Souffle acide du vent, larmes brulantes du ciel. Le monde ne ressemble plus aux paysages d'autrefois. Les cataclysmes ont frappé, des colonnes de flammes et de fumées se sont élevées sur l'horizon. La guerre. La guerre des hommes. Et nous, les loups n'avons eu d'autres choix que de fuir. Nombreux furent nos congénères emportés. Nous traversâmes les plaines cabossées, les forêts de cendres, poursuivis par la faim, traqués par la mort.
Notre salut, nous le devions malheureusement à ceux qui avaient provoqué notre malheur.
Freyja était partie à la découverte des lieux qui allaient désormais caractériser sa vie futur. Elle marchait depuis déjà un bon moment, vagabondant par ici et par là autant en pensé que physiquement. Elle était bien, seule dans son monde et dans sa bulle. Elle fut sortie de ses pensées lorsqu'elle entendit le son de l'eau. Elle leva les yeux vers l'horizon pour trouver la source de ce bruit. Un peu plus loin d'elle se trouvait de l'eau en quantité importante qui impressionna la jeune. Elle accéléra l'allure pour pouvoir observer cette étendue d'eau de plus proche et, si ce n'est pas trop froid, s'y baigner un peu.
Son cheminement fut interrompu lorsque des barbelés bloqua son passage. Étrange, elle n'avait jamais vu quelque chose de ce genre auparavant. Elle avança sa truffe pour sentir un des morceaux de métal, mais elle écorcha un petit peu son museau. Aussitôt, elle bondit en arrière un peu surprise et insulté. Bon, elle allait devoir faire attention à cette chose à l'avenir! Elle allait être obligé de se faufiler entre tous ces fils si elle voulait avoir accès à l'eau. Elle savait que si elle le voulait, elle pouvait y parvenir! Freyja prit donc une grande inspiration et regarda autour d'elle, avant de se lancer dans cette nouvelle aventure. Par contre, une ombre un peu plus loin attira son attention. Était-ce un autre loup? La jeune espérait en son fort intérieur que ce n'en était pas un, elle était bien heureuse seule et dans son petit monde. Malheureusement pour elle, il semble qu'elle n'allait pas avoir le choix de le ou la rencontrer. Bon... Voyons voir.
Noire s'entraînait à la nage. Ses pattes sombre frappaient l'eau avec force tandis qu'elle tentait de maintenir sa tête hors de l'eau. La mer était utile pour s'entraîner à l'endurance, mais avec un temps pareil, sa froideur donnait des frissons glacés à la solitaire. Elle n'y resta donc que quelques minutes avant de décider d'en sortir, frigorifiée. De retour sur le sable, elle s'ébroua pour se sécher, et s'apprêtait à courir un peu lorsqu'une odeur parvint à ses narines. C'était un effluve bien connu, qu'elle avait déjà senti sur cette Plage. Elle appartenait à un Navnik. Était-ce Ébène ? Noire priait pour que ce ne soit pas lui. Sinon le combat serait terrible. Mais quoi qu'il en soit, l'affrontement était tout à fait probable, puisque visiblement, tous les Navniks et les Sekmets de cette terre lui en voulait. Agacée, et encore toute trempée, la noire décida de ne pas s'enfuir et d'affronter dignement son destin. Le poil plaqué sur son corps, elle courut vers l'inconnu, d'une allure agressive, et rabattit ses oreilles en arrière et retroussant ses babines. Elle s'arrêta tout près de la nouvelle venue, qui était une femelle, toute jeune. Mais pas de pitié, Noire n'aimait aucun Navnik, petit ou grand. A part peut-être Ulvys... ? Mais elle était une exception. D'un ton bourru, les crocs découverts, elle gronda à la jeune femelle noire :
"Qui es-tu, et que viens-tu faire ici ?"
Était-elle venue pour se battre ? Noire était prête à l'affronter. Une petite gamine comme elle mourrait en une poignée de minutes.
L'animal se rapprocha de Freyja d'une manière plutôt agressive, ce qui l'intimida légèrement. La jeune avait affaire à se tenir les fesses serrées parce que face à cette louve musclée et bien bâtie elle ne ferait pas long feu. Rapidement, elle se chercha un endroit pour essayer de fuir si jamais elle n'en avait plus le choix. Son regard parcouru rapidement la plage, elle avait peut-être une petite chance de la semer en passant dans les barbelés. Comme elle est plus petite elle aurait moins de chance de se blesser, mais elle n'est pas non plus très agile... Bon, on verra bien rendu là.
Lorsque la louve l'eue rejoint, elle inclina légèrement la tête et posa son regard au sol, elle ne devait, en aucun cas, la défier ou se montrer agressive. Après tout, elle voulait rester en vie encore un bon moment!
-Je m'appelle Freyja et j'étais simplement venue me promener... Désolée...
Le cerveau de la jeune était en ébullition et elle ne savait pas comment se sentir ni comment agir. Il y avait un peu de colère d'être obligé de se montrer si soumise, un peu de gêne d'être dans cette situation, de la tristesse face à l'agressivité de la louve et de la crainte. Pourquoi agissait-elle ainsi? Pourtant, la Navnik ne lui avait absolument rien fait... Elle n'avait même pas voulu la déranger. Freyja se trouvait dans une situation très délicate.
La Navnik était très jeune, sûrement moins de 6 mois, mais cela ne faisait nullement pitié à la Noire. Les babines toujours retroussées, elle la fixa de son regard perçant, tandis que la petite femelle baissait la tête et adoptait une posture soumise. Noire constata avec satisfaction qu'elle surplombait la Nav' de plusieurs centimètres, et qu'elle avait donc bien plus de force qu'elle. Ce qui n'était pas difficile à deviner.
"Je m'appelle Freyja et j'étais simplement venue me promener... Désolée..."
Ha, elle s'excusait ! Noire plissa les yeux. Cette gamine n'avait pas l'air de lui vouloir du mal, ni même de l'attaquer. Après tout, elle était peut-être indépendante de la meute ? Une louve gentille parmi des ordures. C'était possible, bien évidemment, pourtant la solitaire avait du mal à y croire.
"Qui sont tes parents ? Et ta famille ?" Gronda Noire en baissant d'un petit ton.
Elle ne voulait pas que Freyja l'agace, mais pas non plus qu'elle se braque. Si cette petite n'était pas négative, peut-être la solitaire pourrait en tirer quelque chose. Mais attention. Si elle avait un quelconque loin avec un loup que Noire n'aimait pas... Elle avait intérêt à s'enfuir rapidement.
Lorsqu'elle entendit sa prochaine question, la jeune retint un moment sa respiration. Que pouvait-elle bien lui répondre? Elle ne le croirait probablement pas, mais elle ne pouvait pas non plus lui mentir... Lentement, elle osa relever la tête vers l'inconnue et tenta subtilement de renifler son odeur. Elle ne la reconnaissait pas, mais l'enregistra dans sa mémoire ainsi elle saurait à qui elle aurait affaire si elle venait à la rencontrer de nouveau. Avant de répondre, elle posa ses yeux bleus dans ceux de la louve, espérant qu'elle y lise la sincérité de sa réponse.
-Mes parents sont plutôt loin d'ici et je ne connais pas ma famille...
C'était la vérité... Bon, elle avait caché l'identité de son sauveur, mais ce n'était pas sa question non plus! Freyja était elle aussi curieuse de savoir qui se tenait face à elle. Après tout, si la noire avait bien voulu révéler son identité pourquoi ne ferait-elle pas de même? Toutefois, elle allait être le plus poli possible pour ne pas la mettre encore plus en rogne.
-Vous, quel est votre nom?
Elle baissa aussitôt le regard au sol. La jeune avait l'impression de jouer avec une bombe qui pouvait exploser à n'importe quel moment... Elle avait toujours les muscles tendus, prête à s'enfuir le plus rapidement possible si le besoin y était. Son plan de fuite de plus en plus élaboré.
La gamine resta silencieuse, comme si elle hésitait franchement à lui donner une réponse. Noire sentit son poil se hérisser. Cette louve était sûrement une menteuse, comme tous les Navniks. Un vieux souvenir vint alors la perturber. Elle, sur cette même plage, se faisant éventrée par Ebène. Un Navnik à qui elle n'avait jamais rien fait, mais qui avait trouvé cela amusant de la massacrer. Heureusement, un guérisseur l'avait soigné. La solitaire ne se souvenait plus s'il s'agissait d'Emarok ou de Manîthil.
"Mes parents sont plutôt loin d'ici et je ne connais pas ma famille..."
Cela voulait-il dire qu'elle n'était pas originaire de la meute Navnik ? Qu'elle avait été recueillie, aussi jeune soit-elle ? Etait-elle entrain de lui mentir ? Noire scruta son regard bleu avec attention. Elle n'y décela pas la méchanceté qu'elle avait vu si souvent chez les loups de meute. Pourquoi cette "Freyja" n'avait-elle pas plutôt rejoint les Esobeks ? Tout aurait tellement été plus simple.
"Vous, quel est votre nom ?"
La question surprit la solitaire, qui lâcha un petit grognement agacé. Non seulement l'autre la vouvoyait comme si elle était une vieille louve -ce qu'elle était en partie- mais en plus elle osait lui demander son nom. Noire hésita. Si elle le lui donnait, et qu'il se passait quelque chose ensuite (un combat par exemple), s'en était finie de la solitaire. Freyja n'aurait qu'à rentrer dire à sa meute qu'une louve du nom de Noire l'avait gravement blessée, et la femelle au pelage sombre n'aurait plus qu'à déménager. Mais en même temps, cette petite n'avait pas l'air méchante, alors pourquoi se battraient-elles ?
"Je m'appelle Noire."
Elle grogna son nom d'un air peu amical, mais moins agressive qu'au début de leur rencontre. Lentement, elle détendit ses muscles, se renfermant dans son attitude de louve qu'il ne faut pas embêter, mais qui n'est pas prête à attaquer. Il n'y avait pas de raisons d'effrayer la Nav'. Elle ne lui voulait pas de mal, c'était évident maintenant.
La louve semblait commencer à se détendre tranquillement. Enfin! Elle avait dû réaliser que la jeune ne lui voulait aucun problème. Toutefois, elle n'était très amicale non plus, mais le principal c'était qu'elle se relaxe. Éventuellement, elle serait peut-être toute gentille -ou pas-. C'était la première fois que la jeune louve rencontrait quelqu'un d'aussi hostile et, honnêtement, elle ne savait pas trop comment agir. De plus, elle qui avait l'habitude d'être timide envers les plus vieux n'avait, en quelque sorte, pas le choix de passer outre cela, sinon l'autre risquait de se fâcher croyant qu'elle pourrait lui cacher quelque chose.
Lorsqu'elle lui annonça qu'elle s'appelait Noire, Freyja releva la tête. Si elle lui avait répondu ça devait certainement être bon signe. Elle se détendit donc un peu, poussa un léger soupir de soulagement et déposa ses petites fesses sur le sol. Elle allait bien évidemment rester attentive à tout signe d'agressivité qui pourrait être un signe d'une future bataille, mais elle allait tenter de se montrer gentille pour détendre l'atmosphère. Peut-être la laisserait-elle retourner tranquillement à son exploration. Après tout, Noire l'avait fait sortir de son petit monde en venant l'intercepter ainsi.
Ce qu'elle faisait loin de sa meute? N'avait-elle pas le droit de se promener ici? Pourtant, elle n'avait pas senti d'odeur particulière qui aurait pu révéler qu'il s'agissait d'un territoire d'une meute... Et en plus, Freyja se croyait bien assez grande pour pouvoir se promener où elle le désirait -même si ce n'est pas vraiment le cas humhum-! La prenait-elle pour une jeune louve faible et incapable? Franchement...
-Je suis venue me promener! Explorer les environs et m'amuser, je crois que je suis assez grande pour ça!
Elle avait dit ça d'un ton dynamique d'enfant un peu indigné. Lorsqu'elle réalisa ce qu'elle avait dit, le ton utilisé et à qui, elle figea, ses yeux trahissant son inquiétude. Elle venait peut-être de signer son arrêt de mort, au moindre signe d'hostilité elle allait prendre la fuite.
Freyja lui répondit avec ce petit air effronté que Noire avait remarqué chez tous les Sekmets et les Navniks. Quelques minutes auparavant, la petite louve semblait prête à se pisser dessus tant elle avait peur, et maintenant elle lui répondait sur ce ton ? Ha la la... Noire sentit ses muscles se tendre instinctivement. Si elle n'arrivait pas à se faire respecter d'un louveteau Navnik de quelques mois, il allait falloir sévir.
"T'amuser ? Grogna t-elle en faisant les gros yeux. Sais-tu qu'en cette période, des loups meurent partout à cause du froid ? Que chacun cherche de quoi se nourrir ? Si tu veux te rendre utile, tu n'as qu'à chasser pour ta meute ! Et pas ici, c'est une terre réservée aux solitaires !"
Elle montra les crocs, frappant sa lourde patte contre le sable pour accentuer ses paroles. Ce qui était bien sûr totalement faux. La Plage Blanche, ainsi que toutes les terres neutres, n'étaient absolument pas réservée aux solitaires...
La jeune louve figea lorsqu'elle entendit les paroles de l'autre. Certes, elle savait bien que les temps n'étaient pas faciles, mais cela ne lui avait jamais été présenté d'une façon aussi brusque. Par contre, une phrase retint son attention un peu plus que le reste. Était-ce vrai? Les terres où elle se trouvait serait réservé aux solitaires? Pourtant, elle avait senti plusieurs odeurs différentes et pourquoi les appelons nous solitaire si, en fait, il se regroupe aux mêmes lieux? De plus, voyant le caractère de Noire si cela avait vraiment été une de ses terres elle l'aurait certainement chassé vite fait en la voyant ici. Humm... Freyja allait s'en souvenir et, très certainement, s'informer auprès des siens pour savoir si ce qu'elle venait d'affirmer était vrai.
Lorsqu'elle montra ses crocs et frappa au sol, la louve se leva et recula de deux pas. Allait-elle tenté de l'attaquer? Devait-elle prendre de l'avance et commencer tout de suite sa fuite? Sinon, que pouvait-elle lui répondre? C'était probablement la première fois de sa courte existence où elle se posait autant de questions en si peu de temps!
-Heuu... Je ne sais pas quoi répondre... Je...
Elle regarda au sol, allez vite réfléchit!! Elle recula à nouveau de deux pas puis retourna son regard vers la solitaire.
La petite Navnik semblait terrorisée. Brusquement elle se leva, et recula un peu. Noire lut dans ses yeux la panique. Pensait-elle qu'elle allait l'attaquer ? La solitaire n'avait pas que ça à faire. Elle avait déjà perdu assez de temps à lui parler, et ne voulait pas s'attirer les foudres des Navniks, plus qu'elle ne les attirais déjà. Freyja balbutia quelques mots, perturbée par le comportement et les dires de la noire, et se recula encore. Elle avait peur, mais Noire n'avait nullement pitié d'elle, d'un mouvement brusque, elle montra de nouveau les crocs, puis d'un geste las de la patte, elle lui fit signe de s'en aller.
"Dégage d'ici petite, c'est réservé aux solitaires. Il serait dommage qu'un méchant loup vienne te tuer parce que tu as franchit la frontière, non ?"
Elle sourit de tous ses crocs, les yeux luisants. Freyja allait-elle enfin faire demi-tour et lui foutre la paix ?
La louve continuait de lui montrer ses crocs et conservait son attitude agressive. De plus, elle lui fit un signe pour lui dire de quitter les lieux. Il était probablement temps pour elle de partir définitivement.
-Dégage d'ici petite, c'est réservé aux solitaires. Il serait dommage qu'un méchant loup vienne te tuer parce que tu as franchit la frontière, non?
Bon, sur ces paroles Freyja fit demi tour et repartie en courant par où elle était arrivée un peu plus tôt. Elle était bien déçue d'avoir été dérangé ainsi! Enfin, ça faisait parti de sa nouvelle vie il fallait croire. Une fois rendue à plusieurs mètres de Noire, elle s'arrêta pour lui jeter un dernier coup d'œil. Elle était fâchée d'être aussi jeune et de ne donc pas pouvoir se défendre et montrer ce qu'elle pensait. Elle avait eu peur, peur de ne pas être capable de se défendre. Une sensation très désagréable! Cette situation lui avait fait découvrir à quel point elle allait probablement avoir un fort caractère en vieillissant. Elle a beau être timide, mais il y a tout de même des limites! De plus, elle allait bien découvrir si ce lieu ou si d'autres endroits sont bel et bien réservé aux solitaires. Est-ce que cette louve lui avait menti?
Elle reprit sa course pour rejoindre les terres de sa meute.
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