Oui, juste une dernière fois... ou avant-dernière, ou avant-avant-dernière, ça dépendrai bien de ses résultats... Il fallait bien qu'il se nourrisse, après tout tout était leur faute aux humains pourquoi les épargner? Pourquoi ne devraient-ils pas plutôt payer?

Sa première tentative fut un échec cuisant. Il s'approcha, imprudemment, d'une barre de crochets où étaient suspendus quelques lapins, à tord puisqu'un chien les gardait. Il aboya, et le voleur s'en alla en détalant comme les proies, de leur vivant, qu'il avait visées sans la moindre réussite.

La deuxième fut plus chanceuse. Il se dirigea vers un grand bac fermé dont émanait une forte odeur de poisson. Les humains ne voulaient risquer de s'intoxiquer et il jugeai qu'ils étaient mangeables. Aussi vite qu'il en était capable, il souleva le bac qu'un humain avait utilisé il y a un très court moment, y saisit le premier poisson venu et disparut aussi vite qu'il était venu.

Pourtant, il était revenu. Suicidaire? Sûrement. Au moins en partie.

8 + 4 = 12 → réussi x2

A peine avait-il le village en ligne de mire qu'il se mit en devoir de repérer l'endroit où il avait subtilisé son dernier poisson. Dans l'étang, c'était peu probable qu'il en trouve aussi, les dernières proies disponibles devaient être mortes et entassées quelque part.
Le crépuscule tombait et il avait l'avantage du camouflage par sa fourrure plus blanche que neige. Il observa les environs; peut-être dans le hangar? Il s'y glissa plus ou moins facilement, profitant du changement de tour des sentinelles - sans réfléchir au retour - et inspecta les environs. L'un des bacs comme la dernière fois attira son attention. Il essaya avec plus ou moins de succès de pousser un peu le couvercle, pas assez verrouillé pour lui résister.
Poussant de toutes ses forces sur la boîte, il y saisit prestement deux poissons par la queue et s'enfuyit sous le nez d'un chien retenu par sa chaîne juste à temps pour ne pas recevoir la rossée qu'il méritait amplement.

Chaque jour, il fallait manger. Pour résister au froid, au vent, et trouver l'énergie de retourner chercher à manger. Pour tenir un jour de plus. La seule pensée qui lui donnait la motivation de continuer à vivre, à se battre pour résister face à l'hiver, c'était que chacun de ces jours de résistance était un jour de moins où le froid avait gagné sur lui, un de moins à attendre le printemps. S'il y avait un printemps un jour. L'année dernière, à ce qu'il en avait entendu - car il était arrivé peu après - le printemps avait été remplacé par les bombes, les explosions, l'isolement sous terre, puis la remontée aux enfers. Les terres dévastées et stériles par les bombardements.
Sauf que ce jour-là était un jour creux, dans le sens où ses réserves s'épuisaient visiblement. Il avait baissé la cadence, ces derniers jours, et il était grand temps de reprendre le rythme pour vaincre contre cette saison impitoyable. Les humains étaient une bonne alternative aux longues marches dans la neige, avec un résultat pas toujours meilleur mais bien plus bref.

Il observait le village blanchi par les flocons depuis une bonne demi-heure, camouflé plus ou moins efficacement dans la poudreuse, quand une faille se présenta. Une escarmouche entre chiens à propos d'un bout de viande. Deux hommes qui se précipitent vers les combattants pour les séparer. C'était sa chance; sans un bruit, comme irréel, simple ombre projetté par un corps invisible, il disparut en direction du hangar. De là, il reconnut les bacs pleins de proie, regarnis par les bipèdes. Il n'avait pas fort beaucoup de temps; juste celui que les chiens remarquent les si fraîches empreintes dans la neige, oubliant la querelle au profit du voleur.
Sans atteindre, il attrapa un joli lapin suspendu à un mur, le goût de la chair dans sa gueule le faisant saliver. Dehors, odeur et traces avaient alerté les sentinelles et un chien se dressa sur sa route. Il s'élança brusquement, si brusquement que le chien tout juste arrivé vacilla et fut en quelques secondes au dehors. Le second ne le rattrapa pas non plus, et avant que le fusil soit à portée des maîtres il s'était déjà volatilisé.

La faim l'attira au lendemain également. Un poisson mort c'était bien, avec un lapin c'était mieux, mais ça ne nourissait pas un loup. Malgré tout ce qu'on pouvait dire de la vie de solitaire, ce n'était pas pour rien que les loups s'alliaient en meute. Pas pour rien qu'ils s'entraidaient et s'entendaient.
Ce jour-là fut un jour raté. Il eut tout juste l'occasion d'apercevoir le crochet vide du lapin d'hier avant de se faire bousculer sans ménagement par un des chiens; ce fut à quelques centimètres près qu'il évita ses crocs, et s'élance au loin du village pour retrouver le lac d'acide.