La chance semblait être aux côtés de l’Esobek. Ses narines captèrent l’odeur d’un cerf qui ne se trouvait pas bien loin de lui. Il changea de direction pour suivre sa trace olfactive et se mit à avancer prudemment, aux aguets.

Les cerfs adultes en bonne santé n’étaient pas des proies faciles : ils avaient tôt fait de vous donner un mortel coup de sabot mal placé ou de vous empaler sur leurs bois. Mais Reaven détectait un effluve de sang dans l’odeur, ce qui indiquait que l’animal était blessé. Il était temps d’opérer la sélection naturelle.

L’odeur était de plus en plus forte et le Guérisseur avançait d’autant plus lentement. Sa proie surgit alors au détour d’un arbre et Reaven s’abaissa. Le cerf était à quelques dizaines de mètres de lui, mais il pouvait clairement le distinguer : le pelage brun, blanc et noir du cervidé montrait des signes de vieillesse ; un de ses bois était casé à sa racine ; et une blessure circulaire à sa cuisse saignait abondamment.

L’animal s’écroula alors mais ne tarda pas à se relever, avec difficulté, et à continuer son chemin en boitillant. Une seule chose avait pu lui infliger cette plaie : un tir de fusil. Les hommes avaient cette fâcheuse habitude de tirer sur leurs proies et puis de ne plus donner suite à leur chasse si celle-ci partait hors de vue.

Quoiqu’il en soit, c’était une proie parfaite. Faible et vulnérable. Reaven changea son angle d’approche pour faire totalement face au vent et avança lentement vers le cervidé, prenant garde à ce que chacun de ses pas soit totalement silencieux. Il se rapprochait lentement, mais sûrement. Le cerf s’arrêta, la tête dressée, et Reaven se figea sur place. Pourvu que sa proie ne l’ait pas repéré …

Mais le cerf baissa la tête et brouta quelques feuilles d’une jeune pousse. Maintenant était le moment.

Reaven s’élança à pleine vitesse. Sa proie n’eût pas le temps de comprendre ce qui lui arrivait que le loup avait déjà planté ses crocs dans sa cuisse encore valide. Le cerf rua, et envoya Reaven quelques mètres plus loin puis s’effondra de nouveau à cause de l’effort. Le loup n’avait pas de temps à perdre, il fonça de nouveau alors que sa proie était toujours à terre et lui sauta dessus, plantant ses griffes dans sa chair et agrippant sa nuque à l’aide de ses crocs. Le cerf se releva et se débattit de plus belle, mais Reaven tint bon jusqu’à-ce qu’il s’effondre de nouveau. Le loup lâcha donc sa prise, et sauta au sol avant d’enfoncer ses canines dans la jugulaire du cervidé. Le sang coula à flot et tâcha le pelage de Reaven, puis le vieux cerf mourut dans un râle.
Le Guérisseur lâcha prise et plongea son regard dans l’œil vide du cerf qu’il venait de tuer. Ce que les hommes avaient fait était désolant, mais sans cela, il n’aurait peut-être pas pu rapporter une proie d’aussi grande valeur à la Meute.

Il soupira. Il était temps de transporter son trophée jusqu’au garde-manger.