Dans le blizzard, une ombre avance centimètre par centimètre. La neige lui arrive jusqu'au ventre, l'obligeant à lever haut les pattes pour se dégager. Son pelage se pare de blanc. Les yeux mi clos, la tête penchée en avant et les oreilles plaquées contre son crane. Le froid lui brûle la truffe. Chaque inspiration lui déchire les poumons. Tout ces muscles tremblent si fortement que cela lui fait mal.

Sur les terres Sekmet la nouvelle sentinelle affronte pour la première fois de sa vie un climat aussi violent. Aura n'y voyait rien à plus d'une queue autour d'elle. Dans le sillon de neige que cette dernière a tracé lors de sa marche, des empruntes pourpres se distinguent. Les coussinets de la louve n’étaient pas habitué à de telles températures. Les engelures profondes sur ses coussinets lui tiraient des grimaces de douleur à chaque pas.

En tant que nouvelle recrue dans la meute la grise souhaitait réaliser un tour complet du territoire. Mais une journée pareille n'offrait pas la possibilité d'une observation convenable. Vous me direz alors « Mais que diable fait elle dehors ? » La vérité est que Aura c'est fait surprendre par les caprices de la météo. Elle était partie en fin de matinée à la recherche de ce qui se faisait appeler l'épave de l'avion. N'aillant jamais vu d'avion la femelle en demanda la description. C'était un énorme engin Humain qui ressemblait à un oiseau. Celui-ci était écrasé au milieu d'une foret.

Mais après quelques heures de marche en direction du lieu dit, les températures encore supportables chutèrent d'un seul coup. Et le vent se mit à tournoyer avec rage. Aura se retrouva piégé dans la tempête. Maintenant elle affrontait pas à pas les éléments. Et si la femelle aux yeux dorés ne trouvait pas rapidement une cachette elle finirai en loup de neige glacé.

Alors que tous ces membres commençaient à se rigidifier la sentinelle heurta quelque chose qui fit un étrange bruit creux et métallique. Elle releva la tête sans vraiment mieux distinguer ce que cela pouvait être. La seule chose qui attira son attention fut une brèche dans l'armature. Sans réfléchir elle s'y précipita y voyant son seul espoir de survit pour le moment.

L’intérieur était jonché d'objets humain. Toujours à l'entrée de la boîte de conserve géante Aura voulut renifler l'air pour y déceler une quelconque présence avant de trop s'y aventurer. Mais sa truffe était tellement gelée que son odorat ne lui était d'aucune utilité. Privée de son sens principal la louve se fia à ses oreilles. Les deux radars tournaient de droite à gauche sur le sommet de son crane. Aucun bruit outre le vent et le grincement de son logement de fortune. Plus rassurée mais néanmoins sur ces gardes Aura s’avança dans le cœur de la machine.

Ce n'était pas bien grand et elle en fit vite le tour. Une fois le périmètre sécurisé la jeune Sekmet se secoua pour troquer son pelage blanc pour sa fourrure grise naturelle. Puis elle se roula en boule dans un coin et observa l’ampleur des dégâts sur ses pattes. Son antérieure droite était la plus amochée et n’arrêtait pas de saigner. Le sol en avait d’ailleurs fait les frais. Aura lécha sa plaît. Les premiers coups de langues lui faisaient mal mais petit à petit la douleur s'atténuait. Pour le moment elle n'avait que ça à faire. Attendre que l’extérieur se calme et se procurer les premiers soins.

Le temps fille à une allure folle quand on s'occupe et que nous sommes concentré sur quelque chose. Ainsi Aura ne voyait pas à quel point les secondes puis les minutes s'écoulaient rapidement. Depuis combien de temps était elle là avant qu'un bruit ne l'alerte ? Elle n'en savait rien. Sa seule connaissance pour l'instant était qu'un être vivant venait de pénétrer en ce lieu. Humain ? Loup ? Ami ou ennemi ? Seule sa truffe pouvait le lui dire mais elle est encore hors service pour le moment.

La grise se releva sur ses quatre pattes. Ou plus tôt sur trois car la dernière lui faisait encore mal. Au garde à vous au centre de la pièce. Prête en même temps à fuir comme à se battre. Silencieuse. Elle avance de deux pas. Puis s’arrête. Le bruit s'approche. Le cœur de la louve s’accélère. L'inconnu apparaît alors.

Une louve noire aux yeux vairons. Un iris bleu et l'autre brun. Une Sekmet ? À l'entendre c'était le cas. Et la femelle la croyait. Les autres clans ne devait pas encore avoir eu vent de l'arrivé de Aura. Seul un Sekmet pouvait pour le moment être au courant de son existence.

Aura la salua en se penchant en avant brièvement.

« En effet je suis Mélodie du Vent, nouvelle sentinelle à vos côtés. »

Sa voix était très calme voir monocorde. Aura était dégagée. Elle ne voulait pas paraître désagréable ni froide envers l'espionne mais elle ne la connaissait pas encore suffisamment.

« Le froid de se pays à fais plus que me surprendre. Dit-elle en réponse à la question posée. Mais cela aurait pu bien être un éclat, j'en étais au point de ne plus sentir mes pattes. »

La vérité était là. Elle ne savait pas ce qui avait causé sa blessure. Mais elle l'avait déjà bien nettoyé et ne risquait pas d'infection. La grise observa la louve noire. Elle se portait bien mieux que Aura.

« Vous ne semblez pas souffrir autant que moi de ce climat êtes vous native d'ici ? »

Cela pouvait expliquer son aisance. À moins que cela ne relève que d'une certaine habitude aux températures extrêmes. La sentinelle penchait la tête intriguée. Ses oreilles droites la gueule entre ouverte pour respirer.

Elle sentait bien le regard calculateur de Opium peser sur chaque détail qui pouvait la composer. C'était d'ailleurs assez gênant pour la femelle d'être observer sous toutes les coutures. Par réflexe Aura baisse automatiquement les yeux. De base elle n'est pas un canidé qui regarde les autres dans les yeux mais là ce comportement était décuplé. Ce qui en soit est assez ironique puisse qu'elle ne se gêne pas d'étudier de haut en bas ceux qui lui adressent la parole.

L'espionne s'affirma à son tour. Lui expliquant deux trois choses comme la confirmation de son lieu de naissance. Ainsi que la saison était plus froide que les précédentes. La grise soupira. Décidément elle avait bien choisi sa saison pour pointer le bout de sa truffe dans le coin.

En parlant de truffe cette dernière était de nouveau entièrement fonctionnelle. Youhouh champagne ! Non plus sérieusement cela faisait un bien fou de pouvoir enfin respirer normalement. Et de sentir tout ce qui l'entoure. À ce propos les deux louves n'étaient désormais plus seules.

« Il faut croire que l'un d'entre nous à retrouvé son chemin. » Dit-elle plus détendue que tout à l'heure.

Aura croisa le regard de son interlocutrice. Elle ne s'inquiétait pas. La grise décida alors de ne pas prêter attention à l'inconnu qui venait d'entrer. Pourtant elle voulait s'assurer qu'elles ne faisaient pas une erreur en laissant un probable intrus ici. Après tout c'était son rôle de sentinelle que de surveiller les mouvements des loups comme des humains sur le territoire Sekmet.

La femelle aux yeux dorés fit signe à Opium qu'elle allait jeter un coup d’œil rapide. Au premier pas elle se souvint alors de sa coupure et fit une grimace. Puis elle bloqua la douleur dans une petite cage et reprit son avancé boitant faiblement. Passant devant la femelle noire jusqu'à l'angle mort de sa vision. Première bonne nouvelle c'était bel et bien un loup qui venait s'abriter du mauvais temps. Seconde bonne nouvelle il s'agissait d'un Sekmet. Le quel en n'en savait rien l'inconnu était de dos.

Aura sourie rassurée et revint au près de Opium.

« Ce n'est pas facile au quotidien mais tout ce passe pour le mieux. Je n'ai pas eu les joies de vivre en meute au par avant je l'avoue. Elle s'assit. Ou plus tôt rebondit sur le sol quand son postérieur entra en contact un peu trop brutalement avec le froid du métal. Le choc thermique passé la sentinelle s'assit véritablement. Sa queue en guise de coussin chauffant. Mais je ne regrette pas mon choix. J'ai ainsi pu combler le vide qui m'habitait. »

Tient la voilà qui évoque son passé et qui parle d'elle. Prenez note cet événement est historique ! Mais ne vous méprenez pas cela ne dure pas longtemps. D'ailleurs là voilà qui interroge à nouveau la louve aux yeux vairons.

« Et toi tu as déjà envisagé de partir à l'aventure ? De découvrir de nouveaux horizons et de nouveaux mondes. »

La sentinelle appréciait écouter les autres raconter leur histoire ou seulement des potins. Et Opium dans chacun de ses mots éveillait chez la demoiselle de la gaîté. Pourtant l'histoire elle même n'était pas spécialement joyeuse. C'était comme si le contenu des paroles n'était pas important que juste le fait de parler suffisait. Bien évidement certaines histoires attirent plus attention que d'autre et captivent plus la femelle. Celle là en faisait partie. Ce qui prouve bien que le récit aussi compte et pas seulement l'intonation employée.

L'espionne était donc d'origine solitaire tout comme Aura. Cette dernière n'aurait pas soupçonné ce détail. Comme quoi il ne faut pas se fier aux apparences et poser les bonnes questions pour mieux connaître ceux qui nous entourent. La sentinelle constatait d’ailleurs que sa question soulevait chez son auditrice une réflexion plus personnelle. Avait-elle sans le vouloir touché une corde sensible ? Probablement. La femelle n'en dit pas plus sur elle et demanda en échange des informations sur Aura. Fuuuuh ! Elle voulait rester silencieuse encore quelque temps. Mais un dialogue n'en est pas un sans réponse. Sinon on appellerait ça un monologue.

« Toujours non. Au début j'avais mes parents, nous vivions ensemble. Puis des humains les ont capturé j'avais … trois ans. Il me semble. À partir de là oui j'ai erré. Il m'a fallut un moment avant d'entrer au sein d'une meute. »

Elle fit une pause et changea de position. Ses articulations lui faisaient mal de rester figé comme une statue. Aura préféra s'allonger malgré le sol froid. Croisant ses pattes avant. Sereine. Évoquer son passé ne la faisait pas souffrir. C'était assez facilement que la grise s'exprimait.

« Au début je voulais courir après les humains pour retrouver ma famille. Puis j'ai compris que cela ne servait à rien. Et qu'il fallait que je pense à ma survie avant tout. C'est pour cela que je suis là aujourd'hui. »

"Ma survie." Son discours pouvait choquer tellement il était égoïste. Mais en y regardant bien. Il ne l'était pas tant que ça. En effet un véritable égoïste ne se serait pas mit au service d'une meute. Il aurait préféré rester solitaire, voler et tuer sans raison valable. Profiter de son temps pour sa petite personne et non pour protéger ou nourrir sa nouvelle famille. C'était ce choix qu'avait voulu éviter la louve. On peut très bien survivre au sein d'un groupe. En fait dans une meute on ne se contente plus de survive, on vit. À travers les autres et à travers l'unité qu'ils forment.

Cette idée la fit sourire. Même si elle ne les reverra probablement plus jamais Aura savait que ses parents seraient fier de ce qu'elle est devenue.

« Mais mon histoire ne doit pas t’intéresser. Je n'ai pas un passé trépidant d'aventure à compter autour du feu. » Dit-elle en riant avec un faux air dégagé et une petite étincelle maligne dans le regard.

La réponse de Opium surprit la femelle grise. Elle ne s'attendait pas à un discours aussi juste et construit. Elle avait raison. Une histoire n'a pas besoin d'être une tragédie pour que l'on y prête une quelconque attention.

Et la suite de ses propos était tintée d'une émotion et d'une force toute particulière. Elle savait de quoi elle parlait. Cela ne faisait aucun doute. Aura sut apprécier le compliment à sa juste valeur. Ça la touche. Rare sont les êtres capable de communiquer avec elle qui la soutiennent. En général ils la fuient ou la pensent folle. Peut être qu'elle l'est. Qui sait ? Personne n'est dans sa tête après tout. Une bête reste une bête.

« Ton avis es juste et sincère. Il va de soit qu'il se peut qu'il ne rejoigne pas une idée collective mais qu'importe. Nous sommes désormais au moins deux à le défendre. Probablement est-ce parce que nous étions jusqu'alors en marge. »

Elle soupira.

« Les codes et les institut sont pour moi insupportable. C'est ce qui m'a d’abord rebuté à l'idée de venir dans une meute. Mais pire encore je déteste l'hypocrisie. Et Dieu sait comme ce monde est empli d'hypocrite. »

Son regard dorée brilla soudain d'une lumière froide. La femelle ne le disait pas directement. Mais ce qu'elle pouvait détester ce monde et ces dictâtes. Tiens toi droit. Souris. Marches face aux autres. NE te plaints pas. Souris. Ne contre dis pas tes aînés. Avances dans le rang. Consommes. Tues. Souris. Putain ce que cela pouvait lui hérisser le poil !

Et pourtant. Malgré son désir de vivre à sa façon. La vague l'emporte au large. Doucement. Cette enveloppe charnelle dérive dans un flot de cadavre. Tous mort. Errant en zombi de société bien dressé qui n’ira pas crier à la révolte.