Je suis requinqué et pour cause : me voilà victorieux de l'une de mes batailles. Rien de mieux pour un vaniteux comme moi, que de gagner rien qu'une fois pour me sentir de nouveau le plus fort et le plus méritant de la Terre. C'est probablement pour cette raison, et aussi parce que j'ai une profonde rancoeur pour les leurs, que je suis de retour sur les terres des Sekmet. La forêt charbonneuse m'avait plu la première fois, et c'est là que j'ai rencontré un regard d'émeraude qui me marquera à jamais. Aujourd'hui je veux retrouver ce mâle et lui montrer que non, on n'épargne pas le Désir Sanglant sans s'en mordre sévèrement les pattes. Je suis d'une humeur massacrante, cette fois, et c'est d'ailleurs sur lui que je compte bien passer mes nerfs. Renâclant avec rage, je cherche son odeur partout dans les environs. C'est qu'il ne doit pas y avoir beaucoup de loups aux yeux d'une couleur si étrange, dans le coin. Mais, lorsque je déniche deux orbes améthystes, je comprends que si, il y a d'infinies possibilités pour que je croise des loups aux yeux anormaux. Alors, et même si je ne devrais pas juger si vite, je considère que cette louve sombre est une ennemie qu'il est bon de faire disparaître de la surface de la terre, juste parce qu'elle arbore ce regard si particulier qui m'agace parce que me faisant repenser à ce crétin de Sekmet plus jeune et plus fort que moi. Je me mets à trotter, puis à galoper dans sa direction. Les oreilles basses, la queue relevée et la tête portée sous le niveau des épaules, mes intentions sont claires. Qu'elle me reçoive correctement, cette garce.

Sa voix résonne dans ma tête, mais en sourdine parce que déjà, le sang me monte aux tempes et s'abat dans ma tête comme autant de massues. Je gronde, jappe d'excitation, et la louve s'apprête à me recevoir pleinement. Elle plonge ses crocs puissants dans mon épaules, je serre les dents pour ne pas hurler cette douleur qui irradie dans mes muscles, et je retourne vivement la tête pour prendre possession de son échine en me contorsionnant pour essayer de me libérer de son étreinte. Je me secoue dans tous les sens sans lâcher ma prise, tire sur la chair et déguste son sang tout comme elle goûte au mien. Je me soulève, plante mes griffes dans son épaules, pousse sur mes postérieures pour tenter de lui faire perdre l'équilibre et la prendre de haut en tombant sur elle de tout mon poids. J'essaie de la dominer par ma taille tout en me libérant de ses crocs rageurs, et je laboure ses flancs de mes griffes acérées.

Les secondes s'effilent et le sang perle à nos crocs, mais le délice du combat est dans nos gènes et aucun des deux ne semble sur le point d'abandonner la partie. Après tout, ça ne fait que commencer. Je ricane entre deux morsures douloureuses, jappe lorsque ses crocs serrent trop fort autour de ma cuirasse pourtant solide. Je me retourne, balance mes postérieures dans son thorax pour le redresser et lui faire face, la rage dans les yeux. Je fonds sur elle, feinte à la dernière seconde pour la percuter d'un violent coup d'épaule, et avant qu'elle ne tombe je plonge mes mâchoires dans son pelage d'ébène pour rencontrer sa peau sombre et mordre son flanc aussi fort que ma piètre force me le permet. Je tire violemment en arrière et l'emmène dans une chute brutale, roule avec elle et me redresse le premier pour chercher à mordre son visage tandis que mes griffes s'enfoncent dans sa chair et déchiquètent sa peau.

HRP:

Des coups violents, des morsures brutales et des griffes qui lacèrent la chair avec frénésie. Je m'accroche à ma détermination, me concentre sur ma force, m'efforce de ne pas sombrer dans la peur ou le désespoir. Je crois qu'au fond, je sais qu'elle va me massacrer. Mais je veux encore me battre, et je ne supporte pas l'idée d'abandonner si vite. Je ne supporte pas l'idée d'abandonner tout simplement. Alors, je fais mine de perdre connaissance. Je me concentre, détends tous mes muscles les uns après les autres, sombre dans une inertie totale et laisse les secondes filer. Elle tient ma gorge, mais je bouge plus d'un poil, comme inconscient. Elle est d'abord sur ses gardes, visiblement prête à m'arracher la gorge, mais je sens qu'elle doute face à l'absence de réaction. J'attends encore. Je laisse passer les secondes, les minutes. Elle guette. Puis, je sens la prise diminuer, la pression disparaître autour de ma gorge. Je me redresse brutalement pour lui flanquer un coup de tête violent et la désarçonner. Je roule sur le côté et me relève, fonds sur elle pour lui mordre le museau et faire couler son sang, avant de m'acharner sur son bassin que je laboure de coups de griffes et de crocs meurtriers.

Le sang coule à travers mes blessures, la vie avec. Du moins, pour l'heure, ce n'est que de l'énergie sans importance, et j'en regorge en tant normal. Je ne m'inquiète pas de la fatigue qui prend lentement possession de mon corps, et je m'acharne contre mon adversaire à coups de crocs et de griffes, à coups de morsures et de coups violents dans les membres ou les organes. Je vise les reins, la rate, l'estomac, et mes postérieures atteignent plusieurs fois leurs cibles. Je ricane entre ses crocs, mais la douleur me fait rire jaune. Bientôt la faiblesse dans mes membres s'accentue, et je commence à ressentir la peur. Preuve de sagesse que de s'apercevoir que l'on perd un combat, mais ô combien inutile parvenu à ce stade de la bataille. Je souffle, la voix rauque et j'essaie de grogner. Par instinct, je flanque ma queue entre mes pattes et je suffoque, l'air me fait mal en entrant dans mes poumons. Pourtant je me débats encore, il va falloir que je trouve le moyen de déguerpir mais avant, que je la pousse à lâcher prise sur ma gorge. Je m'agite dans tous les sens, me blessant un peu plus mais de manière superficielle, jusqu'à planter mes griffes dans la gueule de mon assaillante pour appuyer comme un dératé sur ses dents, sa langue et ses gencives. J'appuie encore, jusqu'à la blesser à l'intérieur de la gueule pour la forcer à me lâcher. Je me sens faible, je dois partir. Partir ou mourir ... Je roule au sol lorsqu'elle me libère de son étreinte mortelle, me redresse en tremblant, et la fixe d'un oeil mauvais. J'ai perdu la bataille, mais pas la guerre. Je frappe violemment dans la poudreuse pour l'aveugler, et je pars en courant, à toutes pattes.