Souffle acide du vent, larmes brulantes du ciel. Le monde ne ressemble plus aux paysages d'autrefois. Les cataclysmes ont frappé, des colonnes de flammes et de fumées se sont élevées sur l'horizon. La guerre. La guerre des hommes. Et nous, les loups n'avons eu d'autres choix que de fuir. Nombreux furent nos congénères emportés. Nous traversâmes les plaines cabossées, les forêts de cendres, poursuivis par la faim, traqués par la mort.
Notre salut, nous le devions malheureusement à ceux qui avaient provoqué notre malheur.
Je promène le regard vers le haut, sur les branchages de ces arbres que je connais bien. Le froid glacial, et le soleil rencontré hier ont fait se lever une brume qui recouvre le sol et créer des volutes cependant que je marche dans cette étrange matière. Un oiseau solitaire chante au loin, prodiguant à l'atmosphère un côté lugubre, qui pourtant est loin de m'effrayer. Depuis que j'ai quitté la Meute, ces bois me sont bien connus; les arbres sont mes compagnons de route, et les oiseaux solitaires, mes guides. Même ces cadavres blanchis et recouverts de neige, dans les arbres, me sont devenus familiers. Je ne saurai les craindre, ni les fuir. Ces bois m'apportent le peu de nourriture qui me permet de survivre. Alors je marche, le souffle régulier, l’air rempli de cet air glacial de l’hiver, qui vous tiens éveillé par temps d’activité, mais qui fera succomber dans un sommeil mortel l’imprudent. Mon épais pelage blanc me protège de ses rigueurs, et favorise mon camouflage dans ces terres recouvertes de neige. Comme si j’avais été conçue pour vivre par des temps de glace et de famine. Il est vrai que jamais je ne me sentis plus vivante qu’en ce jour, affrontant bravement le premier hiver de ma courte vie, telle une reine retrouvant enfin son royaume. Je glisse sur ces étendues, parmi ces géants d’écorce dépourvus de feuille, à la recherche d’une proie. Espérons que le Destin me soit favorable.