Athos  était parti à la chasse depuis de longues heures déjà.  Après avoir ramené quelques proies à la tanière de sa meute; il était reparti en chasse. Encore. Il fallait faire des provisions en ce moment, les temps qui allaient venir s'annonçait durs et il le sentait de tout son être.  Athos finit par atteindre la clairière fumante; endroit dans lequel il n'aimait pas vraiment aller. Les odeurs qui lui chatouillent les narines qui étaient présentes de cet endroit l'empêchait de mieux débusquer les proies, ou du moins de manière moins efficaces, ce que le jeune loup détestait très fortement.  Ne pas être efficace, rapide, précis. Fort.  Il avait su s'entraîner.  Il avait su devenir parmi les meilleurs.  Il avait su s'imposer. Et il le saurait toujours.

Le grand loup brun, bien plus grand que la plupart des loups qu'il avait rencontré, si ce n'est tous d'ailleurs; courrait encore dans la clairière lorsqu'une odeur connue lui chatouillait les narines.  Sur le moment, il faillit ne pas s'arrêter. Quelqu'un était la, et alors ? Puis, il reconnut l'odeur.  C'était une jeune louve Sekmet, Réalys,  une belle louve à la robe noire, gracieuse et  délicate. Athos avait partagé d'agréables moments avec elles, et pendant un temps, on aurait pu dire qu'ils formaient un couple. Puis, Athos avait commencé sa relation avec Eesia et tout avait bouleversé ses prévisions.  Il lui semblait d'ailleurs que son rapprochement avec la louve grise était à l'origine de la "rupture" d'Athos et de la belle louve noire. Jamais Athos n'était tombé amoureux de personne. Il avait failli, avec Eesia, il l'avait senti, mais les circonstances ont fait que cela ne s'est pas produit. Athos avait par contre aimé au sens plus symbolique, le vrai sens selon lui, le sens amical, chacune de  ses amantes.  Et irrémédiablement, Realys  en avait fait parti. Il se souvenait de chaque moment passé avec elle.

La clairière était une immensité plate avec un grande visibilité.  Nul doute; il avait déjà était senti, vu ou au moins entendu. Doucement, il se retourna pour voir au loin la louve noir. Lorsqu'ils s'approchèrent l'un de l'autre pour se parler, la belle louve brisa le silence la première par ces mots :

"Enfin, tu es là"


Oui il était là.  Oui il était revenu.  Pourtant il avait failli y rester. Rester chez les hommes et mourir, rester avec Anya et voir ses enfants grandir comme il en avait parfaitement le droit. Mais non. Athos avait été toujours un emblème de loyauté, et sa meute était passé avant. C'était ses valeurs. C'était comme ça, qu'on que puisse en dire Anya qui aurait voulu qu'il la rejoigne.  Mais elle avait son avenir parmi les Navnik, et lui parmi les Sekmet. Leurs chemins s'étaient croisés, mais ils s'étaient séparés. Il n'y avait rien d'autre à y dire et c'était plus simple de ne pas chercher plus loin. Athos tourna un peu la tête vers Realys.   Il arbora son souvenir naturel et ne pensa pas à leur dernière dispute. C'était derrière lui et ce n'était pas si important que cela. Il pouvait comprendre.  Athos était quelqu'un de très rancunier. Sauf pour les choses sans importances et il savait faire la part des choses.  Lui et Realys étaient restés amis, et il la considérait sincèrement comme telle. A son tour, il dit, son sourire charmeur inimitable au visage, et d'un ton follement ironique.


" J'ai aussi trouvé le temps plutôt long en cage "


Il haussa les épaules avant de rire un peu, d'un rire plutôt détendu. Il pouvait sembler prendre cela a la légère.  Et c'était mieux pour les apparences. Tout le monde savait qu'il avait été capture et mis en cage par les Hommes. Comme tout le monde savait qu'il était le seul à avoir réussi à s'évader par lui même.

Athos regarda son amie droit dans les yeux. Elle avait l'air en colère, à sa grande surprise. Quel était le problème? Il avait toujours été comme ça, impulsif, ironique. Après tout, c'était ça l'esprit Sekmet. Jamais abattu. Athos regarda son amie tourner en rond et s'énerver toute seule, et il ne put s'empêcher de sourire face à son mécontentement. Oui, il avait vécu des choses, oui, il avait été prisonnier et il avait subi des traitements humains. Oui, cela aurait pu le détruire, le changer à jamais, comme Arès. Mais Non, il ne s'était jamais laissé abattre, il avait motivé les troupes comme il l'avait toujours fait, motivé Gallya, motivé Anya, il s'était échappé seul parce qu'il n'avait jamais perdu fois en lui-même ! Alors avait-il été transformé par cette épisode sombre de sa vie? Dans un sens, oui. Il était devenu bien plus fort et il en était sorti des résolutions et des idées pleins la tête, il savait à présent exactement qui il était. Et ça ne changerait jamais.


La louve s'arrêta finalement. D'un ton hésitant et presque inquiété, lui sembla-t-il, elle demanda à Athos s'il allait bien. Le loup haussa les épaules d'un sourire ironique.


"Comme quelqu'un qui sort d'un séjour chez les humains."


Puis, il lança un sourire réconfortant à la jeune louve. Décidément, elle s'était bien plus inquiété pour lui que ce qu'il avait pu imaginer !


" Ca va, ça va très bien. Ne t'inquiète pas, je suis sorti avant de péter les plombs"


Il ajouta cette dernière phrase presque dans un rire. Il s'était échappé, lui et Anya avaient pu fuir. Il avait même pu espionner, le moins discrètement du monde mais le mieux à la fois, la réunion de meute des Navnik. Ensuite, il avait pu mettre tout en place pour la libération, entre les discussions, les stratégies, et tout ce qu'il avait vu là bas. De sa voix roque et impérative, il dit à Réaïlys :


" Toi?"


Un mot, pas plus. Il n'était pas du genre à bavarder, sauf lorsqu'il était en colère et lançait des piques ironiques à tout va, des phrases à arracher le coeur. Mais il voulait quand même savoir comment son amie noire avait suivi la situation ici. A vrai dire, les avis de Blasphem et Alkaine, seuls qu'il avait reçus depuis lors, étaient assez... controversés.

Athos reprit son sérieux lorsque la louve lui répondit sur le même ton que lui. Elle n'était pas sérieuse tout de même? Athos regarda durement la louve, il commenca à marcher, lui aussi, entraînant la louve dans une petite marche dans laquelle ils pourraient discuter un peu plus sérieusement. Cela faisait même stupide de rester comme ça face à face.


Le jeune loup marcha donc à côté de Réailys, alors que celle-ci semblait légèrement irritée. Athos brisa la glace. La conversation sérieuse allait commencer.


" Je vois. Beaucoup de choses ont changé depuis le temps que je suis parti. A commencer par le désastre de la disparition d'Empress. Entre les cages, les humains, mon évasion. Tout a été vite, pourtant j'ai l'impression que cela a duré des années, rien que le temps que nous sommes restés en cage. Des semaines, des semaines que nous avons passé chez les Hommes!"



Ca y est, le vrai Athos resurgissait. Il était furieux, furieux! Pourquoi personne n'avait agit alors que certains d'entre eux devenaient complètement fous, pourquoi personne n'a agit! A cause d'eux, Arès en était sorti transformé, presque mort!Et tous ces loups qui avaient subi des traitements, tout cela sans une seule intervention ! Certes, Athos savait qu'une telle opération prennait du temps. Mais le temps que les Sekmet avaient perdu leur avait coûté cher.

Athos regarda attentivement Réailys. Elle était toujours nerveuse, il n’aurait pas vraiment su dire pourquoi. Athos continua de marcher à côté d’elle songeur. Il avait les pensées légèrement ailleurs, depuis quelques temps, bien des choses occupaient son esprit. Beaucoup de choses.

« Oui, nous sommes restons bien trop longtemps dans ces foutus cages. Je n’ai aucune idée de combien de temps je suis resté là dedans. En vérité, nous n’avons pas été pendant toutes ces semaines dans la même cellule. Ils nous ont changé d’emplacement en nous piquant pour qu’on s’endorme. C’est vrai que ce n’est pas quelque chose que j’aurai souhaité à quelqu’un »


Puis, Athos se stoppa : vraiment ? Dans un petit rire sadique, il rajouta :

« Sauf à Atom bien entendu ! »

Oui, il l’aurait bien mise à la place de sa fille, à se tordre de douleur sous les assauts des bâtons qui crachaient les éclairs. Ca l’aurait beaucoup amusé, presqu’autant que de voir Sageeth s’énerver sur ses barreaux. Celui-là, il l’aurait laissé bien volontiers pourrir là-bas. Mais si une alliance est faite avec les Navniks, ce qui se fera sans nul doute, il devra sortir aussi. Dommage...

Athos marcha aux côtés de son amie. Après quelques paroles échangées, elle prit un air beaucoup plus préoccupés. Elle et Athos avaient été amants, et Athos la connaissait par coeur. Il connaissait ses réactions, ses envies, ses mimiques. Et il savait que ce regard inquiet ne présageait rien de bon. Est-ce que tout allait bien ? Il commença à s’inquiéter pour la jeune louve. Elle n’avait pas pour habitude de rester aussi silencieuse. Athos aurait pu penser que cette réaction était le reflet de leur relation depuis quelques temps, leur dispute à cause du lien entre Eesia et lui, leurs querelles. Mais c’était il y a déjà plusieurs mois. Il connaissait Réalys, elle n’était pas rancunière, pas pour ces choses, là, alors pourquoi était-elle tracassée ?

Il commença à ralentir la marche, la forçant à ralentir aussi. Il allait parler, il allait lui demander de front ce qu’il se passait, parce qu’il était comme ça, il n’était pas de ceux qui tournaient autour du pot, il n’était pas de ceux qui cachaient aux autres, il était honnête, il était droit et juste. La justice était son mot d’ordre depuis toujours, il avait toujours été ce jeune loup avide de justice et de droiture. Athos allait plonger son regard bleu corbeau dans les yeux de Réalys, signe qu’il était des plus sérieux du monde, qu’il ne rigolait plus et qu’il fallait qu’elle lui réponde de suite en étant sincère. Mais il en eut pas le temps, car la jeune louve brisa la glace avant qu’il ne prononça une seule parole.

Elle lui parla de ce qui avait fait bouger la meute de l’intérieur depuis plusieurs jours et qui faisaient échauffer les esprits. La montée au pouvoir de Hige. Le conseiller, l’oreille des Sekmet, le discret Hige était passé de soumis à dominant en un éclair. Qu’en pensait-il ? Ceux qui connaissaient très bien Athos savaient déjà ce qu’il en pensait sans même lui demander. Rajaa, sa soeur, aurait sû, de la meute des Navnik, en apprenant la nouvelle, qu’Athos aurait été furieux de cette injustice, que Hige se soit octroyé la place d’alpha alors qu’il avait toujours été oméga, soumis, conseiller, excellent chasseur mais pas meneur !

Lui qui n’y pensait plus beaucoup à cet instant fut ensevelit sous une tempête de sentiments. Son visage resta de marbre pourtant, si ce n’étaient ses dents serrées qui crispaient sa mâchoire d’une manière presque imperceptible. Qu’en pensait-il ? Que ce n’est qu’une grosse, une énorme, la plus catastrophique de toutes les blagues du monde. Hige s’était propulsé de lui-même au sommet. Et ça n’allait pas se passer comme ça.

D’une voix calme et posée, comme toujours, Athos déclara :

« Il est évident que je n’ai pas à te détailler ce que j’en pense : une blague. Une très mauvaise blague. »

Il serra les dents, la regarda droit dans les yeux. Elle comprenait, il le savait.

Athos regarda son amie.Elle avait l’air de se faire du soucis elle aussi quant au nouvel Alpha qui s’était installé de plein droit à la tête des Sekmet. Mais que personne ne se leurre. Hige n’était qu’un pantin, une marionnette dans les mains de Torka qui contrôle en fait la meute à travers lui. Il n’a pas voulu être Alpha pour ne pas supporter ce poids. Il veut les avantages, pas les inconvénients. Il ne vaut rien en tant qu’Alpha, d’après Athos. Et cette idée avait l’air d’avoir été partagée par d’autres Sekmets. Athos avait déjà commencé à sonder un peu les esprits, pour savoir qui serait peut-être en mesure de le soutenir s’il tentait quelque chose de dangereux. Très dangereux. Il y risquait sa vie, sa famille, tout ce qu’il avait réussi à construire jusqu’ici. Sa place de général, déjà bien élevée dans la hiérarchie de la meute. Mais Athos voulait faire plus, Athos ne voulait pas que son avis passe à la trappe puisque son avis ne comptait pas pour Hige. Déjà, quand Athos avait voulu négocier avec Helya, parce que ce dernier avait eu récemment des excellents rapports avec elle grâce à Anya, et qu’il était dès lors le plus en mesure de conclure le meilleure de pacte et la plus solide des alliances, Hige ne l’avait pas écouté. Par orgueil, sûrement, il avait voulu y allait lui-même. Résultat, Helya ne rêve que d’une chose. L’égorger elle-même. Quel gâchis. Il ne savait que se soumettre. Que s’écraser et mettre la meute en l’air. Il aurait dû rester conseiller, là, il faisait grandir la meute. Mais il était incapable de prendre des décisions, alors il était incapable d’être Alpha.

Athos hocha la tête aux dires de Réalys.

« Je me doute de tout cela. J’ai été absent à cause de ces humains, mais j’ai pu m’enfuir, m’évader, et maintenant tout va changer. »



Il avait le regard vers l’horizon, dans le lointain. Oui, il allait changer ça, il allait faire se relever les siens. Il le fallait. Athos tourna la tête vers Réalys, revenant à lui, et lui adressa un sourire rassurant.

« Tout va bien se passer. Et j’aime bien le froid. Ca donne l’envie de réfléchir. On rentre ? »



Il lança un regard charmeur à Réalys, comme il le faisait toujours, et il commença à avancer pour rentrer à l’avion où Athos irait réfléchir dans son cockpit.