Des jours, peut-être quelques semaines, que je n'ai pas revu celle qui semble être devenu ma fille. Est-elle morte quelque part ? N'a-t-elle pas survécu malgré mes soins et son apparente bonne santé ? Aucune idée. Peut-être retrouverais-je son corps quelque part dans la glace, lorsque le printemps reviendra. En attendant de remettre une patte dessus, bien des responsabilités m'attendent. Et si je ne suis pas le guerrier le plus dévoué aux siens, je n'en reste pas moins un combattant qui sait obéir aux ordres lorsqu'ils viennent d'en haut. Mais pour recevoir des ordres, encore faut-il connaître ceux qui sont justement mes supérieurs hiérarchiques. C'est donc dans l'idée de rencontrer l'un d'entre eux que je rejoins les ruines de la chapelle, cet endroit où ma meute a élu domicile il y a déjà plusieurs mois, presque un an. Je frôle le sol de mes pattes, laissant mon esprit divaguer loin de mes soucis personnels le temps de rejoindre ce point stratégique. Et alors que j'arrive enfin sur les lieux, mon regard croise celui d'une louve inconnue jusque là. Droite sur ses pattes, l'allure franche et sûre d'elle. Sa prestance et son regard sérieux, tout jusqu'à son odeur m'indique que je suis face à celle que je cherche. Je m'approche avec un signe de tête respectueux, comme si j'étais son plus fidèle partenaire, comme si nous nous connaissions depuis des années alors que ce n'est pas le cas et loin de là. Au contraire, je suis un parfait inconnu. Même si je suis sous ses ordres, je ne suis rien d'autre qu'un Navnik parmi les Navnik. Mais, les choses changent.

- Mon Général. Je suis à vos ordres si vous avez besoin de moi.

Peu m'importe qu'elle n'ait fait quérir quelqu'un. Au moins maintenant, elle sait qui je suis et pourquoi je suis là. Reste à savoir si elle méritera mon respect au fil des missions que je pourrais à l'avenir remplir à ses côtés.

A quoi bon se présenter ? Aura-t-elle besoin de mon nom pour abattre ses crocs sur nos ennemis ? Je l'écoute cependant en silence, avec le respect que je dois à mes supérieurs. Pour l'heure il n'est qu'hypocrisie, mais elle aura tout le loisir de gagner ma sincérité lorsque j'en saurais davantage sur elle. Amour Suprême, hein ? Quel nom pathétique. Pourquoi n'est-elle pas nourrice, hm ? De mon regard ne s'échappe pas la moindre étincelle d'amusement ou de sournoiserie, et je reste ce mâle impassible que j'ai toujours été. Mon histoire ? Là aussi, à quoi bon ? Pourquoi raconter mon passé à une louve qui m'est inconnue ? Parce qu'elle m'est supérieure elle pense faire de moi son larbin ? Misérable.

- Mon nom est Daren, je viens des montagnes où j'ai grandis avec mon frère, Hassan.

Depuis quand ? Comment ? Pourquoi ? Telles sont les questions que tout loup se poserait. Et je n'ai pas l'intention d'y répondre, qu'elle me les pose ou non. Je suis un guerrier, pas un conteur. Je suis là pour me battre, pas pour bavasser des heures durant. Je l'observe en silence, analysant ses capacités physique et sa posture fière. Elle ne se laissera pas marcher sur les pattes, elle a confiance en elle et elle sait pourquoi elle est devenue Générale. Elle n'est visiblement pas de ces loups pistonnés qui accèdent à un rang parce qu'ils connaissent les hauts gradés. Quelque chose dans sa posture, dans son attitude, me dit qu'elle mérite sa place même si elle me semble bien jeune.

La louve n'est pas curieuse. La louve respecte ma vie privée, et ne pose pas davantage de questions. Et moi, le mâle immaculé au regard cyan, je suis satisfait de ce silence qu'elle s'impose et m'offre. A défaut de parler, la voilà qui part. Un mouvement de tête et je suis sur ses talons, prêt à écouter tout ce qu'elle aura à me dire. Seulement elle n'est pas là pour parler, et je le comprends rapidement. Nous nous mettons en chasse, notre attitude est celle des chasseurs. Bon sang des chasseurs, nous voilà à faire le boulot des autres. Que veut-elle de moi ? De la polyvalence ? Pour quoi faire ? Restrictions budgétaires peut-être ? Je ricane à cette pensée, mais ne fais aucun commentaire et la suis de prêt. Puisque Madame le Général veut chasser, alors soit, je chasserais. Les oreilles pivotant dans tous les sens, je cherche les sons de proies, les odeurs de cibles potentielles. Je suis l'animal en traque, le prédateur sur sa piste. Je cherche les premières odeurs qui pourraient recouvrir le sol.

EDIT : J'me suis planté de compte lel

Je laisse la jeune femelle devant sans m'inquiéter de ce qu'elle fait. Si elle découvre une piste, je serais le premier à le savoir puisque je sais comme tous mes semblables analyser les attitudes de ces derniers. Alors je continue de traquer à ma façon, identifiant les odeurs au fil de mon avancée sans pour autant m'affoler à chaque fois qu'une piste potentielle se présente. Et puis, brutalement, me voilà flanqué au sol. Je me retrouve sous une louve dont la masse est largement supérieure à la mienne, et si mon égo n'est pas touché par cette soudaine soumission mon esprit guerrier lui, se réveille d'instinct. Je balance mes postérieures dans son abdomen dans un violent mouvement de recul, la forçant à se dégager de moi, et je me relève en une fraction de seconde pour lui faire face. Voilà mon plaisir. Voilà ce pourquoi je suis né, ce pourquoi je me suis entraîné toute ma vie. Mais, déjà, la femelle a repris la chasse, et me voilà contraint de suivre le mouvement en silence. Frustré, je lâche un léger grognement entre mes crocs alors que mes narines s'approchent de nouveau du sol. Et, tandis que l'odeur d'un cervidé m'arrive dans les sinus, je m'élance en avant sans prévenir, la frôlant avec exagération comme pour la mettre au courant de ma découverte sans user de ma salive. Je traverse les bois comme si j'avais la mort aux trousses, et bientôt un faon décampe d'une cachette de verdure minable pour s'élancer devant moi, paniqué. Je rassemble mes membres sous mon corps et accélère l'allure pour le rejoindre, le talonnant et claquant des mâchoires juste derrière lui.

Tout se passe très vite. La louve prend les choses en pattes, elle est celle qui mettra notre proie à mort pour cette fois. Je cours toujours derrière l'animal, claquant sauvagement des mâchoires en essayant de l'atteindre, jusqu'à ce que les crocs de ma Général ne se referment sur sa gorge pour le mettre au sol et le tuer lentement d'asphyxie. J'aurais aimé avoir ce privilège, mais au final peu important tant que nous avons de quoi nourrir les nôtres.

- Découpons-le et camouflons les morceaux, la chasse n'est pas finie.

J'acquiesce à ses ordres d'un hochement de tête et m'efforce de planter mes crocs dans la chair pour déchirer la peau. Je sens l'odeur du sang se répandre dans mes narines alors que le précieux liquide se répand sur mes dents et le sol. Je tire d'un coup sec pour déchirer la chair, arracher la peau et couper en morceaux distincts les différentes parties du petit animal. Le travail est éreintant, mais si nous voulons pouvoir le ramener plus tard aux nôtres, nous n'avons pas le choix. C'est une étape nécessaire pour ne pas se faire voler le fruit de notre dur labeur. Ce moment terminé, nous voilà déjà repartis sur les traces d'une nouvelle proie. Je pose ma truffe au sol et je cherche une autre piste à suivre, une autre proie à traquer. Nul doute que les animaux sont de nouveau nombreux dans les parages. Reste à trouver quelque chose à se mettre sous les crocs.

Nous courrons côtes à côtes durant de longues minutes, mes muscles roulant sous ma peau épaisse et faisant danser mon pelage immaculé, tandis que mes poumons se remplissent à un rythme régulier d'oxygène pour nourrir mon coeur battant. Je souffle fort, me concentre sur ma tête et essaie de trouver une piste. Bientôt, nos pas nous mènent à une clairière qui me semble vide de toute vie. Djall se place en retrait, comme si elle sentait un danger et qu'elle hésitait. Moi je fonce droit devant, l'allure ample et les muscles tendus. Je n'ai pas peur, je veux me battre. Si je dois risquer ma vie face à une proie trop grosse ou trop dangereuse, je le ferais sans la moindre trace d'hésitation. Je marque un arrêt lorsque je débarque dans la clairière. Rien. Pas un lièvre, pas le moindre chevreuil et encore moins de Djall. Je me retourne, ne la trouve pas, et je la cherche du regard. Pendant une seconde, le doute s'insinue en moi. Est-ce que je viens de louper quelque chose d'important ? Espérons qu'elle n'ait pas été assez stupide pour se faire enlever sous mes yeux ... Manquerait plus que je sois responsable de la disparition d'une Générale. Je m'avance un peu plus, cherche son odeur. En vain. Et brutalement, je suis plaqué au sol comme une vulgaire proie. Je gronde de surprise, me débats, mais la masse au-dessus de moi est bien trop imposante. Je ne peux rien faire pendant de longues secondes, jusqu'à ce que je réalise qu'il ne s'agit que de Djall. Alors, violemment je redouble d'efforts et plonge mes crocs dans son encolure pour la faire descendre. Je me relève promptement, me retourne et fonds sur elle, tous crocs dehors. Si elle veut s'entraîner, je suis son loup. Je plaque mes antérieures sur son poitrail pour tenter de lui faire perdre l'équilibre, et comme je ne parviens pas à la faire reculer je mord dans son collier pour la tirer en arrière. Déstabiliser l'adversaire pour mieux le plaquer au sol.