la concentration : ce n'était pas moment de perdre sa proie ! Sans cesser de cavaler, elle baissa le museau pour mieux percevoir les multiples effluves qui s'entrecroisaient au ras du sol. En quelques secondes, elle avait retrouvé l'odeur aigre du lièvre et, gueule entrouverte, s'appliqua à la suivre du mieux qu'elle pouvait. Mais ce faisant, elle sentit qu'elle parvenait à un endroit de la plaine où les herbes étaient moins hautes : le lièvre allait donc sortir à découvert ! A défaut de le coincer dans un éboulis ou quelque ruse du genre, elle pourrait au moins le suivre de vue. Et Leikn n'était peut-être pas la plus rapide de son espèce, mais elle avait confiance en ses capacités : ainsi, elle tira avec ardeurs sur ses muscles pour émerger du couvert de la plaine au plus vite. Lorsqu'elle surgit du champ de grenat, Lei ressentit en effet un pincement victorieux : non loin, plus près qu'elle l'aurait cru, s'agitait encore la petite queue blanche de lièvre qui s'enfuyait avec toute l'ardeur de la survie. La louve blanche se jeta à sa poursuite, se faisant violence pour ne pas ralentir, accélérer même : elle avait toujours été plus apte aux pointes de vitesse qu'aux longues courses, et cela se ressentait souvent sur ses chasses. Mais elle voulait faire un effort - cela ne lui coûtait rien après tout - et elle n'aimait pas perdre ; la détermination était une bonne source de motivation pour la tirer en avant. Ignorant la brûlure de ses muscles, devenue coutumière à chaque fois qu'elle s'entêtait de la sorte, Leikn accéléra la cadence et suivit sa proie sur une petite butte qui surplombait la plaine. Elle craignit soudain que l'animal sache exactement où il se dirigeait, et avec un but précis, car sa course se fit plus rectiligne : si elle avait la poisse, il s'apprêtait à disparaître dans une galerie dont l'ouverture était accessible par l'autre flanc de la butte... Un grognement lui échappa. Elle tenta d'accélérer encore, mais la pente, bien que courte, eut raison de ses efforts. Frustrée, Leikn lança un aboiement sonore lorsque le lièvre disparut au sommet de la petite colline : pas moyen qu'elle le rattrape maintenant, bon sang ! La guerrière ne s'arrêta pas pour autant, portée par son élan et sa frustration : elle grimpa le flanc de la butte à toute vitesse, en atteignit le sommet, et bondit de l'autre côté. Mais à peine eut-elle dévalé un mètre d'herbe tendre qu'elle percuta quelque chose de massif et couvert de fourrure rêche.
Un grondement de colère résonna dans les oreilles de Lei, un grondement qui ne provenait en aucun cas de la gorge d'un quelconque lagomorphe. La femelle, étourdie par le choc, mit un instant à comprendre ce qui lui arrivait. Cependant, par réflexe, elle se mit à grogner elle-même en réponse ; bien lui en prit : aussitôt l'animal qu'elle venait de percuter s'éloigna et lui laissa le loisir de reculer et l'observer. La fourrure se hérissa sur l'échine de Leikn, tout comme elle l'était déjà sur le dos de son vis-à-vis : solidement campé sur ses quatre pattes dans le dénivelé de la colline, l'encolure gonflée, l'échine baissée, les crocs à découvert, un gros chien brun et noir se tenait ramassé sur lui-même - visiblement prêt à lui bondir dessus. Les yeux gris de la louve saisirent au vol des détails dont elle ne s'attendait pas à avoir conscience tandis que l'instant semblait se figer : l'animal était haut sur pattes et massif, presque aussi massif qu'elle. Mais à mieux y regarder, ses côtes saillaient sous sa fourrure humide de rosée, dont une partie collait à ses flancs lentement soulevés par le rythme accéléré de sa respiration. C'était une femelle ; sans doute avait-elle cessé d'allaiter récemment car une ribambelle de mamelles roses pendait de sous son ventre en une guirlande disgracieuse. Enfin, Leikn nota la présence de nombreuses cicatrices et plaies à peine refermées sur ses flancs et ses épaules : en plusieurs endroits, le poil n'avait pas repoussé et la peau était à nu, rose et blanche, ressoudée par de multiples croûtes. Une vilaine balafre lui traversait le museau, sous deux yeux noirs étincelant d'avidité et de colère. Ce bref instant d'examen fut suffisant à Lei pour comprendre que la chienne la tuerait sans hésiter si elle le pouvait. Une poussée d'adrénaline traversa en flèche l'entièreté de son corps. Son cœur bondit en avant et se mit à battre la chamade. La masse de la chienne la percuta alors. Leikn n’était pas prête. Ses mâchoires claquèrent par réflexe, fouillant l’épais pelage cuivré à la recherche d’une chair maigre et coriace sur laquelle ripèrent ses crocs. Un grondement sauvage s'éleva à sa gauche, vibrant hors des côtes de son adversaire comme une menace de mort imminente, et elle jeta un furieux coup de tête de ce côté avant de bondir en arrière. Un claquement de crocs l'avertit qu'elle avait failli laisser une oreille entre les mâchoires de la chienne. Celle-ci se tenait désormais à un ou deux mètres d'elle, oreilles couchées sur son crâne épais, l'observant - la jaugeant. Leikn baissa l'encolure te dévoila les crocs. Lentement, sans quitter son adversaire des yeux, elle fit quelques pas sur la droite et entreprit de la contourner : la chienne la suivit dans son mouvement. Un sifflement rauque s'éleva de sa gueule couverte de plaie, ses yeux s'étrécirent ; mais elle aussi attendait le bon moment. Les deux femelles se tournèrent quelques instants autour, puis Lei décida que cela suffisait : sans crier gare, elle fit mine de bondir à droite ; mais au dernier moment, au lieu de se précipiter sur l'épaule de la chienne comme son mouvement le laissait croire, elle changea son angle d'attaque et sauta à gauche. Déstabilisée par la feinte, la chienne laissait son flanc droit sans défense : Leikn saisit l'occasion et plongea ses crocs dans l'épaule de la chienne, qui aboya de douleur et se retourna vivement. Mais la louve avait déjà sauté hors de portée. Cette fois, la chienne ne se donna pas le temps de la réflexion, et se rua à sa suite avec une fureur décuplée par la douleur : dans les veines de Leikn, le sang se mit à bouillir ; une flèche d'adrénaline jeta son coeur en avant, comme chaque fois qu'elle se battait. Une ombre de sourire passa sur ses babines alors qu'elle bondissait en avant pour se soustraire au dernier moment à l'attaque de son adversaire : elle ne pouvait pas se mentir. Elle adorait ça. La chienne revint à l'assaut et parvint à saisir Lei par le cou. Une vague crépitante de panique se présenta au bord de son cœur, mais heureusement, elle eut le bon réflexe de secouer la tête pour s'arracher à la prise de l'assaillante avant que celle-ci ne referme ses crocs sur sa nuque. Nouveau bond en arrière. Tout se passait si vite que la louve n'avait plus le temps de réfléchir à quoi que ce soit. Il fallait que cela cesse rapidement, avant qu'elle ne s'épuise. Elle feinta une nouvelle fois, vers la gauche ; au dernier moment, elle plongea en avant, percuta la chienne pour la désarçonner. C'était une manœuvre risquée, mais qui porta ses fruits : sans trop savoir comment, Leikn put relever la tête et crocheter son ennemie à la gorge. Un hurlement échappa à la chienne, qui rua avec férocité, mais son adversaire la jeta à terre sans trop d'effort grâce à sa masse supérieure, et raffermit la prise sur sa gorge. Négligeant les griffes qui cherchaient à lui labourer le ventre, Lei serra, serra... puis, alors que ses crocs perçaient enfin la chair et que le goût du sang envahissait sa gueule, elle sentit tous les muscles de la chienne se raidir, son corps devenir aussi dur que la pierre. Puis d'un seul coup, ils se relâchèrent tous en même temps ; et avec un faible hululement, le dernier, elle mourut. Haletante, Lei rejeta la tête de la chienne dans l'herbe et s'extirpa de son pelage sec pour s'asseoir à côté du cadavre et reprendre son souffle. Dans son poitrail, son coeur battait toujours aussi vite, et une joie féroce accompagnait le sentiment de triomphe qui l'habitait. Mais la guerrière ne se laissa pas trop de temps pour exulter : ennemie vaincue, certes, mais aussi source de nourriture pour sa meute, voilà ce qu'était la chienne. La louve considéra un instant le cadavre de son ennemie et convint qu'elle ne pourrait le ramener entier seule. Elle s'accorda donc encore quelques minutes de repos, puis se releva et prit un galop soutenu, quittant la plaine à la recherche d'un congénère pour l'aider à ramener son butin.
Les journées se suivent et se ressemblent. Leikn se réveille aux premières lueurs du jour, enjambe les louveteaux de sa portée, entortillés les uns contre les autres, sans les réveiller. De la position surélevée de la chapelle, elle peut voir le soleil percer l'horizon comme une toile déchirée. Chaque grain de sable composant la dune de sable étincelle en réfractant la lumière, donnant l'impression d'un tapis de joyaux s'étendant presque à perte de vue. Mais la louve plisse les yeux, insensible à la beauté du paysage : c'est le sang qui l'appelle plus que le retour du jour, l'instinct impétueux de la traque, l'élan furieux du meurtre pour la subsistance. Il est temps de se mettre en chasse. Quelques jours après son combat contre la chienne errante, Lei renonça à trouver un terrain de chasse plus éloigné de la mer, et se dirigea à nouveau vers la prairie de grenats. En effet, où qu'elle se dirige, elle avait l'impression de ne tomber que sur des terres peu giboyeuses ou, pire, conquises par de lourds nuages acides charriant les pluies de foudre ; dans ces zones, la terre était noire et morte, la végétation crevait sous les pattes de l'imprudent, grise, desséchée, rongée par l'humidité. Leikn avait vite fui ces terres dévastée, en se demandant tristement si la vie parviendrait à y reprendre ses droits dans les lunes à venir. Elle était donc de retour. Les cristaux des fleurs s'accrochaient à sa fourrure comme des chardons écarlates lorsqu'elle fendait leur masse compacte. Les pétales s'entrechoquaient, laissant un agaçant concert de tintement dans son sillage. Sans compter que, couverts de rosée comme ils l'étaient, le pelage de la louve se retrouva très vite détrempé. Leikn avait donc assez froid et la patience n'était pas au rendez-vous lorsqu'elle s'attela à la fastidieuse tâche de séparer les odeur les unes des autres. Après un bon moment à se demander si la piste de ce rat était trop vieille ou non, la louve blanche finit par se décider pour un mélange d'odeurs d'oiseaux qui ressemblait assez à celle d'un faisan. Elle la remonta le plus discrètement possible, grimaçant à chaque fois que les fleurs tintaient trop fort. Si elle continuait à chasser dans le coin, un jour viendrait où elle serait la plus silencieuse des louves de la terre, à force de se déplacer sur la pointe des coussinets - de peur de faire grelotter les grenats. Heureusement, le faisan est un gros poulet pas trop dur à surprendre. Leikn aperçut sa proie au bout de quelques minutes de traque. Debout entre les herbes, là où la densité des grenats s'amenuisait, elle allait de droite à gauche de cette démarche à la fois pédante et perplexe propre à l'animal. Sa tête était étirée sur son cou grêle, ses yeux exorbités, et se tournait en tous sens en tressautant. Les faisans avaient toujours l'air de se demander ce qu'ils faisaient là, et où diable ils étaient censés aller ensuite. Idiots. Leikn s'approcha sur la pointe des pattes puis, parvenue à distance de saut de l'oiseau, se ramassa sur elle-même et lui bondit dessus sans prévenir. Malheureusement, sa proie avait jeté le coup d’œil de trop, et s'écarta en caquetant de terreur. Heureusement pour Lei, l'animal n'était pas très vif. Stratégiquement parlant, surtout. Oubliant sa dignité monacale, il s'enfuit en se dandinant de façon grotesque, les ailes à moitié étendues comme dans une ridicule tentative d'envol. Leikn avait déjà vu des faisans voler. Ce n'était pas très probant ; elle préférait épargner à celui-ci la disgrâce d'un dernier saut raté. Elle se lança donc à sa poursuite. Enfin, "lancer" était un bien grand mot. Disons qu'elle sauta à sa suite, dans un sens, puis dans l'autre lorsqu'il l'esquiva (par erreur, peut-être) dans sa course erratique dans tous les sens. Les crocs de Lei claquèrent, une fois, deux fois, et ce petit manège commença à l'énerver. Elle ne fut pas mécontente lorsque l'oiseau déboula soudain dans une zone clairsemée des hautes herbes où se prélassaient quelques un de ses congénères et, surpris lui-même, trébucha. Leikn ne fit ni une ni deux et lui sauta dessus pour parfaire ce qu'elle avait commencer et plonger ses crocs dans sa chair moelleuse.
Le sang jaillit, le faisan laissa échapper un cri perçant, et un nuage de plumes s'éparpilla autour de Lei et de sa proie. Les poules faisanes que leur arrivée avait dérangées s'enfuirent de manière totalement désordonnée en caquetant leur panique à qui mieux mieux. Pendant ce temps, le goût du sang frais, le premier de la journée, montait à la tête de Leikn, qui ne songea soudain plus qu'à attraper le plus de ces petites poules possible. Après tout, ce serait une sacré épine en moins dans la patte si elle pouvait ramener toute cette grappe d'oiseaux stupides au garde-manger. En enfin, vu que la cervelle qu'elles possédaient à elles toutes approchait à peine celle d'une basique chèvre de chez les hommes, cela ne devait pas être bien difficile. Leikn abandonna donc son faisan tout frais tué derrière elle, sans réfléchir à la probabilité qu'un charognard le lui dérobe, et se lança à la poursuite des poules. Cependant, la guerrière avait vu un peu gros sur ce coup-là. D'une, la piste toute fraîche des poules faisanes se révéla plus difficile que prévue à suivre. Ne voulant pas perdre ses cibles - aucune de ses cibles - Leikn se refusa à ralentir la cadence, et la lecture des traces devint dès lors nettement plus compliquée. En outre, le nombre des poules (quatre ou cinq, de ce qu'elle avait eu le temps de compter) et leur course sans but faisait que les pistes se rejoignaient et s'éloignaient successivement, se croisant sans aucun sens, et que Lei se retrouva très vite à tourner en rond dans les herbes hautes. Est-ce que deux de ses proies, dans leur panique, s'étaient percutées à cet endroit ? Se demandait-elle en croisant un méli-mélo d'empreintes avines dans la terre humide. Elles étaient vraiment stupide, ajoutait-elle pour elle-même, sans vraiment se rendre compte qu'elle ne devait pas avoir l'air plus maline à courir en tous sens en essayant de toutes les attraper en même temps. Ne pas se disperser était l'une des choses que l'on apprenait aux louveteaux en premier, et c'était exactement l'erreur que Lei était en train de commettre. A force de courir dans tous les sens, elle finit par haleter et sentir les muscles de ses pattes la brûler avec insistance. Cela ne fit que l'énerver encore plus ; ne pas avoir vu le bout de la queue d'un de ces satanés poulets n'était même plus décevant : c'était terriblement humiliant. Lei s'obstina donc jusqu'à ce que ses poumons lui paraissent en feu... et qu'enfin, la silhouette d'une poule affolée vienne se dandiner devant ses prunelles. Victorieuse, la louve fonça, bondit, les crocs en avant... et la poule s'envola sous son nez. Non ! Impossible qu'une de ces stupides bestioles lui échappe en faisant ce pour quoi elles étaient le moins douées bon sang ! Pourquoi, parmi les oiseaux les moins adaptés au vol de toute la création, devait-elle tomber sur les individus qui s'obstinaient à essayer ? Avc un grondement de rage et de frustration, Leikn bondit à la suite de la poule faisane, et ses crocs claquèrent dans le vide. La poule retomba un peu plus loin et recommença à courir en se dandinant. C'était vraiment ridicule. Lei aurait peut-être pris le temps de se moquer, si elle n'avait pas été autant à bout de souffle. Poussée par la frustration, elle accéléra à nouveau, en songeant que si elle se fatiguait, cela devait aussi être le cas de sa proie. Elle bondit à nouveau... et la poule s'envola à nouveau. Leikn laissa échapper un aboiement de rage. La poule battit des ailes sous son nez en s'élevant dans les airs. La louve sauta, manqua les ailes brunes qui s'agitaient frénétiquement, retomba. Elle vit sa proie voler sur quelques mètres avant de retomber entre les hautes herbes et disparaître, et tenta de la suivre... Mais ses pattes ne la portaient plus. Hors d'haleine, écumante de rage, la louve blanche dut s'arrêter totalement, soufflant comme un buffle et foudroyant du regard les buissons de grenats dans lesquels l'ensemble de ses proies s'étaient évaporées. Merde de merde de merde de... !!
Leikn s'appliqua à utiliser ses longues minutes de récupération à détruire méthodiquement tout grenat qui avait l'outrecuidance de se balancer au bout d'une tige autour d'elle. C'était curieusement réconfortant, d'arracher ces fleurs rouges si bruyantes et de les écraser sous ses pattes - même si elle dut bien se couper une ou deux fois sur les arêtes des cristaux, comme l'écervelée qu'elle était. Lorsqu'elle eut fini son tout nouveau travail de jardinier en herbe, Lei se sentit un peu mieux. Son souffle apaisé et l'impression de ne plus avoir des morceaux de verre dans les poumons aidaient, certes, un peu. La louve parvint même à se consoler d'avoir perdu sa tripotée de proies en songeant qu'elle en avait au moins attrapée une sur le lot, et que de toute façon personne n'aurait pu attraper toutes ces poulettes, à moins d'avoir le don de téléportation. Ce qui n'était évidemment pas son cas. Elle se remit donc en retour, faisant demi-tour dans l'idée d'aller chercher le faisan qu'elle avait effectivement réussi à abattre, non sans envier brièvement aux humains leurs machines capables de cracher la mort à distance. Avec l'une de ces bêtes de métal, nul doute qu'elle n'aurait eu aucun mal à tuer toutes ces proies sans gaspiller toute son énergie. Et dire que les humains perdaient leur temps à se tirer dessus les uns les autres avec leurs si utiles joujoux, au lieu de les employer à des tâches vraiment importantes. Ridicule. Lei constata avec soulagement que son gibier était toujours là où elle l'avait laissé - même si un corbeau importun était venu se servir. Agacée, la louve montra les crocs et rejoignit le faisan mort en quelques bonds pour dégager sans ménagement le charognard de là. Le corbeau s'envola avec des imprécations auxquelles elle ne prêta aucune intention : seuls les morts ont à se soucier de si faibles créatures. Cependant, alors qu'elle ramassait son faisan mort en se répétant qu'au moins, sa journée n'était pas perdue, Lei se figea soudain. Ses yeux jaunes avaient repéré, immobile, se confondant quasiment avec la terre, la tête triangulaire et reptilienne. Le serpent se savait-il repéré ? En tout cas, museau retroussé dirigé vers les pattes de la louve, il ne faisait pas mine d'esquisser un geste. Lei plissa les yeux. Depuis toujours, elle jouait avec les serpents, et sa vie par la même occasion. Personne n'avait jamais pu la dissuader de tenter le diable avec ces bestioles, et jamais, petite, n'était-elle aussi fière qu'en ramenant une couleuvre ou un aspic mort à sa mère. Elle avait appris - à force de morsures et remontrances - à distinguer les venimeux de ceux aux puissantes mâchoires. Celui-ci avait une tête nettement triangulaire, des écailles petites et rapprochées, une couleur de terre grisâtre. Lei s'attarda sur la forme de la pupille : fendue. Une vipère. La langue noire du serpent jaillit un bref instant de sa bouche sans lèvre, manquant de faire sursauter la louve. Elle resta cependant très calme. Sa respiration ralentit, sa vision se précisa. Elle jouait à cela depuis toujours. Elle était folle de ce jeu. Et elle rendait folles sa mère et sa sœur à force d'y jouer. La vipère la fixait, attendant le moment, et Lei l'observait en retour, sans trembler, sans bouger, tentant de déceler l'infime moment avant l'attaque. Si le reptile bondissait et parvenait à la mordre, elle allait souffrir le martyr avant de réussir à trouver un guérisseur. Peut-être même en mourir faute de soin. Mais si elle se montrait plus rapide que la vipère, alors elle lui broierait la nuque et ramènerait son cadavre à Manîthil. Le pouls de la guerrière s'accéléra à cette idée ; mais elle se força à rester immobile comme un pierre, attendant, fixant avec une intensité quasiment douloureuse la couverture écailleuse de la vipère en tentant de ne pas se retrouver hypnotisée par ses motifs. Soudain, tous les muscles du serpent se détendirent. Elle fusa vers les pattes blanches de Lei à une vitesse à couper le souffle. Un instant, tout se brouilla aux yeux de la louve ; tout sembla se figer à la fois, en un déroutant kaléidoscope d'images et de sensation. Elle entendit sa respiration résonner entre ses oreilles. Ses muscles bondirent comme des ressorts, elle en eut presque mal, et la tête du serpent s'écrasa au sol là où ses coussinets le foulaient une fraction de seconde auparavant. La louve blanche laissa échapper un jappement victorieux et fit volte-face pour fondre sur son adversaire vulnérable. Mais la vipère, loin d'être sonnée, siffla et fonça entre ses pattes, provoquant chez Lei une hésitation qui lui sauva la vie. En moins d'un instant, l'éclair brun-vert disparut à la vue de la louve. Elle se retourna, cracha d'agacement, et chercha la vipère parmi les grenats, mais elle s'était bel et bien volatilisée. Leikn lâcha un reniflement de dépit. Quelle manque de politesse. Elle ne s'y ferait jamais.
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