Souffle acide du vent, larmes brulantes du ciel. Le monde ne ressemble plus aux paysages d'autrefois. Les cataclysmes ont frappé, des colonnes de flammes et de fumées se sont élevées sur l'horizon. La guerre. La guerre des hommes. Et nous, les loups n'avons eu d'autres choix que de fuir. Nombreux furent nos congénères emportés. Nous traversâmes les plaines cabossées, les forêts de cendres, poursuivis par la faim, traqués par la mort.
Notre salut, nous le devions malheureusement à ceux qui avaient provoqué notre malheur.
Encore une journée qui s’achève. Doucement, l’astre de feu décline dans le ciel. Les ombres des différents reliefs de l’ancienne ville s’allongent et s’épaississent. L’endroit devient lugubre si aisément…. Alors qu’il a, en plein jour, un potentiel pour s’entrainer énorme. Les cavités, les murs, et les ruelles forment des obstacles plus qu’intéressants pour améliorer ses réflexes. Pourtant, peu osent s'y aventurer tant l’endroit accidenté se révèle aventureux. C’est un vrai casse-tête pour arriver sur l’avenue principale, intéressante pour son accès aux souterrains de la cité. Ces derniers plus que dangereux étaient également réputés. La rumeur racontait qu’ils étaient toujours amorcés avec des bombes. Néanmoins, leurs entrées avaient récemment été bloquées par leur effondrement et l’on n’avait jamais entendu parler d’un quelconque accident en leur sein.
Jules n’était pas au courant de tout cela. Tout ce qui l’avait étonné, c’était de tomber sur ces gratte-ciels décrépits. Elle n’en avait jamais d’aussi nombreux, d'aussi concentrés. Poussée par la curiosité, elle avait donc pénétré le lieu atypique. Qu’allait-elle y trouver ? Des proies y ayant trouvé refuge ? Des cadavres ? La grise déambulait dans la cité en observant avec dégoût l’enchainement des bâtiments grisâtres. Ils étaient froids. Identiques. Même jouer avec les toiles d’araignées et regarder les colonies de cafards qui grouillaient au milieu d’eux était moins lassant. Pour achever le tout, une odeur nauséabonde s’échappait des bouches d’égouts. La louve ne s’attendait plus à tomber sur quelque chose à se mettre sous les crocs. Y’avait décidément pas âme qui vive dans c’te bourgade.
Le jour se mourrait. Avec lassitude, Jules se rendit compte qu’elle était incapable de retourner sur ses pas, ses empreintes effacées par le vent violent et poussiéreux qui circulait entre ce qui fut des habitations humaines. Niveau odeurs, ses essais n’étaient pas plus fructueux, atténuées grandement par la puanteur ambiante. Elle s’hasarda dans une allée bordée de grillages et fils barbelés certainement placés là pour séparer un vieux champ de bataille. Enfin ce qu’il en restait. Ici plus rien ne ressemblait à une ville, les édifices étant dans leur intégrité explosés. Parmi les pans de murs, épars et parsemant ce no man’s land, Jules pensa trouver son bonheur. Un simple abri, pour couper les bourrasques afin de passer une nuit relativement calme. Elle passa avec difficulté de l’autre côté de la barrière de fortune en se faufilant par un trou formé à travers cette dernière.
Jules zigzagua entre les barricades de fortune jusqu’à apercevoir un vieux char d’assaut. D’un saut ample, elle escalada l’engin. Une vue d’ensemble sur ce quartier citadin s’offrit à elle. Elle imagina les centaines, non… les milliers de bipèdes décédant sous les rafales de chaque camp ennemi. Si un traqueur venait à sa rencontre, elle n’hésiterait pas à lui sauter à la gorge. Ces monstres méritaient de mourir autant qu’elle. Elle voulait qu’ils crèvent sous ses crocs. Et comme elle le voulait, elle aurait sa vengeance. Sentir leurs os se broyer quand elle les jetterait violemment dans un des trous creusés par leurs propres explosifs. Ensuite elle se débrouillerait pour foutre le feu à leurs cadavres. Et là, elle aurait la paix.
Péniblement, elle se remit en quête de son repère d’un soir. Elle était dans un état d’épuisement trop critique pour ne serait-ce dédaigner chercher à sortir de ce bazar citadin aujourd'hui. Mais elle le savait. Elle n’arriverait pas dormir. Elles reviendraient la hanter. Comme toutes les nuits.