Athos chassait avec rage et allégresse. Enfin la neige avait disparu !! Ce manteau froid et trompeur, magnifique piège mortel avait laissé place à la boue et l'humidité constante. Ce n'était pas vraiment mieux au niveau des conditions de vie, mais au moins le froid était parti. Et surtout, surtout. Les troupeaux étaient revenus, et avec eux le gibier entier. De toutes ses forces, îl avait couru contre ce blaireau qui venait d'attraper un souris. Le blaireau était trop lourd. Athos eut le blaireau. Et la souris.  La forêt charbonneuse  lui avait manqué. Sous ce tas de neige, il ne la reconnaissait plus mais à présent que le manteau blanc était parti, il se sentait à nouveau chez soi. Son lui de chasse de prédilection,.mais aussi l'endroit où il aimait le plus réfléchir. Bien sûr, il y avait son cockpit. Mais il était un peu trop près de... tout le monde. Alors il aimait s'isoler ici un peu, là où les sekmet ne traînaient pas beaucoup en ce moment du fait de la boue et des pluies. Après avoir déposé son gibier, le grand mâle aux yeux bleus-corbeau était reparti faire une balade. Enfin seul. Enfin tranquille. Il pourrait réfléchir.  Réfléchir à tout ce qu'il s'était passé dernièrement, à tout ce qu'il avait pensé aussi, vécu également. Les cages. Anya.  Ses enfants. Athos s'était éclipsé une nuit pour rejoindre Anya chez Emarok. Il l'avait senti, comme ce sixième sens paternel. C'était le moment. Il avait couru de toutes ses forces pour rejoindre celle avec qui il avait passé le premier bon moment depuis des mois. Athos était arrivé allétant  à la tanière, suant toute son eau. Mais il était arrivé à temps. Là, il avait vu Emarok aider Anya. Le jeune loup avait fixé les yeux de la belle blanche, comme s'il voulait lui donner sa force. Allez... La peur du père, le stress intense. Puis le soulagement quand il entendit les petits piaillements. Trois petites boules  de poils sortirent du ventre d'Anya dans un cri douleur lorsqu'il aspirèrent  leur toute première gorgée d'air.  Cependant, Athos avait remarqué quelque chose d'anormal. Ayant été élevé par  un guérisseur,  il avait très bien compris ce qu'il se passait. Un petit ne bougeait plus que frénétiquement les pattes et Emarok s'activait de toutes ses forces pour que ça marche. .. mais le louveteau ne tint pas. Des les premières secondes, îl était déjà mort.  Mort né. Jamais Athos n'aurait imaginé ressentir une telle douleur, un tel déchirement. De rage, il était sorti de la tanière du guérisseur lentement, presque automatiquement, les yeux ne voyant plus le monde. Puis, arrivé dehors, lorsqu'il ne fut plus visible par personne, il avait explosé. De toutes ses forces, il avait hurlé, maudit la terre entière, maudit le monde, les animaux, les hommes, la nature, tout !! Il s'était maudit lui même de n'avoir rien pu faire pour éviter ça.  Après vingt bonnes minutes à extérioriser sa peine et sa rage, le loup était rentré dans la tanière du guérisseur, doucement, durement. Son regard se posa sur les boules de poils qui étaient déjà sur leur mère à réclamer leur dû. Athos eut alors des étoiles qui brillerent dans ses yeux. Lorsqu'Anya lui annonça les noms qu'elle avait choisis pour leur fille et leur fils, Athos hocha doucement la tête.  C'était parfait...

Athos grogna. Une odeur était parvenue jusqu'à ses narines et l'avait sorti de ses pensées, de ses souvenirs. Il allait l'entendre, celui qui traînait par la. Il s'approcha un peu et s'arrêta net quand il reconnut l'odeur.  Depuis combien de temps ne l'avait il pas vue ? Nilaya... la belle louve noir rebelle et... magnifiquement sensuelle. Il avait de beaux souvenirs avec elle. Des petits souvenirs auxquels il repensait d'ailleurs avec un sourire ravageur aux lèvres.  Doucement, il s'avança.  Il hésita à la surprendre comme quand ils étaient plus jeunes, puis se ravisa.  De loin, il avait l'impression qu'elle dormait... pas d'un sommeil très paisible. Elle ne pouvait pas le voir de la où il était,  mais elle pouvait le sentir et elle le sentit. Durement, elle prononça des paroles offensives. Athos répondit en s'avançant devant elle pour qu'il la voit bien.

" C'est le grand méchant loup qui vient croquer le mouton noir..."


Évidemment, il y avait un sens plutôt. .. détourner du verbe "croquer" mais il savait que Nilaya le connaissait bien... Et connaissait aussi l'humour du jeune loup ravageur.

La louve noire avait les yeux ailleurs. Mais quand elle s'approcha d'Athos, ce dernier s'aperçut néanmoins que la lueur de son regard changea quand la louve passa à côté de lui. De son regard bleu-corbeau, il la suivit, observant ses gestes, puis il fut toutefois surpris de la voir lui caresser doucement et agréablement le museau. Athos tourna doucement la tête pour mieux regarder la louve, assez surpris qu'elle réagisse aussi bien alors qu'elle était dans de si mauvaises conditions lorsque le grand loup brun était arrivé. Un sourire pendu à ses lèvres, Athos répondit à la jeune louve d'un air plutôt nonchalant mais dont on sentait neanmoins; si on le connaissait bien, le poids dans toutes ces paroles :

" Je dois avouer que j'ai été un peu occupé ces derniers temps."


Son sourire charmeur qu'il arborait à chaque fois qu'il parlait à une louve qu'il allait aimer ou qu'il avait aimé, physiquement parlant s'entend, bien naturellement,  cachait néanmoins bien des choses. Son petit séjour chez les Hommes n'avait pas vraiment plu à Athos. Était ce la décoration intérieure un peu trop blanche à son goût ou même l'odeur nauséabonde d'alcool et autres excipients qui lui avaient brûlé les narines pendant quelques semaines, si bien qu'au début de sa liberation il ne parvenait même plus à sentir autre chose ? Peut être.  Peut être aussi était ce ce visage paniqué d'une louve fragile qui l'avait marqué, ou alors le regard fort et qui soutenait de toutes ses forces qu'une autre louve lui  avait lancé ?

Mais sa captivité n'avait pas été le seul fait de son absence. Il y a eu tous ces préparatifs aussi.  Ces plans de batailles contre les Hommes, ces entraînements répétés et frénétiques avec les autres loups moins aguerris, ou enfin et surtout psychologiquement peut être. Il avait eu des enfants. Des enfants de Anya.  Il se sentait tellement trop jeune, il ne s'imaginait même pas avoir un jour des enfants, ou du moins pas de si tôt.  Il avait été très ébranlé par la nouvelle. Mais en même temps, il sentait déjà un lien immense avec ces gosses la.


" J'ai pas l'air de t'avoir manqué tant que ça pourtant!"



Dit Athos d'un air taquin et faussement jaloux.  En effet, son meilleur ami Blasphem lui avait parlé de quelques histoires... pas pour les enfants...

Athos ricana de son petit rire impérieux et fier qui le caractérisait si bien. Jaloux lui? S'il le fallait, il le s'était de chacune de celles qu'il a aimé. En fait, il l'était déjà peut être un peu en un sens. Même s'il n'avait jamais vraiment été casé définitivement avec une compagne, Athos pouvait parfois ressentir ce sentiment si intense et nourrissant de rage qu'était la jalousie. Chaque loup qui s'était  approché de ses conquêtes en sa présence s'en souvenir encore... Néanmoins, il ne fallait pas être à ce point jaloux et il le savait. Après tout,  aucune d'elle n'était réellement à lui. Ou peut être qu'elles l'étaient toutes. La conception de l'amour selon Athos avait un sens assez particulier que ni lui ni personne n'aurait su définir.  Il donnerait certainement sa vie pour toute fille qui a aimé. Mais il ne la partagerait pour rien au monde. Pour l'instant.  Athos commençait à revoir ses priorités depuis peu.  N'avait il pas eu des enfants récemment ? Pourtant, il ne souhaitait pas vivre avec Anya. Il l'avait aimé une nuit; c'est vrai, et ils étaient des amis chers l'un envers l'autre.  Pourtant. Pourtant il n'avait jamais voulu être avec elle. Pour preuve ultime, il avait préféré rester loyal à sa meute; aux siens, aux Sekmet et à ses valeurs plus que d'accepter de rentrer avec Anya  et de rejoindre les Navniks,  même pour le bien de ses enfants. C'étaient ses enfants, certes.  Mais leur vie était avec leur mère pour l'instant.  Cela ne voulait pas dire qu'il s'excluait de leur vie, non pas du tout, il avait même négocié un laisser passer avec Helya. Mais le tout était qu'il ne désirait pas; pour rien au monde, quitter les Sekmet.  Jamais. Il se battrait et il resterait avec sa meute et surtout ses valeurs jusqu'à la fin.

Un bref instant; une fraction de seconde insaisissable hormis pour lui, Athos avait déconnecté. Il regardait Nilaya de son regard bleu-corbeau. D'un air faussement offensé et dans un sourire enjôleur à moitié dissimulé, Athos déclara :


" Jaloux moi? Voyons Nila, tu m'insultes !"

Un ricanement. Bien sûr qu'il était jaloux. Toutes les filles qu'il avait aimé savaient qu'il était jaloux à en tuer ceux qui touchaient ses aimées. Mais après tout, il n'avait pas le droit d'en dire plus, Nilaya n'était ni à lui ni à personne.

Athos reprit son sérieux.  Il n'y avait que ses amis qui pouvaient le voir sous ces airs plus décontractés, moins strict. Après tout, il avait toujours été plutôt renfermé, (hormis avec les jolies filles) et ce depuis son enfance.  C'était comme ça.  Un loup à l'idéal démesuré, se voulant sauveur du monde, champion toutes catégories, élite des élites.  Il avait été sévère avec lui même,  jeune , il s'était entraîné jusqu'au sang parfois. Et tout avait porté ses fruits. Il avait toujours réussi ce qu'il entreprenait parce qu'il le faisait toujours pour les meilleures raisons et pour le Bien.
 Cependant, Athos fut obligé de s'ouvrir lorsque Empress le nomma Général.  Le plus jeune général que les Sekmets n'aient  jamais connus. Alors,  il avait du se comporter en tant que tel. La rudesse et la.voix impérieuse, il l'avait déjà.  C'était le sens du contact qu'il n'avait pas, en particulier face aux mâles. Pourtant, il avait su donner confiance aux troupes. Il avait su se comporter en chef, en chef militaire.


" Il était tant de te revoir.  Beaucoup de choses se sont passés depuis la guerre, et certaines choses ont changé."


Il la regarda droit dans les yeux de son bleu-corbeau, miroir d'une nuit sans lune. Il était persuadé qu'elle savait de quoi il parlait.   

Ce fut comme une enclume sur la tête du jeune loup brun. La louve noire, qui venait de rire aux éclats après une allusion à leurs relations à tous les deux, passa ensuite à un air plus grave, sur un ton étrange qu’Athos ne lui connaissait pas. Elle le regardait avec un regard qui l’inquiétait presque, ce regard des gens qui sont prêt à tout pour une raison qui est chère à leur coeur, se regard, confiant, et qui montre qu’elle fait confiance, ce regard assuré, déterminé. Tant de chose en un coup d’oeil. Oui, elle lui montrait son soutien qu’importe sa décision. Il savait pertinemment de quoi elle parlait. Il comptait lui demander son soutien, et sans même qu’il n’ait à le faire, elle lui avait montré qu’elle lui donnerait, qu’elle serait une épaule sur laquelle Athos pourrait s’appuyer en cas de besoin. Il était à la fois soulagé et anxieux, anxieux de voir sa détermination. Anxieux pour elle. Il espérait de tout son coeur que tout se passe pour le mieux, il ne voulait en aucun cas que quelqu’un ne touche qui que ce soit qu’Athos aimait, sa famille, ni ses amis. Il ne laisserait personne mourir et mourrait s’il le fallait. Il était de ceux qui pouvait mourir pour les siens, pour ses idéaux. Il avait un idéal de droiture que Hige n’avait pas respecté. Il savait qu’il avait soumis par la crainte, surtout à travers Torka, certains membres de la meute des Sekmet. Ce qu’Athos n’acceptait pas. Il n’était déjà pas d’accord sur le fait que ce soit lui qui prenne le relais de Empress. Il y avait des limites à ne pas franchir. Mais elles avaient été franchies.


Athos s’éloigna un peu de Nilaya, de seulement deux ou trois pas, son front et ses sourcils froncés par la réflexion. Elle mettait cartes sur tables, alors qu’ils ne parlaient pas de cela, et elle montrait pas là sa détermination à le suivre dans ses sous-entedus que personne à par eux ne pouvait comprendre. Athos se retourna et regarda Nilaya dans les yeux, dans un hochement de tête.

« Nos actions pourront changer bien des choses. Pour le mieux quoi qu’il arrive. Pour toi comme pour moi. »

Il hôcha la tête en la regardant. Oui, leurs sentiments n’ont pas changé depuis qu’ils étaient ensemble, mais sentimentalement Athos était difficile à cerner. Il était tellement touché du soutien de Nilaya qu’il ne savait que dire. Il savait ce que cela signifiait pour elle, il savait quels sacrifices elle allait faire. Mais tout cela ne sera jamais, jamais vain. Ils gagneraient, et ils tireraient leur meute vers le haut. Athos aura le pouvoir de protéger ceux qu’il aime, mais il ne se bornera pas à ça. Fini d’être des moutons, des pleutres cachés dans leur trous. Les Sekmets n’étaient pas faits pour se terrer et seulement éviter le pire. Ils étaient à la poursuite du mieux, encore et toujours.

Athos regardait la louve noire qu’il connaissait si bien. Elle semblait vouloir le sonder, vouloir comprendre ses intentions profondes. Elle avait compris, bien sûr, depuis le début. Mais elle semblait vouloir savoir pourquoi Athos rechignait tant que cela à la mettre dans ce cercle vicieux dans laquelle il allait l’entraîner. En vérité, Athos avait peur. Non pas pour lui, non, c’était un loup courageux qui était prêt à mourir pour ceux qu’il aime. Mais il n’était pas prêt à ce que les autres meurent par sa faute. Il ne voulait pas que ceux qu’il aime disparaissent à cause de ses propres actions. Athos savait que ce qu’il s’apprêtait à faire était juste et bon. Mais si cela tournait mal, il voulait être le seul à en assumer les conséquences. Athos savait déjà que quelques loups seraient de son côté, à commencer par Blasphem, son meilleur ami, et également l’ami de Nilaya. Pourtant, Athos n’avait parlé vraiment à personne de son plan pour l’instant, car tout était encore à l’état d’ébauche, de brouillon. Il essayait de sonder un peu, voir qui n’était pas satisfait de la situation actuelle de la meute. Il y avait eu Réaïlys, puis Blasphem ou encore Draegon. Nilaya se doutait depuis longtemps de ce qu’Athos tramait, mais jamais Athos ne lui en avait parlé clairement. Pas parce qu’il ne lui faisait pas confiance, mais bien au contraire, parce qu’il avait peur, tellement peur de la perdre. La louve lâcha alors ces mots, comme lisant dans ses pensées :

"Je sais ce que tu comptes faire et peu importe l'issue, je serai avec toi."


Un frisson imperceptible pour Nilaya mais presque douloureux pour Athos lui parcourut le corps.Il pensait alors, dans son fort intérieur : Justement. Je sais que tu seras avec moi. Mais à quel prix le paieras tu ?

La jeune louve semblait toujours sentir les hésitations d’Athos, et ses craintes. Jamais Athos ne montrait les moindres signes de faiblesse. Jamais. Ils étaient trop intériorisés pour que quiconque puisse les voir. Mais Nilaya ne les voyait pas : elle les sentait, elle les devinait, comme si elle ressentait elle aussi cette crainte et cette peur et qu’elle la comprenait. Athos leva alors des yeux durs sur son amie, comme s’il s’était renforcé contre ce fait, comme s’il essayait qu’elle ne veuille pas le suivre. Mais la louve s’approcha de nouveau, et lâcha encore quelques mots :



"N'oublie pas ce que nous avons vécu, cela pourrait nous servir."


Elle avait raison. Elle avait raison depuis le début. Qu’importe ce qui allait arriver, ils seraient ensemble, tous, pour cette cause qu’ils défendaient. Car non, Athos n’était pas encore le seul à croire en sa meute. D’autres, comme lui, voyaient en ce Brasier Blanc une meute de feu, une meute intense, forte, au pouvoir illimité que l’on voulait brider.


« Je sais Nila. Je sais. Pourtant, il nous faudra être prudents. S’il arrive quoi que ce soit qui ne soit pas comme prévu, ne fait rien, ne t’interpose pas. Ce sera à ce prix. »



Les mots d’Athos, s’ils avaient été entendus par une autre personne que Nilaya, n’auraient eu aucun sens. Des phrases sans lien, ni queue ni tête, mais Nilaya allait comprendre. Elle allait comprendre qu’Athos acceptait le fait d’être aidé, d’être soutenu par celle qui serait toujours derrière lui s’il devait tomber. Mais Athos lui imposait une condition. S’il devait tomber, s’il venait à perdre ce coup d’Etat, Nilaya devrait le laisser tomber, s’écarter, pour ne pas recevoir sur elle le point écrasant des actes d’Athos. Il ne voulait pas qu’il lui arrive quoi que ce soit. Si Athos devait tomber, il voulait n’entrainer personne dans sa chute.