Souffle acide du vent, larmes brulantes du ciel. Le monde ne ressemble plus aux paysages d'autrefois. Les cataclysmes ont frappé, des colonnes de flammes et de fumées se sont élevées sur l'horizon. La guerre. La guerre des hommes. Et nous, les loups n'avons eu d'autres choix que de fuir. Nombreux furent nos congénères emportés. Nous traversâmes les plaines cabossées, les forêts de cendres, poursuivis par la faim, traqués par la mort.
Notre salut, nous le devions malheureusement à ceux qui avaient provoqué notre malheur.
“Que peut-il rester à perdre quand, du passé il n'y a plus de traces? ”
A
lors que je marche à travers la neige froide, je sens ma patte antérieur me gêner dans mon avancé. Je marche depuis que j'ai fuis. Fuis ses hommes, fuis leur outils et bâton de feu qui éveillent en moi de douloureux souvenirs. Les images floues se succèdent tandis que j'avance, oreilles baissées, un œil seulement fixé sur le devant du paysage, car désormais, ma vue de l’œil gauche est effacée. Je ne me rappel pas vraiment ce que cela change à mes habitudes, mais je sens que mes réflexes en sont diminués. Je me laisse encore surprendre par les bruits qui m'entourent, accélérant considérablement les battements de mon cœur. Je suis exténué, éprouvé. Mes pattes traînent mon poids mort tel un cadavre animé par la folie espiègle de survivre alors que d'âme, il n'y a plus de trace, de souvenirs il n'y a que des morceaux floutés. Ai-je un jour eu une famille? M'attend t-elle quelque part? A qui ai-je fais assez de tord pour que l'on me dévisage, me détruise de la sorte? Est-ce un de mes semblables? Ou l'une des louves qui hantent mes nuits? Les questions se bousculent depuis si longtemps, qu'elles ont perdu un peu de leur ténacité, de leur curiosité de réponse. Je suis le Châtiment. Je représente ce que j'étais sûrement auparavant, un monstre lacéré, écorché.
L
e paysage sous mes yeux m'est lui aussi inconnu. Suis-je déjà venu ici? Je ne sais. Les arbres tournent soudain autour de moi, le sol semble vouloir m'aspiré, je vacille. La neige amortie ma chute dans un bruit de coton moelleux. Le calme est désormais absolu. J'écoute le chant du vent s'élevé alors que des flocons de neige viennent fondre sur ma truffe abîmée elle aussi. Je le regarde défiler devant mon œil lupin. Le temps s'écoule, à une lenteur extrême. Je sens mon corps se refroidir légèrement, mon souffle ralentir.
J
'ai l'impression de fermer les yeux une fraction de seconde, mais quand je les ouvre de nouveaux, j'observe le petit tas de neige qui s'est formé au dessus de mon museau. Je m'ébroue quelque peu pour m'en dégager, quand une silhouette vient apparaître dans mon champs de vision réduit. Est-ce un homme? Non. C'est plus petit. Un loup. Oui, c'est un de mes semblables que l'apparence déchire l'horizon parfait que forme l'épaisse couche de neige immaculée. Pourtant, la clarté de son poils rend ses déplacements flous, mais le loup semble m'avoir repéré aussi. J'essaye de me redresser, mais ma patte me fait faux bon et ma gueule s'écrase de nouveau dans la neige. Alors je reste silencieux. Une gargouille perdu dans la forêt, un être de pierre, gelé.
Blessure, maladie, famine … La vie des loups n'étaient pas des plus simple ces derniers temps, se nourrir est devenu un défi, survivre est devenu un défi. Les tempêtes harcèles, le faible taux d'animaux présents appauvrit les terres et les Hommes se montrent bien plus féroce qu'auparavant, eux aussi touché par la famine et les assauts répétés des loups pour leur prendre leur bien. Toutefois, si beaucoup désespère face à cet hiver infernal, Manîthil, elle, n'en souffre point. Arrivant à se nourrir convenablement, elle et le rejeton qui lui colle constamment au basque depuis qu'elle a eu la pitié de l'accepté dans sa tanière. Enfin au moins, grâce à lui, les nuisibles se tenaient bien loin de son bunker, ne venant pas la piller au risque de ce prendre le louvard dessus. C'est que les rongeurs sont tout de même de satané bestiole ! Lui volant ses réserves de viandes mais, également de plante, ils se faufilent sans qu'on les voit, de vrai saloperie ! Toutefois, depuis que le Gamin est là, elle n'a plus ce problème là alors, elle peut bien tolérer sa présence, tant qu'il reste utile …
Baillant en se réveillant, la dame blanche secoua la gueule avant de se redresser de sa paillasse de feuille, s'étirant un bon coup avant de saisir un rat sur son tas de viande. Dévorant ce dernier en ne laissant rien, elle lécha ses babines pour en retirer le sang de son pelage blanc. Nourrit, propre, elle quitta la pièce secondaire de sa tanière de fer pour aller dans la pièce principal. Jetant un coup d’œil, elle ne vit le Gamin nul part, probablement est-il partie faire un tour, enfin, cela l'arrange, elle n'aime pas le savoir dans ses pattes.
Après avoir remit un peu d'ordre dans sa tanière qui sert également de pièce pour recevoir ses patients, elle finit par sentir pour prendre un peu l'air. La neige ne cessait de tomber du ciel grisâtre sans que cela ne dérange la belle blanche qui marcha tranquillement en laissant ses empruntes s'imprimer sur le sol.
Au bout d'un moment, elle repéra une odeur mais, n'en fit pas plus attention, jusqu'à ce qu'elle finisse par repérer une silhouette étendu dans la neige. Penchant la tête sur le côté, elle s'en approche, détaillant le loup au sol. Il était dans un piètre état celui-ci. En voyant le fantôme blanc approcher, il tente de se redresser mais en vain.
« Eh bien, t'es dans un sale état toi. »
Manîthil lui sourit, bienveillance ou amusement ? Bonne question …
« Je me nomme Manîthil, guérisseuse. Aurais-tu besoin d'aide mon cher ? »
“Que peut-il rester à perdre quand, du passé il n'y a plus de traces? ”
M
on corps est mort. Ils ont fait de moi une épave. Un ensemble d'os brisé, sur une peau marqué par les crocs acérés de mes pairs. La douleur est devenue ma plus proche amie. Je ne comprend que maintenant l'intérêt de ces pilules que les humains me donnaient. Elles étaient une bénédiction, m'éloignant du mieux que possible du démon de la douleur, et de ses supplices exaspérant.
A
lors que je rumine mon désarroi, le loup s'est approché. Blanc comme la neige, avec un regard lupin brillant de malice.
« Eh bien, t'es dans un sale état toi. »
Quelle perspicacité. Je n'en attendais pas moins d'une louve qui se dit par la suite guérisseuse. Manîthil, un prénom qui semble aussi léger que le flocon qui vient se poser sur sa truffe chaude avant de mourir dans le nuage de buée qui s'échappe de celle ci.
N
e connaissant nul loup guérisseur, l'offre ne se refuse pas. Pourtant, une retenue berce mon âme. Qui est-elle réellement? Ne dois-je pas me soucier de ses véritables intentions avant d'accepter quoi que ce soit. Après tout, mon corps est l'exacte reflet de la malveillance qui peut habiter un loup, alors pourquoi sauter dans sa gueule?
I
rréfléchis. Oui, voilà ce que je suis alors que j’acquiesce en tentant une énième fois de me relever. Mon corps n'est que grincement de mécontentement. Il me hurle de rester confortablement posé dans la neige alors que j'entame mes premiers pas vers la louve blanche.
"Je n'ai pour nom que "Châtiment". Le reste n'est plus rien en ma mémoire."
Je n'avais guère envie d'interpreter le regarde de mon homologue alors je la dépasse, en direction de là où elle est arrivée. Près à devoir payer le prix fort pour les soins d'une louve au regard malicieux.
Châtiment est donc son nom et, il serait amnésique ? Intéressant ! Manîthil ne put se débarrasser du sourire qui étire ses babines, elle ne veut pas, la situation est bien trop intéressante, amusante ! Le mâle s'avance, la dépasse, prenant probablement le chemin inverse qu'avait prit la dame blanche. Bien, cela veut dire qu'il acceptait son aide, intéressant, vraiment très intéressant … Les yeux argenté scrutent un moment le roux avancer dans une démarche qui montrait sa faiblesse, sa douleur. Elle passa sa langue sur ses babines, voilà de quoi occuper son temps ! Un petit amnésique, quoi de mieux ? Quel autre jouet plus intéressant qu'un loup sans souvenir ? Sans rien ? Oui, un parfait petit jouet … Voilà bien longtemps que Thil n'en a pas eu et, cela lui manque. Samael a disparu, elle ne peut plus jouer avec lui alors, pourquoi ne pas en avoir un nouveau ? Elle se mit à trottiner pour le rattraper.
« Tu n'as plus rien mais, de quoi te souviens-tu en dernier ? Sais-tu pourquoi tu es dans cet état là ? »
Marchant à ses côtés en les faisant se diriger vers le bunker ensevelit par la nature qui lui sert de tanière, elle cherche à se renseigner davantage sur son nouveau petit client. Après tout, quoi de mieux que d'en savoir davantage ? Il faut dire que Manîthil est friande d'informations, surtout venant de ses patients et, nul doute que celui-ci allait en être un, vu la souffrance qu'elle peut lire dans son regard dût à ses blessures. C'est qu'il a bien été amoché celui-ci ! Elle ignore qui lui a fait cela mais, il lui en voulait particulièrement.
Puis ils finirent par arriver devant la tanière métallique, la dame blanche lui fit signe d'entrer et elle le suivit. Elle l'invite à s'installer sur l'une des quatre paillasses de feuilles mit à la disposition de ses patients, chacun dans un coin de la pièce principal. Elle se rendit dans la pièce qui lui est réservé à elle et, saisit une graine dans sa réserve de plante et la ramène au mâle.
« Tiens, avale ça, ça va calmer tes douleurs un petit temps. »
Elle s'assit ensuite, observant, détaillant les blessures du loup pour évaluer si certaines avaient besoin de soin ou non ...
“Que peut-il rester à perdre quand, du passé il n'y a plus de traces?" "
T
« u n'as plus rien mais, de quoi te souviens-tu en dernier ? Sais-tu pourquoi tu es dans cet état là ? »
Manîthil n'a aucune gêne quand à ses questions envers mon apparence, et mes souvenirs. Je trouve ça plutôt audacieux, et un sourire mélancolique étire un coin de mes babines. Si seulement je pouvais me souvenir. Savoir auprès de qui j'ai attisé assez de haine, assez de rage pour avoir sur le corps, les traces d'une telle folie meurtrière. Mon corps semble être consumé de l'intérieur. Est-ce qu'au fond de moi, mon âme, elle, se souvient? Est-ce elle qui interdit aux souvenirs d'envahir mon esprit de leurs images? Est-ce pour me protéger de la tristesse de mon passé? Ou de sa dureté? Pense t-elle que je ne suis pas assez fort pour l'endurer? Ai-je, dans ce passé si proche, souhaité en arriver là? Me suis-je moi même trahis? Tant de questions, dont je ne serais aujourd'hui, trouver les réponses. Pourtant, je sens la curiosité de la louve blanche qui me suit, et ne peux lui laisser des questions sans réponses alors qu'elle m'offre sa patte.
"Je ne me souviens de rien. Je me suis réveillé derrière des barreaux, sur un sol froid et métallique. Les humains ne semblaient pas hostiles, il parlait de mon châtiment, de la rage qu'avaient mis les miens dans leur attaque sur mon corps. Ils ont pansé mes plaies nuit et jours. Ils me donnaient des choses à avaler, je crois aujourd'hui, que c'était pour que la douleur s'éloigne de moi, me rende un peu plus éveillé."
E
nfin nous arrivons sur ce qui semble abriter la tanière de la louve. L'espace semble agréable pour y vivre, on sent rien qu'en entrant à l'intérieur, que sa tanière est importante pour elle. Et soudain, la jalousie m'étreint. Alors que je m'allonge sur le lit de feuilles sous son ordre, mes yeux scrutent chaque détails. Ai-je aussi, un chez moi? Une tanière aussi chaude et douillette? Ai-je quelqu'un qui m'y attend... Les questions sont un venin en mon esprit, et je ferme enfin les yeux après avoir avaler des petites baies qu'elle m'a donné.
A
près quelques minutes au calme, j'ouvre les yeux, et voit Manîthil, assise face à moi. Elle semble observer chaque détails de mon corps escarpé. Comme un lynx, elle pose ses yeux sur chacune d'elles.
"Le plus douloureux, c'était la patte brisé. En me réveillant pour la première fois, j'avais envie de me la ronger tellement la douleur était vive. Les humains m'avaient alors endormis, où etait-ce la douleur qui m'avait fait perdre conscience? Je ne sais, cela étant, à mon réveille, la douleur était un peu atténuée, et une cicatrice lisse avait barré ma patte. Ils parlaient de réussite, et d'opération. Ce que je retiens, c'est qu'il m'a fallut plus d'un mois pour la poser au sol. Ensuite je dirais que les trois griffures sur le museau étaient aussi piquantes que l'oreille coupé en travers..."
Je marquai une pause, plongé dans les seuls souvenirs que j'avais.
"Je me souviens un jour, ils m'ont sorti pour nettoyer la cage, et je suis passé derrière une rivière brillante qui, comme l'eau, reflétait parfaitement mon corps, à la différence que celle ci était suspendu au mur, et ne chantait pas. Je me souviens du loup que j'y ai vu. Si laid. Si repoussant... Des poils en moins, des cicatrices pleins la gueule, et le corps. Je me souviens m'être demandé plus d'une fois, si, c'était bien moi que j'avais vu... Et, pourquoi étais-je encore en vie si c'était pour n'être plus qu'une carcasse, un corps trop faible pour avancer seul..."
Je parlais sans compter, sans prendre précautions d’omettre des détails ou de cacher mes émotions. Je parlais. Pour la premièrefois, ... je parlais.
Ainsi donc, le loup s'était réveillé chez les Hommes. Les blessures n'ont pas pu être infligé par eux, ni par leurs molosses, ils ne se seront pas embêté à le soigner si ils étaient la cause de son état actuelle. Mais, pourquoi l'avoir soigné ? Manîthil réfléchit en essayant de se souvenir de ce qu'elle savait sur les bipèdes. Les Hommes aiment utiliser les loups pour traquer les loups, ces derniers étant bien plus fort que la plus part de leur molosse et ayant probablement un meilleur odorat, quoi de mieux qu'un loup pour flairer un autre et guider toute une meute ? En tout cas, il avait eu de la chance de réussir à se tirer de là-bas, ou de la mal chance ? Après tout là-bas il était soigné, il aurait pu se remettre correctement, là à devoir se débrouiller seul, sa convalescence risque d'être plus dur, d'autant plus que, au vu des dégâts qu'a subit son corps, si le loup qui lui a infligé cela se trouve encore dans les parages, il risquerait bien de lui donner le coup de grâce. Enfin, cela n'est pas vraiment ses affaires en soit et, après avoir détaillé tout le corps du mâle, Manîthil ne vit aucune blessures rouvertes ou autre, seulement la douleur présente.
Pour soulager la douleur, la dame blanche possède bien des plantes mais, vider tout son stock pour un seul loup, il en était hors de question. La graine de pavot l'aidera un peu et lui permettra de se remettre un peu plus sur patte sans être cloué au sol par la douleur. Pour le moment, c'est la seule chose qu'elle puisse faire.
« Ton « passé » n'est pas des plus réjouissant, mais au moins tu t'en es tiré. Ton nom, tu te l'est donné en entendant souvent ce mot ? Enfin, j'avoue qu'il te sied plutôt bien, même si trop long à mon goût. Puis-je t'appeler Chat ? »
Minauda-t-elle avant de passer sa patte sur son oreille comme pour retirer quelque chose qui la gêne puis secoua sa gueule avant de fixer de nouveau le mâle.
« J'ignore ce que tu as pu faire de mal mais, en tout cas, tu n'es plus sous la protection des Hommes maintenant et, si les loups qui t'ont fait ça rôde dans le coin, tu risques de passer un sale quart d'heure. Tu ferais mieux de te faire tout petit, le temps d'être complètement rétablit et de reprendre du muscle. C'est pas avec tes p'tits muscles que tu réussiras à faire quoique ce soit. »
Elle lui sourit, un sourire pas pour autant bienveillant, non. Manîthil n'est pas bienveillante, Manîthil n'est pas douce, Manîthil n'est pas compatissante, Manîthil ne ressent pas la pitié. Seul son confort compte, égoïste qu'elle est. Elle ne pense qu'à elle, elle n'aime qu'elle, du moins, c'est ce que lui a dit Leikn. Est-ce la réalité ? Bien sûr que non ! Sinon elle ne chercherait pas tant à faire réagir sa sœur en faisant moult connerie pour attirer son attention et, elle n'aurait pas ramassé Delta ni lui aurait passé un savon si elle ne tenait pas à elle. Puis le gamin ? Elle l'a bien accepté sous son toit, certes contre le fait qu'il bosse pour elle mais, elle l'a pourtant accepté, elle qui ne supporte guère les louveteau braillards. Quoiqu'il ne risque pas de dire grand chose celui-ci, muet qu'il est …
Non, Manîthil n'est pas tant un monstre que cela au final, non, en réalité, elle aime les loups, elle aime ses congénères et, c'est probablement pour cela qu'elle prend tant de plaisir à les manipuler, à les faire tourner en bourrique, à jouer avec. C'est pour cela qu'elle s'applique également dans sa tâche alors, malgré son égoïsme, oui, Manîthil aime les loups mais, l'avouera-t-elle ? Non, elle est comme ça ...
“Que peut-il rester à perdre quand, du passé il n'y a plus de traces?" "
T
«on « passé » n'est pas des plus réjouissant, mais au moins tu t'en es tiré. Ton nom, tu te l'est donné en entendant souvent ce mot ? Enfin, j'avoue qu'il te sied plutôt bien, même si trop long à mon goût. Puis-je t'appeler Chat ? »
Je la regarde se mouvoir, l'air de rien. Elle est simple, et légère. Malicieuse cependant, je sens en elle quelque chose de plus profond que l'impression qu'elle donne. Elle sait ce qu'elle fait. Fronçant un peu les sourcils, je me détend de nouveau en sentant la douleur s'apaiser. Le délice des graines qu'elle m'a donné, est parfait. Je me sens de nouveau bien, et je l'autorise d'un signe de tête de m'appeler comme il lui plait.
« J'ignore ce que tu as pu faire de mal mais, en tout cas, tu n'es plus sous la protection des Hommes maintenant et, si les loups qui t'ont fait ça rôde dans le coin, tu risques de passer un sale quart d'heure. Tu ferais mieux de te faire tout petit, le temps d'être complètement rétablit et de reprendre du muscle. C'est pas avec tes p'tits muscles que tu réussiras à faire quoique ce soit. »
Combien de temps ais-je passé chez les hommes? Assez de temps pour que l'on me pense mort sûrement, mais j'entend en ses paroles, un peu de sagesse, vu mon état, il est vrai que je ne suis pas un loup très vaillant, et me protéger n'est pour l'instant pas envisageable. Il est vrai que je suis moins puissant depuis que je récupère de mes blessures, et il serait plus intelligent de reprendre du poils de la bête avant de m'aventurer n'importe où, tandis que je ne me rappel pas mon ennemie.
M
algré le ton taquin à l'élocution de "mes p'tits muscles" et son sourire un peu moqueur, je sens que cette louve n'a pas un fond malveillant. Elle m'est venu en aide, et je dois lui rendre la pareille, c'est une évidence.
"Si tu le souhaites, je resterai ici tant que ma dette pour les soins n'est pas complètement payée. Je ne sais pas si ce que tu me donnes et difficile à trouver, mais si tel est le cas, sache que je serais prêt à t'en chercher pour te remercier de ton aide. Si il y a quelque chose dont je me souviens, c'est que je paye mes dettes. Je ferai ce qu'il faut en échange de ton aide. Dis moi seulement ce dont tu as besoin."
Mon regard est profond et sincère. Je ne lâche pas ses prunelles de mon œil valide. Acceptera t-elle ma présence ici pour l'aider du mieux que je peux? Si tel n'est pas le cas, je trouverais quand même moyen de rembourser ma dette. Je me redresse pour m'assoir pour lui faire mieux face. Je sais que mon apparence est un peu repoussante et je ne lui en voudrais pas de me demander de partir. Cependant, à l'intérieur de mon esprit, j'ai la conviction que cette louve ne crachera pas sur un loup qui lui proposera de lui apporter ce dont elle a besoin. Alors je reste passif, face à elle, et j'attend sa réponse.
Le garder ici ? Dans sa tanière ? Et puis quoi encore, à quoi penses-tu ? Penses-tu seulement que Manîthil est ce genre de louve à ouvrir sa tanière au premier SDF du coin ? Penses-tu qu'elle irait s'encombrer d'un loup qui n'a pas toute sa tête ? Non, bien sûr que non mais, elle n'est pas idiote non plus, elle sait que, dehors, seul et dans ton état, tu ne feras pas long feu, tu mourras sous la violence de l'hiver ou sous la torture de la faim et, si tel est le cas alors, jamais tu ne pourras lui rembourser ce que tu lui dois et cela est juste inconcevable pour elle alors, soit ! Tu dormiras sous son toit mais, le prix à payer sera cher, extrêmement cher, fais toi à cette idée, la dame blanche n'est pas du genre généreuse, elle ne fait rien sans rien et tôt ou tard, tu devras la payer, du montant qu'elle t'indiquera. Oh bien sûr, il y a de forte chance que, entre temps, elle t'utilise pour que tu lui sois utile avant de te demander le véritable paiement. Et oui, rembourser les soins est une chose mais, il te faudra aussi rembourser le logis et cela coûte très cher, extrêmement cher …
Elle te sourit, ce sourire si radieux qui pourtant cache bien des vices. Elle te regarde, sans la moindre pudeur. Tes balafres ? Elle n'en a que faire, les blessés c'est son rayon, elle en a tant vu qu'elle n'y prête même plus attention et, elle en trouve parfois des séduisantes, des cicatrices, celle qui sont encré à jamais sur notre port, qui sont visibles de loin, qui nous rappel à vie le pourquoi de cette blessure et la douleur qu'on a pu ressentir. Enfin, lorsqu'on est pas amnésique évidemment …
« J'accepte ta proposition mais, sache une chose, je n'aime pas qu'on soit dans mes pattes lorsque je travail et il faudra payer ta part et pour les soins donnés et pour le toit prêté. Est-ce clair, Chat ? »
Elle ne cesse de te sourire, elle ne cessera jamais de sourire, à moins que tu ne joue avec ses nerfs et, sache le, tu n'aimerais pas jouer avec ses nerfs, oh que non … Manîthil est ce genre de louve qui n'aura aucun scrupule à te tuer dans ton sommeil, à empoisonner tes soins, ta viande. Elle n'hésitera pas à te tendre un piège, à t'envoyer là où un groupe de loup t'attendra pour te refaire le portrait ou plutôt, le rendre encore plus méconnaissable … Et oui, elle ne rigole pas notre belle blanche. Comme quoi la couleur ne fait pas tout car, derrière cette sublime blanche se trouve le diable en personne ! Séduisant, manipulant, elle te fera croire ce que tu voudras croire afin de pouvoir faire de toi son jouet, son esclave. Elle te fera croire des choses mais, pauvre petit loup, ne l'écoute pas, ne te laisse pas berner par ses douces manières, sa voix mielleuse et douce, son regard argenté envoûteur. Non, ne te laisse pas avoir par cette veuve noir qui risquerait de tout te prendre mais, si tu penses y faire face alors, vas-y mais, à force de jouer avec le feu, on finit par se brûler …
« Ah et tu ne seras pas le seul locataire des lieux, j'ai mon … Hm … Fils qui vit également ici. Oh il est muet alors ne cherche pas à le faire parler ! Il est encore bien jeune et a parfois sale caractère mais tu t'y feras. »
Oui, son fils, non pas son véritable fils, lui elle l'a abandonnée il y a bien longtemps de cela et pourtant, son demi-frère ne cesse de croire en elle, de croire en une mère qu'il a perdu et qu'il aimerait voir en elle. Adorable petit poussin … Un poussin qui finira par se brûler les ailes avant d'avoir réussi à grandir pour pouvoir les utiliser. Non, ce fils dont elle parle, ce n'est pas son véritable fils et, en réalité, elle ne le voit pas du tout de la sorte, elle l'a juste dit pour que cela passe mieux. Après tout, si elle t'avait dit qu'il s'agissait là de son chien de garde, comment l'aurais-tu prit ? Non, elle ne peut se permettre de perdre son petit patient qui ne l'a pas encore payé, pas maintenant … Alors, cher solitaire, es-tu prêt à entrer dans le gouffre de mensonge ? Trop tard … Tu n'y échapperas plus …