Souffle acide du vent, larmes brulantes du ciel. Le monde ne ressemble plus aux paysages d'autrefois. Les cataclysmes ont frappé, des colonnes de flammes et de fumées se sont élevées sur l'horizon. La guerre. La guerre des hommes. Et nous, les loups n'avons eu d'autres choix que de fuir. Nombreux furent nos congénères emportés. Nous traversâmes les plaines cabossées, les forêts de cendres, poursuivis par la faim, traqués par la mort.
Notre salut, nous le devions malheureusement à ceux qui avaient provoqué notre malheur.
Une journée qui aurait pu être banal, chassant, m'entraînant, je ne me souciais de rien ni personne dans ces moments-là, je me contentais de me renforcer, laissant le reste de côté mais, je sais que je ne pourrais pas y laisser indéfiniment … Belphegor me cherche, il sait où je suis, du moins, il sait que j'ai rejoins les Mercenaires. Il doit m'en vouloir mais, c'était là mon unique ticket de sortie et, je doute qu'il m'aurait compris. Je doute qu'il aurait compris le fait que je ne me sentais pas à ma place là-bas. D'ailleurs, depuis combien de temps suis-je partie ? Je ne sais même plus, l'hiver m'a semblait tellement interminable que j'en ai perdu le compte des jours mais, tant pis ! Tôt ou tard je leur feraient face mais, pas sans prendre certaines précautions ! Je ne suis pas idiot, du moins, je ne le suis plus autant qu'autre fois. Avant j'étais un sale gosse braillard, je ne peux pas le nier mais, finalement, de me retrouver seul m'a permis de grandir, de me calmer. Après je dis pas, il y a certains points de mon caractère qui on empiré mais, je suis déjà moins speed qu'avant, c'est déjà un bon début, non ?
En tout cas, je profitais de cette fin de journée pour me délier les pattes. Je ne savais pas trop où aller, en fait, je n'ai pas beaucoup d'option disponible. Bien des endroits subissent le courroux des Larmes de Foudre et, je n'ai aucun envie d'aller dans ces coins là. Me rabattant sur les terres du nord, seul endroit où les bipèdes et les Larmes de Foudre ne sont pas venu, je me promène sans réel but si ce n'est de m'aérer un peu l'esprit.
Me promenant du côté du styx, j'observe sans trop faire attention le paysage, jusqu'à ce qu'une odeur m'attire … Dalioka. Je m'arrête, tourne la tête en direction de cette odeur. Que fait-elle par ici ? Sûrement cherche-t-elle un endroit tranquille pour se camoufler ou chasser. Sur le coup, j'hésite, est-ce que je dois aller la voir ? Non, non … Pourquoi j'irais la voir de tout manière ? J'ai aucune raison d'aller lui parler ! D'accord, j'avoue je l'aime bien mais, je préfère garder mes distances, j'ai encore du mal à la regarder en face depuis l'épisode dans les ruines de la chapelle. Me faire découvrir dans un moment de faiblesse … Même si ça date, j'aime pas savoir que quelqu'un connaisse cette part de moi et ça me fou mal.
Si ça me fou mal et que je suis pas tout à fait à l'aise devant elle alors, pourquoi mes pas me mènent-ils dans sa direction ?! Pourquoi faut-il que mon corps agit toujours sans mon consentement ?! Bordel … Bah, tant pis … Je peux bien aller la voir pour savoir comment elle va, après tout, depuis que Adriel l'a embarqué, j'ai pas eu l'occasion de lui parler, en vérité, je l'esquive. Par moment je lui ramenais quelque chose à manger mais sans qu'elle ne me voit, du moins j'espère bien. J'ai pas envie qu'elle croit non plus que je suis à son service … Enfin, depuis le temps qu'elle a rejoint ses frères, il est peut-être grand temps que je lui parle, quoique je sens que ça ne va pas plaire du tout à Adriel mais, en même temps, j'en ai tellement rien à foutre de son avis à cet idiot.
J'arrive finalement à vue de la louve blanche.
- Hey Dalioka. Qu'est-ce que tu fiches dans le coin ?
Ouais, d'accord, c'est peut-être pas la meilleur façon de l'aborder mais, en même temps, c'est pas mon truc de parler aux femelles … Raah je sens que je vais regretter de l'avoir approché ...
Ce fleuve noir, à la fois impétueux et calme, coulait lentement à ma droite, tandis que d'un pas silencieux, je balayais la rive du regard. Le temps s'était considérablement assombri ces derniers temps. Ces nuages jaunâtres, je ne les avais jamais vu auparavant. Et pourtant j'étais consciente des dangers qu'ils auguraient. Des murmures, des voix m'étaient parvenus: les eaux déversées par ces nuages empoisonnaient le sol, brûlaient notre poil. J'avais vu, en montant sur une colline terreuse, les effets ravageurs au-dessus des Terres lointaines. Les embruns charriés par les vents sentaient la mort et le feu. A côté, les eaux du Styx paraissaient inoffensives.
Cependant, les proies semblaient être revenus. Je me dirigeai vers des terres plus abondantes en bestiaux, quand une odeur me parvint. Une odeur connue de mes sens, et malgré moi, de mon coeur. Ragnar'k. Un ami, certainement, dans tout ce chaos. Malgré nos quelques entrevues houleuses, je l'appréciait bien. Il avait su se faire pardonner de ses méchancetés. Un coeur certes aride comme le mien ne peut pas garder rancoeur à vie. Savait-il que j'avais quitté les Navniks ? Certainement, puisque que, tout comme moi, son odeur avait changé. Elle s'apparentait à celle d'herbe foulée, de terre et de musc. Une odeur sauvage. Qui gardait cependant de son identité.
« Hey Dalioka. Qu'est-ce que tu fiches dans le coin ? »
Ragnar'k a grandi, s'est étoffé. Il est devenu aussi fort que moi, peut-être plus. Son pelage brun a foncé, avec la pousse de son poil d'hiver. Ses yeux mordorés cependant son restés les mêmes, et ils trahissent un certain doute, mêlé de ce qui semblerait être… de la nervosité ? Lui ferai-je peur, à cet ancien morveux ? Je décide d'ignorer ce comportement, faisans comme si je n'avais rien remarqué de son léger trouble.
« Bonjour Ragnar'k. Je fais certainement la même chose que toi: je survis. »
Mes yeux vairons le détaille un instant, puis papillonnent vers la rive opposée du Styx. Je ne sais pas si je peux m'attarder. Je ne sais pas si j'en ai le droit: maintenant, j'ai un frère qui m'attend quelque part, s'inquiétant pour moi. Cependant la compagnie de Ragnar'k m'est agréable, et je commence à ressentir le vie de d'une vide solitude. Je m'approche de quelques pas. Il ne m'a pas échappé que ce jeune loup rebelle est venu me voir de son plein gré, lui qui semblait pourtant rechigner ma présence.
« Qu'est-ce qui t'amène par ici ? » lançais-je d'une voix claire et cristalline, esquissant un léger sourire enjoué.
Je gratte légèrement le sol de mes griffes pour essayer de calmer mon malaise. Pourquoi est-ce que je réagis ainsi face à elle, sérieusement ? J'ai du mal à cerner mon comportement par moment et, peut-être que je ferais mieux de me détendre et de ne pas y penser. Je n'ai pas à me sentir mal face à une femelle après tout ! Quoique, celle-ci, Dalioka, connaît une part de moi que personne d'autres ne connaît. Qu'elle sache cela ne me plaît pas tant que ça, qui sait ce qu'elle pourrait faire de cette information ? Je n'ai aucune envie que d'autres connaissent cette partie sensible de moi et, encore moins ses frères, Pandémonium et Adriel. J'espère que jamais elle ne dira quoique ce soit à ce sujet mais, en même temps, je sais qu'elle ne le fera pas, allez savoir pourquoi …
Elle se rapproche de moi, je ne bouge pas, gardant la tête droite en la fixant. Elle a légèrement grandit mais, je commence à la dépasser. J'ai grandis, il n'y a pas à dire. J'ai grandis, je me suis renforcé, j'ai changé mais, jusqu'où j'ai changé ? Ça, je ne saurais pas le dire … Je sais juste que je ne suis plus ce louveteau braillard que j'étais, même si je reste une grande gueule, je l'ouvre moins. Hormis ça, qu'est-ce qui a changé en moi ? Je l'ignore, je le découvrirais bien. Ah si … Un manque, un gros manque … Ma famille … Si au début je me portais très bien sans eux, peu à peu, la solitude avait pris le dessus. Ici, je n'avais aucun ami, aucun allié. Mes amis sont chez les Sekmet, ma famille chez les Navnik. Deux meutes qui ne s'entendent pas et moi, je suis au milieu, bridé par Pandémonium, utilisé par Koschei. Ouais, la liberté que j'espérais n'est jamais venu et, je commence à me demander si un jour, je serais réellement libre …
Je pose mon regard dans les yeux vairons de la louve blanche. Mes oreilles partent légèrement en arrière à ses paroles puis, se redressent, bien droite.
- Rien … J'avais juste besoin de me dégourdir les pattes et de réfléchir un peu loin de tes frères.
C'est pas comme si j'avais du mal à les supporter, les trois là, entre Pandémonium qui colle Adriel et grogne sur Remus. Remus qui colle Adriel et grogne sur Pandémonium et Adriel qui semble pas capable de vivre sans ses frères et me grogne dessus, ça devient fatiguant … Bon au moins, il n'est pas tout seul lui, pas comme moi, loin de ma famille, de ma fratrie … Il va vraiment que j'aille les voir mais, comment ? Je n'ose pas, je redoute le pire … Puis une question me vient à l'esprit …
Ragnar'k continue son étrange comportement, et je vois, quand ses yeux croisent les miens, qu'il est en proie à de nombreuses réflexions. Il semblerait que cette vie de Solitaire lui apporte plus de tourments que de bonheur.
« Rien … J'avais juste besoin de me dégourdir les pattes et de réfléchir un peu loin de tes frères. »
Je ne tique pas à la mention de ma fratrie. Je sais que ces trois-là peuvent être de vrai bout-en-train s'ils le veulent; je connais suffisamment Pandémonium et son antipathie. Ils sont tous Mercenaires, et je suis la seule exception. Ce groupe clandestin et flou ne m'inspire rien de bon; il m'évoque une sorte de maladie contagieuse qui gagne peu à peu des coeurs corrompus.
« Les Navnik ne te manquent pas ? »
Sa question m'interpelle. Je redresse légèrement la tête, et mes yeux et mes babines esquissent une expression de tristesse et de compassion. Ce jeune loup aux yeux d'ambre ne manquera jamais de m'étonner. Je sens que, de par cette question, il me communique un certain manque. Des membres de sa famille, de ses amis… Aussi peu nombreux sont-ils, ils restent important pour chacun de nous. Si seulement il savait ce que j'ai ressenti face à ce départ, peut-être comprendrait-il. En ce qui me concerne, je ne peux pas le blâmer. Cependant, mes deux parents ayant disparus de la circulation, et mes seuls parents étant Solitaires, je n'avais pas d'autres options que de le devenir à mon tour. Ca n'a jamais été un choix pour moi, juste une évidence. Une évidence qu'il m'a fallu du temps pour accepter.
Me redressant, mon regard se fond dans la vague, et mon expression redevient sérieuse. A moi de me livrer, un peu.
« Il m'arrive de penser à mon ancienne vie. Je pense à mon ancien mentor, Ebène. A mon ami, Rhaegar. Je ne les ai pas revus depuis mon départ.Un sourire à la fois ironique et douloureux se dessine sur mes babines. Je n'ose imaginer ce qu'ils doivent penser de moi. Traîtresse, lâche, bâtarde. »
Je m'enfonce dans une réflexion doublé d'un silence. Mes yeux reviennent vers Ragnar'k.
« Cependant, j'ai fait un choix, et je continue de l'assumer chaque jour. Plus rien ne m'attend chez les Navniks. J'ai un devoir à accomplir, celui de ma lignée. Nous sommes tous entre les griffes du Destin, nous obéissons à nos sorts. Quitter les Navniks n'était pas une erreur. Pour toi non plus. »
J'appuie mes dernières paroles d'un regard insistant, chargé de signification. Si l'on ne se sent pas à sa place quelque part, c'est qu'il y'a une raison. Nous restons ainsi un instant, à nous fixer l'un l'autre. Après une inspiration, je demande:
« J'ai entendu dire que tu avais rejoins les Mercenaires. Cette nouvelle vie te plaît-elle ? Pour tout te dire, cette fausse meute me fait un peu peur. »
Je la fixe, son regard semble se perdre soudainement. Ai-je touché une corde sensible ? Aurais-je dû me taire ? Ce n'est pourtant pas dans mes habitudes de me retenir de dire quoique ce soit hormis pour éviter de me foutre dans la merde dernièrement mais, je ne sais pas, je n'ai pas envie de la blessé dans mes questions. Elle finit par me répondre, je l'écoute sans la quitter du regard.
Comparaît à moi, Dalioka avait des amis chez les Navnik. Il faut dire aussi que je n'ai pas cherché à m'en faire là-bas. Je n'ai fais que harceler les plus jeune que moi, les martyrisant pour évacuer ma frustration, ma haine. Des amis là-bas, je n'en ai pas, je n'en aurais jamais. Mes amis m'ont été retiré de force lorsque mère m'a amené chez les Navnik. Mes amis sont parmi les Sekmet mais, j'évite d'aller les voir, de peur de les mettre en danger de par ma présence. J'en ai revu entre temps, cela m'a fait un bien fou mais, en même temps, cela a créé un plus gros vide en moi. Le manque, la solitude, l'absence. J'aimerais pouvoir retourner vers eux, là, maintenant mais, je ne peux pas, j'ai quelque chose à faire avant, du moins, je dois essayer mais, je ne sais comment m'y prendre … Dalioka pense que ses amis doivent la prendre pour une traîtresse, une lâche mais, qu'en est-il de ma famille ? Comment me voient-ils désormais ? Je n'ai pas envie d'y penser en fait …
Son regard se repose sur moi, malgré le manque, elle semble convaincu de son choix. Pourquoi m'étonne-t-elle toujours ? Elle qui semblait pourtant si faible et perdu, elle semble toujours réussir à garder la tête haute et trouver quelque chose de positif dans le malheur qui peut l'entourer. Comment fait-elle ? Je me le demande … Ce qui m'étonne le plus, ce sont ces derniers mot. Quitter les Navnik n'était pas une erreur ? Le pense-t-elle réellement ? Pense-t-elle vraiment que ce n'est pas une erreur pour moi d'avoir abandonné ma famille sans un mot ? Je me le demande …
Je baisse légèrement les oreilles en détournant mon regard jusqu'à ce qu'elle me pose une question. Mon regard ambré se pose de nouveau sur elle. Elle a peur des Mercenaires ? Ma foie, ça peut se comprendre …
- Ça serait mentir de dire qu'elle ne me plaît pas mais, j'espérais pouvoir être plus libre de mes mouvements. Pandémonium m'a donné l'occasion de partir et de rejoindre les Mercenaires pour que j'ai une sécurité mais, j'ai l'impression de m'être entraîné dans quelque chose de mauvais.
Et pour cause, mon lien de parenté avec Tybalt, ancien Mercenaire qui a trahit son leader …
- Koschei, le leader des Mercenaires, m'a un peu trop à l’œil à mon goût, à cause de Tybalt. Je crains service d'appât au final, même si je m'en fiche de ce qui peut lui arriver, j'aime pas l'idée de me savoir utilisé … Enfin, tu fais bien de te méfier des Mercenaires. Ils n'ont ni foie ni loi. Tant qu'ils sont payés, ils sont capable de faire le pire des travailles mais, je ne doute pas que tes frères empêcheront qui que ce soit de te faire du mal de toute manière, quitte à perdre leur place. Et j'en ferais de même.
Pourquoi est-ce que j'ai dit ça moi ?! Pourquoi je lâche ça d'un coup ? Je serre la mâchoire en me rendant compte de ma stupidité et regard en direction de la sombre rivière pour ne pas avoir à faire à son regard.
Alors il fait bel et bien parti des Mercenaires... Je le regarde tandis qu'il me fait part de ses impressions. Je ne suis donc pas la seule à craindre ce groupe servile de loups avides de missions toutes plus tordues les unes que les autres. Dont Ragnar'k fait partie, mais pour lui c'est différent. Je le sens. S'il s'est embarqué là-dedans, c'est pour ne pas être seul, au fond. Sa plus grosse angoisse au fond, je l'ai deviné.
Pour mes frères, il a raison. J'ai la chance de les avoir, même s'ils m'en font baver parfois. Mes arrières sont protégés. Est-ce que ça veut dire que je vais intégrer leur groupe de Mercenaires ? Non. La vie de solitaire a un avantage: la liberté. S'encombrer de liens hiérarchiques et de responsabilités est contraignant.
« ... Et j'en ferais de même. »
Je redresse la tête et cherche son regard ambré, tandis que lui détourne le sien, se mordant presque la babine, serrant la mâchoire comme s'il se maudissait d'avoir dis ça. Je souris avec les yeux, attendrie par sa réaction et détourne le regard à mon tour, fixant le sol. Je n'ose pas répliquer immédiatement, tant par timidité que par délicatesse à son égard - je ne veux pas l'enfoncer encore plus. Tout d'un coup, la confiance que je pensais cependant posséder se volatilise. Je ne sais pas ce que Ragnar'k ressent, mais je ne suis pas sûre d'apprécier autre chose que son amitié. Pour l'instant. Alors je fais un pas en avant et, me raclant la gorge, je dis:
« Nous avons au moins un point commun: nous faisons tous deux partie de la progéniture de renégats Hordiens, peut-être trop pris par leur orgueil pour réellement faire attention à nous... »
Je parle d'une voix douce, presque prudemment, guettant sa réaction. Est-il encore gêné ? Soudain, une pensée me vient. Il y un peu plus d'un mois, j'ai trouvé des proies mystérieusement laissées pour compte, à l'endroit précis où je passais chaque matin pour rejoindre mon lieu de chasse. J'avais attendu, mais personne n'était venue les prendre. Pandémonium n'avait pas cherché à savoir, et les avait trainé jusqu'à notre planque. Je n'étais pas sûre alors, mais je suis désormais sure qu'elles m'étaient destinées. Mon regard se fait plus vif, et je tend ma patte vers le museau de Ragnar'k pour lui faire relever.
« Je crois que je sais ce que tu as fait, pour les proies. Et peut-être que tu ne voudras pas l'avouer, mais je te remercie quand même. C'était très noble de ta part. »
Je m'approche et enfouit brièvement ma tête dans le pelage coloré de brun. Et aussi vite que je me suis approchée, je me retire et m'assois sur le sol spongieux, souriante.
« Peut-être que le petit louveteau stupide a finit par grandir, finalement » lançai-je comme une boutade, malicieuse.
C'est vrai qu'on se ressemble plus qu'on ne semblait le croire. Tous deux enfants d'un Hordien, tous deux ne se sentant pas à notre place. Ouais … Et pourtant, j'ai l'impression que tout nous éloigne également. Enfin ! Faut que j'arrête à penser à des choses stupides bon sang ! Ça ne me ressemble pas de faire dans les sentiments et, je déteste ça. Pourtant, j'ai besoin de toi là, besoin de tes conseils et pour cela, je vais devoir m'ouvrir à toi. Oui, en réalité, tu es la seule à qui je peux parler de ce sujet et, la seule qui ne me jugera pas non plus, qui saura m'apporter une réponse, du moins, je crois …
Je fuis toujours ton regard car en réalité, je n'assume toujours pas mes paroles et je me demande encore pourquoi je t'ai sortie ça. Puis je sens ta patte se poser sous mon museau pour me faire lever la tête. Ce contacte est étrange, comme électrisant. Autant agréable que flippant même. Je plante mes yeux ambré sur toi et, j'aurais aimé fuir de nouveau ton regard sur le coup. Tu as donc deviné hein, tu as deviné que j'étais l'auteur de ces proies. Ma foi … Tant pis, je n'ai pas à me justifier et, de toute manière, je ne saurais même pas comment expliquer les raisons qui m'ont poussés à t'apporter de quoi te nourrir alors que tes frères peuvent très bien le faire pour toi. Mon geste était-il réellement noble ? Je n'en sais rien, je ne me suis pas posé la question.
Tu t'approches soudainement de moi pour poser ta tête contre moi, ce qui eut pour effet de me faire frissonner mais, également, de me figer. Pourquoi ? Pourquoi fais-tu cela ? Malgré que ce contact fut bref, je ne peux m'empêcher d'être crispé. Non vraiment, plus jamais ! Plus jamais tu ne m'approche de la sorte, pitié ! Je ne supporte pas le contact, je ne supporte pas ce gens de contact affectif enfin, en était-ce ? Je n'en sais rien et, je ne veux même pas savoir en fait ! Tu me souris mais, je me sens soudainement mal à l'aise et cherche à détourner mon regard mais, à force de fuir, ne te poseras-tu pas des questions ? Non, il faut que je cesse de fuir ! Je lâche alors un petit ricanement pour prendre sur moi.
- Hey je n'étais pas stupide ! Pas totalement. J'avais juste mes idées en tête ! Mais c'est toujours le cas, d'ailleurs, j'aurais besoin de ton avis ...
Aller Ragnar'k ! Tu dois y arriver ! Son avis sera utile ! Je dois lui en parler maintenant avant que la situation ne devienne plus dérangeante encore.
- Tu le sais, je suis né Sekmet et, je n'ai jamais réussi à me faire au changement de meute quand ma mère m'a forcé à quitter les Sekmet pour les Navnik. Qu'importe mon statut ou le nombre de loup qu'il pouvait y avoir autour de moi à jouer les gentils tout ça parce que je suis le fils d'Alpha mais, je ne me suis jamais sentie à ma place, je préférais ma vie banal chez les Sekmet auprès de ceux que je considère comme étant ma famille et là où sont mes amis. Je me suis toujours jurés de les rejoindre dès que je le pouvais, lorsque j'atteindrais ma maturité, seul moment où mère ne cherchera plus à me forcer à faire quoique ce soit, c'est pour ça que je suis aller chez les Mercenaires, pour me cacher entre autre … Enfin, maintenant que je peux enfin choisir ma propre vie, j'aimerais retourner chez les Sekmet mais … Je dois faire face à ma famille malgré tout et, je ne sais pas comment les aborder … Malgré le calme de Belphegor, je ne doute pas qu'il va vouloir m'en coller une, et Althéa … Bah … Je sens que je vais passer sus tous les noms improbables. A la rigueur ce n'est pas eux qui m'effraient le plus mais, ma mère. Je ne sais vraiment pas comment leur faire face …
Le loup brun aux airs d'ange gardien parait vite mal à l'aise. Pour moi, il n'en est rien. Après tout, quelle honte à remercier celui à qui on doit une partie de sa survie? Il ricane et répond à ma pique:
" Hey je n'étais pas stupide ! Pas totalement. J'avais juste mes idées en tête ! Mais c'est toujours le cas, d'ailleurs, j'aurais besoin de ton avis ..."
Je dresse les oreilles et m'assoit lentement, prête à écouter son problème. Et lorsqu'il commence, je garde tout mon sérieux. Il me laisse remonter avec lui aux sources de son enfance, de son mal-être, de sa hargne. Et tandis qu'il parle, de moins en moins hésitant, je comprends toute l'ampleur de son problème. Moi qui n'ai plus ni père, ni mère, du moins c'est ce que je crois en cet instant, je n'ai pas ce genre de responsabilités envers eux. Je n'en ai qu'envers moi-même, et Adriel. Retourner chez les Sekmets... Voilà une chose à laquelle je n'ai jamais réellement songé. Ma Meute a toujours été les Navniks, contrairement à Ragnar'k, d'où son comportement infect envers ses membres. Je conserve le silence, observant mon sauveur torturé, et lui adresse un léger sourire, puis mon regard se fait sérieux.
"En soit, ton problème est exclusivement affectif. A force de fuir ta famille, tu ne sais plus comment l'aborder. Et, si je vise bien, tu as toujours utilisé l'agressivité comme moyen de communication. Sauf qu'aujourd'hui, tu vas devoir faire autrement, si tu veux éviter de toute faire foirer. fis-je en lui lançant un regard entendu. Mais je pense sincèrement, que tu n'as pas à avoir peur. Après tout, c'est ta famille. Alors si je dois te donner un conseil, pour ce que ça vaut: aborde les humblement, avec franchise, et ne te laisse ni insulter, ni frapper. Ne réponds pas aux éventuels coups de Belphégor, ni aux piques d'Althéa. Montre leur que tu as grandi en maturité, que tu es prêt à faire tes propres choix. Que tu n'es plus ce jeune louvard que j'ai rencontré. J'ai confiance en toi."
Aller, Ragnar'k. Tu vas pouvoir faire ça. Je baisse les yeux un moment.
"J'espère que tu te sentiras enfin chez toi, avec les Sekmets."
Tu m'as écouté tout le long et, maintenant, tu cherches à m'aider. Face à tes paroles, je tourne la tête. Par gêne ouais et, parce que, au final, tu me connais, un peu trop même … C'est agaçant de savoir un loup me connaître de la sorte mais, je ne peux le nier, je ne connais que l'agressivité et, c'est pour cette raison que je redoute de voir ma famille en face à face et pourtant, je le sais, je vais devoir y faire face. Mon oreille gauche gigote. Tu me donnes des conseils sur comment agir face à eux. Tu as raison, je ne dois pas céder à la provocation et insulte que je risque de recevoir de leur part. Tes paroles me font sourire sur la fin. Tu le penses vraiment, le fait que je ne suis plus le louvard d'autre fois ? Bizarrement, ta confiance me réchauffe le cœur et me rassure. Je te fixe de nouveau après tes dernières paroles alors que tes yeux se sont baissés. Me sentirais-je réellement chez moi chez les Sekmet ? Je ne sais même plus où je serais chez moi je l'avoue …
- Merci pour ta confiance Dalioka … Et, j'ignore si je me sentirais chez moi là-bas encore, j'ignore si je me sentirais chez moi tout court quelque part mais, j'ai besoin de les retrouver. Peut-être que c'est une connerie, je ne sais pas mais je dois essayer.
Au pire, si ça se passe mal, si plus rien n'est comme avant chez les Sekmet, je n'aurais qu'à partir, non ? Certains d'entre eux comprendront mais, j'ai besoin de trouver ma place quelque part. Je ne supporte plus cette solitude et, j'ignore quand est-ce que je pourrais les rejoindre mais, je travaillerais dur pour cela, avant ça, j'ai quelque chose à faire …
- Même si je rejoins les Sekmet, je reviendrais te voir et si tu as besoin de quoique ce soit, tu sauras où me trouver. On restera ami malgré tout, non ?
Ami, pourquoi j'ai l'impression que ce mot résonne étrangement ? Pourquoi ai-je l'impression que quelque chose cloche ? Une douleur me prend au cœur et, je cherche à l'effacer rapidement. Secouant la gueule, quelque chose d'autre me revient alors à l'esprit, quelque chose qui ne va pas m'aider dans mon projet de rejoindre les Sekmet …
- Il reste un problème toutefois, autre que ma famille. Je suis Mercenaire et, je doute que Koschei me laisse partir après que Tybalt se soit barré. Il n'acceptera surement pas que le fils de celui qui l'a trahit part ainsi, puis, il y a aussi Pandémonium … Quand il m'a embarqué chez les Mercenaires, j'ai dû lui promettre de l'aider quand il en aura besoin de, je doute qu'il accepte que je me tire sans payé ma part du marché …
Ouais des ennuies j'en ai encore et il va falloir que je trouve comment me tirer de cette affaire ...
Ragnar'k veut essayer de trouver sa place quelque part, et je le comprends. Il semblerait que j'ai trouvé la mienne, parmi mes frères, mais qui sait, il arrivera peut-être un jour où je reprendrai ma quête.
« Même si je rejoins les Sekmet, je reviendrais te voir et si tu as besoin de quoique ce soit, tu sauras où me trouver. On restera ami malgré tout, non ? »
Il secoue la tête, et ça m'intrigue. Je prends ça pour de la gêne: après tout, a-t-il déjà simplement prononcé le mot ami devant quelqu'un ? Ce doit être un nouveau concept pour lui, il doit encore s'accommoder à la sonorité de ce son, et à la douce sensation que cela entraîne. Je lui souris, les yeux brillants. Je me retrouve sottement heureuse, à nous voir ainsi conclure une sorte de pacte d'amitié. Je suis contente de le voir quitter le chemin de l'animosité et de la suspicion, tout du moins avec moi. Il grandit.
« Il reste un problème toutefois, autre que ma famille... » commença Ragnar'k, la mine à nouveau contrariée.
Je l'écoute, mon sourire s'effaçant peu à peu. A nouveau, je comprends à quel point sa situation est complexe. Il a cru bien faire en rejoignant les rangs des Mercenaires, mais n'a fait que s'imposer plus de contraintes, dans ce groupe où n'existe aucune autre loi que celui du Leader. Je le considère tristement.
« Je ne connais Koschei que de réputation, je ne pourrais hélas pas t'aider. Tu ne devrais pas cependant laisser les autres te blâmer pour les fautes de ton père. Tu n'es pas lui. Essaye de le faire comprendre ça à ce loup qui me semble être un sinistre individu. Et puis, qui est-il au juste ? Le maître de ta destinée ? »
A ces mots, je me suis redressée, les oreilles abaissées, des petites flammes dans les yeux et la voix forte. Je laisse échapper un rire sans joie. Je scrute Ragnar'k un instant, puis reprends d'une voix plus calme, inspirée:
« Ne te laisse pas avoir. Affranchis-toi. Tu pourrais t'attirer des ennuis, mais qu'est-ce que sont toutes les menaces du monde face à la liberté ? »
Je lui souris tendrement, et plonge dans mes pensées un instant.
« Quant à Pandémonium… Je peux toujours essayer de lui parler, même si je doute qu'il ait de la considération pour mes paroles. Mais après tout, qu'est-ce qui t'empêche de l'aider, même ayant rejoint les Sekmets ? Les promesses ne se rompent pas forcément parce qu'on change d'allégeance. »
Je baisse un instant les yeux. Quoique.. J'ai bien perdu un ami parce que j'ai quitté les Navniks. Mais il ne faut pas prendre un seul cas pour exemple.
A croire que tu sais toujours quoi dire, es-tu magicienne pour réussir à estomper mes doutes ? Certes, ils sont toujours présents mais, ils me semblent plus futile, plus insignifiant. Tu as raison, Koschei n'est personne si ce n'est le leader des Mercenaires. Il n'a aucun droit envers moi, je ne l'ai pas trahit, j'ai fait tout ce qu'on m'a dit, je me suis renforcé pour lui être utile alors, n'est-ce pas la moindre des choses de me laisser partir ? Oh il se peut que je ne parte pas tout de suite, que cela prenne encore du temps alors, je travaillerais encore à sa solde mais, le jour où je partirais, j'irais le voir, lui parler, lui expliquer, au moins il saura que je ne suis pas comme mon géniteur ! Oui, tu as raison et, je ne devrais pas me soucier de cela. Concernant Pandémonium … Je ne sais pas, j'ai un doute mais, tu as peut-être raison là aussi. Peut-être devrais-je juste lui dire sans pour autant rompre notre pacte, oui, pourquoi pas … Ah … Que de choses à régler avant de pouvoir être enfin libre, mais bon, je me suis foutu dans cette merde et, maintenant, je dois m'en sortir …
Un sourire s'affiche finalement sur mes babines alors que tes yeux se sont baissés. Je me redresse, m'approchant de toi et frotte mon museau contre ton cou. Un geste que je n'ai jamais fait, je l'avoue. Si, à mère quand j'étais petit, à père, celui que je pensais mon père mais, c'est tout. Tu es la première à qui j'offre une telle marque d'affection de moi même et, celle-ci est sincère.
- Merci Dalioka …
Dis-je doucement avant de reculer d'un pas, te faisant de nouveau face. Le regard gêné, certes mais, je ne baisse pas le regard cette fois-ci, non, je dois cesser de fuir et pour commencer, je cesserais de te fuir dans mes moments de gênes.
- Je ne rejoindrais pas les Sekmet maintenant, j'ai des choses à finir avant, des choses à arranger et, à ce moment-là seulement, je pourrais y retourner. Je deviendrais fort, je ne laisserais personne dicter ma vie, plus jamais. Je serais fort pour mes amis et tout ceux qui me sont chers. Je ne suis plus un gamin, à moi de prendre ma vie entre mes pattes et, pour ça, je dois d'abord régler mes différents et me tirer de la merde où je me trouve.
Je protégerais ceux qui me sont cher, Oma'reth, Epsilon et toi. Oui, tu fais partie du lot sans que je ne m'en rend réellement compte moi même mais, tu fais partie de ceux que je souhaite protéger, que je ne souhaite pas décevoir.
- Je pense que j'ai suffisamment prit de ton temps. Merci encore pour tes conseils et ton soutien.
Ceux-là me sont importants mais … Même si je ne veux plus fuir face à toi, il y a certaines choses que je préfère garder pour moi, le temps de comprendre …
- Prends soin de toi.
Je me prépare à me détourner, attendant encore un peu avant de partir pour te laisser ...