Souffle acide du vent, larmes brulantes du ciel. Le monde ne ressemble plus aux paysages d'autrefois. Les cataclysmes ont frappé, des colonnes de flammes et de fumées se sont élevées sur l'horizon. La guerre. La guerre des hommes. Et nous, les loups n'avons eu d'autres choix que de fuir. Nombreux furent nos congénères emportés. Nous traversâmes les plaines cabossées, les forêts de cendres, poursuivis par la faim, traqués par la mort.
Notre salut, nous le devions malheureusement à ceux qui avaient provoqué notre malheur.
Depuis l'explosion des usines ACRE - la nouvelle s'était vite rependue -, la neige avait fondu en grande partie, laissant apparaitre un sol brun et humide. Véga était restée à l'abri plusieurs heures après avoir entendu les détonations, craignant l'apparition des Larmes de Foudre, mais elles n'étaient pas tombées, et la faim avait finit par la faire s'aventurer dehors.
L'air était rance, dehors, mais les proies étaient sorties de leurs cachettes elles aussi. Véga pouvait en sentir l'odeur au fur et à mesure qu'elle courait dans la forêt, heureuse de pouvoir à nouveau chasser librement. L'hiver lui avait laissé des séquelles : elle avait maigri, faute de quoi se nourrir, mais à présent, elle allait pouvoir se rattraper. Se dirigeant vers le cœur de la forêt au pas de course, la louve commença à humer les environs. Les odeurs n'étaient pas très fraiches, pour le moment, mais elle état sûre de trouver une proie rapidement.
La louve crut repérer du mouvement, au loin. Elle s'en rapprocha silencieusement, prenant soin de ne rien heurter au passage, mais une fois la bas, ne découvrit pas la moindre trace de proie. Il a du s'enfuir... Songea t-elle en se retournant vers le chemin principal.
Son museau plaqué contre le sol, Véga continua donc d'avancer tout en cherchant consciencieusement une piste fiable. Tôt ou tard, elle finirait bien par tomber sur une proie alléchante : et elle ne lui ferait pas de quartier.
Une fine pluie s'était mise à tomber, inoffensive, mais assez présente pour l’empêcher d'utiliser son flair avec précision. La louve ne s'arrêta pas pour autant, comptant sur ses autres sens afin de repérer la présence d'une proie. La faim et le long hiver qu'elle avait subi lui donnaient l'énergie et la motivation de poursuivre sa marché, malgré la bruine, jusqu'à ce que se efforts soient concluants.
La pluie avait cessé et la louve s'était mise à trottiner doucement, soulevant ses pattes du sol avec souplesse. L'odeur légèrement acide de la bruine commençait à se dissiper peu à peu, lui laissant retrouver l'usage de son flair. Quelques traces de pattes l'avaient mise sur une piste, mais elles avaient disparu aux alentours d'une petite rivière. Véga s'était approchée de l'eau, discrète, mais même les poissons semblaient se faire rares.
La louve redressa les oreilles, observant les alentours. A proximité d'un point d'eau, les proies apparaissaient forcement, à un moment ou à un autre. Elle n'avait qu'a attendre.
Dissimulée dans le feuillage d'un buisson, la louve patienta donc, son corps plaqué contre le sol, qu'un animal daigne faire son apparition. Les minutes s'écoulèrent sans aucun mouvement, lorsqu'un bruit lui fit tourner le regard sur la gauche. Un renard se dirigeait vers le point d'eau avec prudence, les oreilles plaquées en arrière. C'était un adversaire plus redoutable que le lapin ou l'oiseau qu'elle espérait, mais elle ne s'en plaignait pas. Il lui faudrait seulement faire attention à ses petits crocs pointus ainsi qu'à sa rapidité, car il ne pourrait pas rivaliser avec elle, question puissance. De toute façon, Véga y serait allée même si ça avait été le cas. En ce moment, elle se sentait capable de battre un lynx.
Elle calcula donc la distance qui la séparait de sa cible, positionna ses pattes de sorte à bondir dans sa direction le plus loin possible et coupa sa respiration. D'un mouvement rapide, la louve jaillit de sa cachette, tous crocs sortis. Elle surprit le renard alors qu'il se désaltérait. Sa tête basse l'avait empêché de la voir venir, aussi elle put avoir le temps de l'approcher afin de le mordre entre les omoplates. Glapissant, le renard se contorsionna vivement, envoyant ses mâchoires enserrer la patte de Véga. La louve le laissa mordre, relevant son autre patte avant afin d'écraser le corps de son adversaire. Ses crocs continuèrent de le maintenir au sol, tendit que sa patte avant l'écrasait de tout son poids. L'animal finit par lâcher prise, retirant ses canines de sa patte pour tenter de l'atteindre dans une zone plus sensible. Elle prenait soin de tenir sa gorge ainsi que son ventre éloigné et suffisamment en hauteur pour qu'ils ne soient pas à la portée de son adversaire. Le renard gesticulait, griffant la terre, lorsqu'elle releva sa deuxième patte afin de la poser elle aussi sur le corps de sa proie, rejoignant la première, déjà en appui. Ses crocs lâchèrent le dos du renard pour se diriger lentement vers le haut de sa nuque, puis vers sa gorge. Elle peina à le maintenir au sol tendit qu'il essayait de se défendre tout en gigotant, mais une fois qu'elle eut réussi à prendre prise dans la gorge du renard, la louve resserra ses mâchoires le plus fort possible et attendit qu'il s'épuise par lui même.
Tel qu'elle était positionnée, il aurait fallu au renard une aide extérieure afin de s'en sortir. Ses griffes étaient écrasées sous son corps et son museau, trop loin pour pouvoir la blesser. Véga avait fermement planté ses crocs dans la peau de sa proie, les enfonçant toujours plus, tendit que le sang dégoulinait peu à peu à l’intérieur de ses mâchoires. Le corps du renard se ramollit au fur et à mesure que les secondes s'écoulèrent, puis il finit par ne plus donner signe de vie. La louve retira ses crocs, pressée de se nourrir.
Elle repartit ensuite, le ventre plein, prête à chasser de nouveau.
Dé de chasse : 9 A l’orée du bois, Véga avait repéré un terrier de lapin. La louve était restée dans les parages, assez loin pour ne pas se faire voir, mais suffisante proche pour les entendre sortir ou arriver. Elle avait camouflé sa fourrure brune dans les hautes herbes, attendant patiemment ses proies. Quelques heures s'écoulèrent. Un bruit lui fit finalement redresser la tête : un lapin venait d'émerger la tête de son terrier. Elle le laissa s'assurer que tout allait bien, sortir, s’éloigner, avant de se redresser lentement. Ses crocs à l'affut, Véga se rapprocha de lui à pas de loup, faisant face au vent. Le petit animal ne semblait pas avoir repéré sa présence.
Elle attendit le moment opportun avant de s'élancer à ses trousses, vive comme un éclair. Pris de panique, le lapin se mit à détaler en avant, prenant n'importe quelle direction du moment qu'il fuyait. Véga le suivit de près, faisant claquer ses mâchoires derrière lui. Dès qu'elle s'en approchait assez pour le saisir, le petit animal parvenait à s'échapper de justesse par de petits écarts. La course-poursuite dura longtemps, à travers la forêt. Véga sentait ses pattes se fatiguer, lorsque finalement, elle parvint à saisir la patte arrière de sa proie. Le lapin se vautra sur le sol, glapissant. Il tenta de lui décocher un coup de patte de celle qu'elle ne tenait pas, mais le visage de Véga se trouvait trop loin. Elle secoua ses mâchoires sur le membre de l'animal, puis remonta jusqu'à sa gorge pour l'achever avec un craquement rauque.
La nuit avait commencé à tomber lorsque Véga reprit la chasse. Près d'un sentier de la forêt, elle avait repéré les traces d'une jeune biche, accompagné de son faon. La piste n'était pas très récente, mais les deux animaux devaient sans doute se trouver encore dans les parages. Véga suivit les empruntes jusqu'à une clairière, ou elle crut sentir l'odeur caractéristique des cervidés.
Ses oreilles se redressèrent. Le plus agilement possible, la louve contourna les arbres et les broussailles afin d'avoir une vue d’ensemble sur la prairie. Elle s'abaissa au sol. En plein centre, une biche broutait le peu d'herbe qui poussait sur le sol bruni, l'air tranquille. Son faon se trouvait à quelques mètres d'elle, caracolant dans la prairie avec insouciance. Il étaient tous les deux des proies idéales, mais le petit se trouvait plus proche d'elle que la mère. Véga le prit donc pour cible principale. Elle concentra son attention sur le faon, s'assurant que ni lui ni sa mère ne l'avaient repérée. Tous deux étaient trop occupés par ce qu'ils faisaient.
La louve roula des épaules, attendit que le jeune ait le dos tourné, avant de bondir rapidement dans sa direction. Elle courut, oreilles rabattues, le plus discrètement possible, si bien que la mère remarqua le danger avant son petit. Elle brâmit, s'élançant en direction de la forêt sans attendre sa progéniture. Véga se lança à la poursuite de ce dernier, progressant à travers la forêt dans laquelle il l'entrainait. La biche était déjà loin devant, mais son petit, paniqué, butait contre le moindre obstacle et ne savait pas par ou fuir. La louve le poursuivit sur plusieurs mètres, le laissant se fatiguer avant de commencer à s'en approcher. Vers le milieu de sa course, ils pénétrèrent dans une zone moins boisée ou le faon put commencer à courir plus rapidement. Sa mère était déjà loin devant. Véga pressa l'allure, mettant ce type de terrain à son avantage pour le sprint final. Elle bondit sur le coté du faon, lui attaqua les jarrets. Le petit voulu se défendre par un coup de sabot, mais la louve n'eut aucun mal à l'éviter. Il fit un écart su le coté, se prit les pattes dans des branchages. Véga lui saisit la nuque entre les mâchoire, attrapant son encolure entre ses pattes. Le faon se cabra, avant de s’effondrer au sol. La louve le maintint à terre, ferme, jusqu'à ce qu'il arrête de bouger.