Souffle acide du vent, larmes brulantes du ciel. Le monde ne ressemble plus aux paysages d'autrefois. Les cataclysmes ont frappé, des colonnes de flammes et de fumées se sont élevées sur l'horizon. La guerre. La guerre des hommes. Et nous, les loups n'avons eu d'autres choix que de fuir. Nombreux furent nos congénères emportés. Nous traversâmes les plaines cabossées, les forêts de cendres, poursuivis par la faim, traqués par la mort.
Notre salut, nous le devions malheureusement à ceux qui avaient provoqué notre malheur.
Voilà plusieurs jours déjà que Nymeria n'est pas au meilleur de sa forme. Elle a l'impression d'être ballonné par moment, son appétit semble également s'être réduite alors que le temps ne se prête pourtant pas à cela. Son corps semble subir quelques changements qu'elle n'arrive pas à comprendre puis, elle est plus sensible émotionnellement également et, le retour de Kenshin n'arrange probablement rien à tout cela … Inquiète, Nymeria décide d'aller voir un guérisseur mais, qui ? Emarok n'est pas dans les parages, probablement est-il dans sa tanière, toutefois, la grise ne se sent pas d'aller jusqu'au styx, elle décide alors d'aller voir si Reaven est présent.
Marchant doucement, fermant les yeux par moment pour ne pas se prendre les flocons qui ne cessent de tomber aujourd'hui. Elle continue son avancé, commençant à ressentir le vent lui mordre la chaire, la faisant frissonner. Le froid la gagne et elle augmente le rythme de ses pas pour rejoindre plus vite la tanière du guérisseur qui se trouve dans le bosquet tortueux.
Arrivant près de la tanière, Nymeria se faufile dans l'entrée avant de s'ébrouer pour retirer la neige en train de cristalliser sur son pelage. Elle flaira ensuite le lieu pour s'assurer que Reaven se trouve là …
« Reaven … ? J'aurais besoin de toi ... »
Elle s'enfonce doucement dans la tanière pour trouver le guérisseur ...
Le quotidien avait lentement repris son cours et Reaven recevait beaucoup de visites ces jours-ci. Blessures, rhumes, ... tout y passait. Les Sangs de Cauchemar semblaient cependant s’être calmés, au grand soulagement du Guérisseur qui espérait que cette maladie soit disparue et ne revienne jamais.
Aujourd’hui, c’est le Bras Droit, Nymeria, qui avait marché jusqu’à sa tanière pour lui demander son aide. Il était en train de somnoler au fond de celle-ci, blottit contre le mur, lorsqu’elle entra dans la petite grotte, et il sauta sur ses pattes dès qu’il entendit le son de sa voix. Le Guérisseur trouva sa nouvelle patiente sur le pas de sa porte, visiblement pas dans la plus grande des formes.
“Bonjour Nymeria, qu’est-ce que je peux faire pour toi ?”
Rapidement, le Guérisseur fit une évaluation visuelle de l’état de la louve : rien de bien particulier à noter à vue d’oeil si ce n’était un léger gonflement du bas de son ventre qui aurait pu être causé par une multitude de choses, allant d’un repas mal digéré à un kyste, voire même ... des louveteaux. Mais il aurait besoin d’en savoir plus sur les symptômes de la louve avant de décider du diagnostic.
Reaven vint à sa rencontre, l'analyse rapidement avant de lui demander ce qu'elle avait. Qu'avait-elle exactement ? Elle réfléchissait … Comment allait-elle pouvoir lui expliquer ce qui cloche alors que elle même ne comprend pas tout ? Elle essaye de se concentrer pour mieux déchiffrer ses symptômes, sans ça, le guérisseur ne pourra jamais l'aider …
« Au début ma faim était normal, je n'ai jamais eu besoin de beaucoup manger, même en cette période mais, j'ai beau manger j'ai l'impression de ne pas être rassasier, alors que parfois je n'arrive tout bonnement pas à manger. Je suis fatigué, presque constamment même. Je sais pas si ça y joue mais, j'ai l'impression d'être plus … Hm … Émotive ? Puis j'ai l'impression d'avoir des crampes au niveau du ventre mais, pas comme d'habitude ... »
Elle ne savait comment l'expliquer, au début, elle croyait que ce n'était que son ventre qui réclamait à manger mais, maintenant, elle se posait de plus en plus la questions sur le provenance de ce qu'elle pouvait ressentir intérieurement. Par moment cela l'effraie, elle ne comprend rien à ce qui lui arrive, n'ayant jamais ressenti un tel mal autrefois …
« Sais-tu ce que j'ai ? »
Couina-t-elle en fixant le guérisseur, inquiète d'avoir contracté quelque chose de grave. Si la Sang des Cauchemars est terminé, elle espère toutefois ne pas l'avoir attrapé de nouveau, quoique, elle n'avait pas eu de tel symptôme la première fois … Une autre contamination ? Aurait-elle mangé quelque chose de pas frais ? Elle l'ignore ...
Nymeria prit un moment pour réfléchir avant de répondre à Reaven, puis fit une description détaillée de ce qu’elle ressentait :
“Au début ma faim était normal, je n'ai jamais eu besoin de beaucoup manger, même en cette période mais, j'ai beau manger j'ai l'impression de ne pas être rassasier, alors que parfois je n'arrive tout bonnement pas à manger. Je suis fatigué, presque constamment même. Je sais pas si ça y joue mais, j'ai l'impression d'être plus … Hm … Émotive ? Puis j'ai l'impression d'avoir des crampes au niveau du ventre mais, pas comme d'habitude ...”
Tout au long des explications de la louve, Reaven hocha la tête pour signifier sa compréhension et, au fur et à mesure que la liste de symptômes s’agrandissait, un sourire apparut sur son visage. Oh, ces symptômes-là provenaient d’une maladie ancestrale, qui touchait nombre de louves partout dans le monde : la maladie de la vie.
“Sais-tu ce que j'ai ?”
Le Bras-Droit le fixait, inquiète, totalement ignorante des choses qui se passaient dans son corps. Le sourire de Reaven devait sûrement la décontenancer : serait-il heureux qu’elle soit malade ? En quelque sorte, oui. Son sourire s’élargit à nouveau alors qu’il lui annonça la bonne nouvelle :
“Nymeria, ces symptômes que tu me décris là ne font aucun doute : tu es enceinte.”
Cette portée ne devait pas avoir été voulue, autrement la louve se serait douté de ce qu’il se passait ; et les conditions actuelles rendraient des louveteaux difficiles à élever, mais Reaven savait, au fond, que Nymeria ferait une bonne mère. Elle l’avait déjà été pour les louveteaux qu’elle avait adopté, et elle le serait de nouveaux pour ceux qu’elle mettrait au monde.
“Si tu veux bien t’allonger sur le flanc, je vais vérifier qu’ils sont en bonne santé.”
Nymeria appréhendait ce que pouvait lui dire Reaven, quelle genre de connerie a-t-elle attrapé ? Elle l'ignore mais, elle fixe le guérisseur d'un air inquiet, toutefois, la gueule du mâle afficha une toute autre émotion face aux symptômes que lui énumère la louve. Pourquoi, pourquoi souriait-il ? Puis finalement, il lui donna la nouvelle et, elle n'en revenait pas … Ses yeux dorée s'écarquillent, elle est enceinte ! Non, comment ? L'explication lui revient rapidement à l'esprit, la gueule du mâle roux s'impose dans son esprit et elle baissa les oreilles, soudainement gêné de réalisé cela. Non, elle ne pensait vraiment pas que cette fois là, que cette première fois serait aussi décisif … Doit-elle s'en réjouir ? Ses sentiments sont mitigés, toutefois, en se concentrant bien, elle pouvait effectivement se rendre compte qu'il n'y avait pas que son état émotionnelle qui était touché mais, aussi l'intérieur de son corps. Enceinte, elle était enceinte …
A cette nouvelle, Nymeria ressentie une douce chaleur qui lui procura un bien être jamais atteint encore, est-ce l'idée d'avoir des petits ? Ses propres petits ? Elle qui ne pensait jamais pouvoir fonder une famille depuis que son premier compagnon soit partie. Elle qui pensait avoir mit de côté cette idée pour se consacré aux Esobek et à ses deux fils adoptifs. L'esprit désormais ailleurs, elle obéit à Reaven sans s'en rendre compte, s'allongeant sur le flanc pour laisser le mâle vérifier que tout aille bien. Pourquoi ? Pourquoi n'iraient-ils pas ? Une légère angoisse se faufile dans son estomac à l'idée qu'il pourrait y avoir un problème.
Elle lança un regard à Reaven tandis qu'il s'occupe d'elle. Ses pensées dérivant ci et là. Qu'allait-elle faire ? Elle doit avertir Plume Rousse, elle est l'Alpha, elle est celle qui décide, elle est celle qui doit savoir pour ça. Puis il y a Sköll, elle doit lui en parler également … Tellement de chose s'ajoute alors qu'il y a bien d'autres problèmes, comment faire ? Que faire ? Elle réfléchit trop … Elle attendit alors le verdict avec une certaine appréhension ...
Nymeria avait les yeux perdus dans le vide quand elle s’allongea sur son flanc ; après tout, c’était là une grande nouvelle qu’il lui faudrait du temps pour digérer. Reaven était heureux pour elle, dans tous les cas, et tout ceci ne faisait que renforcer son propre désir de fonder un jour une famille, de créer quelque chose de bien pour compenser le mal qu’il avait pu causer.
Le loup gris posa une oreille sur le flanc de la louve et ferma les yeux pour se concentrer. Il entendit les légers battements de coeurs de ces petits êtres qui grandissaient et sentit même un petit coup à travers la peau de Nymeria : il y avait de l’agitation là-dedans. Le Guérisseur releva la tête et croisa le regard de Nymeria, qui semblait toujours être ailleurs.
“Il y en a plusieurs, bien que je ne puisse pas en déterminer le nombre exact, leurs coeurs battent bien et ils commencent à bouger, ce qui est un développement tout à fait normal. A priori ils sont en bonne santé, mais je ne peux pas te promettre qu’ils naîtront tous totalement sains.”
Il aida la louve à se relever, puis continua :
“Je continuerai de te suivre pendant toute ta grossesse, pour m’assurer que tout se passe bien. Essaie d’éviter de passer de trop de temps dans le froid, de bien t’alimenter et surtout d’éviter de trop gros efforts. En d’autres circonstances, je t’aurais demandé d’arrêter de chasser, mais les éléments s’en sont chargé pour moi ...”
Le Guérisseur jeta un coup d’oeil à l’extérieur. La neige tombait doucement et commençait à s’infiltrer par l’entrée de sa tanière, bien qu’il l’avait déblayée le jour précédent. Il se retourna une dernière fois vers Nymeria :
“Je vous souhaite beaucoup de bonheur, à toi et à l’heureux père.”
Il n’avait aucune idée de l’identité de celui-ci et, à vrai dire, ça n’avait que peu d’importance à ses yeux, tant que c’était une personne à laquelle Nymeria faisait confiance.
Nymeria se laissa faire, faisant confiance au guérisseur qui s'était déjà bien occupé de son fils, Reny, lorsqu'elle l'avait ramené dans la meute après l'avoir trouvé, faible, aux côtés de sa défunte mère. Les Esobek possèdent plusieurs guérisseurs et, des guérisseurs expérimentés, elle pouvait donc faire entièrement confiance en celui-ci.
Tandis qu'il posait son oreille sur son flanc, la grise sentie un coup provenant à l'intérieur d'elle. Jusqu'à maintenant elle n'y avait pas prêté plus attention que cela, pensant qu'il ne s'agissait là que de la faim ou du fait qu'elle aurait pu manger quelque chose qui serait mal passé mais, non, la vérité était tout autre et, de petits êtres étaient en train de se former en elle. Leur cœur battent, ils sont plusieurs, elle baissa alors les oreilles. Comment réagir à cette nouvelle ? Un mélange de sentiments l'assaillissent sans qu'elle sache vraiment quoi en penser mais, elle fut rassuré, rassuré de savoir qu'ils aillaient bien, du moins pour le moment … Reaven ne voulait pas lui mentir et, il faisait bien Elle préférait être au courant de ce qu'elle pouvait risquer plutôt que croire que tout se passerait bien. Les mensonges ne servent pas, il faut savoir rester réaliste après tout. Toutefois, savoir que Reaven resterait à ses côtés pour surveiller leur croissance la rassure. Au moins, elle ne serait pas seule et, elle devait désormais en informer Plume Rousse, après tout, il s'agit de leur Alpha …
Elle hocha la tête aux recommandations du guérisseur tout en se redressant doucement avec son aide. Tout allait bien, tout irait bien, elle n'était pas seule, elle ne l'était plus … Elle s'avança vers la sortie, prête à braver les intempérie et, tourna la tête vers le mâle gris.
« Merci beaucoup Reaven. Je ferais attention. »
Elle inclina alors la tête et quitta sa tanière, l'esprit embrouillé mais, une chaleur agréable l'envahissant désormais ...