Souffle acide du vent, larmes brulantes du ciel. Le monde ne ressemble plus aux paysages d'autrefois. Les cataclysmes ont frappé, des colonnes de flammes et de fumées se sont élevées sur l'horizon. La guerre. La guerre des hommes. Et nous, les loups n'avons eu d'autres choix que de fuir. Nombreux furent nos congénères emportés. Nous traversâmes les plaines cabossées, les forêts de cendres, poursuivis par la faim, traqués par la mort.
Notre salut, nous le devions malheureusement à ceux qui avaient provoqué notre malheur.
Je débarque sur de nouvelles terres, dans un monde que je n'avais jamais foulé auparavant et où mon frère et moi risquons d'être vus comme des intrus. Pourtant, je suis confiant. Nous avons rejoins une meute aisément et nous saurons subsister à leurs côtés en attendant de savoir ce que nous voulons faire de nos vies. Une chose est certaine, nous vivrons à jamais ensemble. Si le monde nous a pris notre mère, nous saurons faire en sorte qu'il ne nous sépare pas. Je lance un regard à mon jumeau, et de ce seul échange il apparaît que nous allons nous séparer pour l'heure. Chacun découvre les territoires qui nous sont offerts, et nous nous retrouverons ce soir pour en parler et partager nos nouvelles connaissances dans la chaleur de notre nouvelle tanière. Je ne me sens pas dépaysé, dans le sens où mon seul point de repère est mon frère, qui est resté et demeurera toujours à mes côtés. Alors, sans aucune gêne, j'ai bien l'intention de commencer cette douce journée d'hiver par un bel entraînement. Autant commencer le plus tôt possible, il n'est pas encore temps de se dorer la pilule. Je visite les lieux d'un pas lent et j'observe les loups de la meute, attendant de dénicher la perle que j'aborderais pour proposer mes services de guerrier recrue. Un jour, je serais plus que ça. Pour l'heure, je me dois de retrouver le corps que j'avais sculpté au fil des années, lorsque Mère était encore de ce monde.
Installée dans les Ruines, la Borgne n'avait pas quitter les terres de sa meute ce jour-là, bien trop occupée à s'occuper de ses affaires pour se permettre une ballade anodine. Les oreilles pivotantes à droite, puis à gauche, elle écoutait les rumeurs qui se disaient, bonnes ou mauvaises, au sein de sa meute. On pourrait presque la prendre pour une espionne, qui agissait à son compte.
Le corps du Blanc n'était pas passer inaperçu pour la Navnik qui ne cessait de l'observer depuis qu'il était rentrer dans son champ de vision. Piquant sa curiosité - rare soit cet événement ! -, elle n'arrivait plus à décrocher sa pupille de son corps immaculé, causant de petits grognements menaçants de sa part. Voyait-elle en lui bien plus qu'un mâle imposant ? Certainement. Cœur de Givre s'avança d'un pas vers lui, sans un mot, se détachant des autres de sa meute autour d'elle. Plantant son œil valide près de ses yeux, elle le défiait. Oui, elle voulait se battre avec lui, s'adonner au plaisir des coups sans penser aux dégâts causés ! Telle une gamine, on aurait pu presque imaginer sa queue remuait tellement l'excitation montée en elle. Elle avait trouvé un partenaire à sa taille, enfin !
Je fais mine de découvrir les ruines de la chapelle, mais j'ai bonne mémoire et je ne parviens pas à me perdre dans les dédales. Je n'aurais décidément rien à raconter de passionnant à Hassan ce soir. je soupire, lorsque mon regard cyan croise celui d'une louve inconnue. Je comprends, à l'image de mes conversation silencieuses avec mon frère, qu'elle ne désire qu'une chose : me voir relever un défi qu'elle me lance sans un mot. Je plisse les yeux en la fixant, puis je baisse ma tête sous le niveau de mes épaules, oreilles dressées dans sa direction, et je souris d'un air narquois. Sans un mot de plus, mon corps se soulève et mes pattes quittent le sol pour me permettre un déplacement rapide et efficace. Je fonce sur elle, la percuté, la fait rouler au sol. Je m'emmêle dans ses pattes mais me relève immédiatement et lui fais face : je suis prêt à relever son défi. Qu'elle vienne. Qu'elle me montre ce qu'elle sait fait, et qu'elle me rende mes compétences d'antan.
Comprenant le message corporel qu'elle semblait dégager, le mâle s'élança sur elle pour la faire basculer vers l'arrière. Cœur de Givre resta quelques instants au sol avant de se lever de nouveau, fière et sûre d'elle. Elle força sur ses postérieurs pour se propulser vers l'avant, gueule ouverte. Les autres Navniks s'attroupèrent bientôt autour d'eux, acclamant des encouragements pour chacun des deux combattants. La Guerrière s'en foutait des autres, trop concentrée sur son nouveau rival. Sa mâchoire se tendit une dernière fois avant de fondre sur le poitrail du blanc violemment. Elle la décrocha l'instant d'après pour le heurter au même endroit, le forçant à reculer. À chaque mouvements, les loups se dégageaient du passage pour laisser le mâle ou la femelle amortir ou esquiver les coups. Rien n'était mieux que de combattre face à un vrai loup, les louves étaient vraiment trop idiotes et faibles à son goût... Même si elle en était une malgré elle.
Des corps partout autour de nous, des masses sombres ou pâles, des silhouettes que je ne regarde pas. Toute mon attention est focalisée sur la louve immaculée et sur les coups qu'elle me porte. Mon cerveau ne fait que réfléchir au moyen de l'esquiver, de lui faire manquer des opportunités de me nuire. Je fonds sur elle, plonge en avant et glisse sous ses pattes en plantant mes crocs dans son poitrail. Tenant fermement ma prise je la force à tomber en avant, la pousse à rouler sur elle-même et me redresse pour fondre sur elle, la plaquer au sol sous mon poids. Elle finit par me repousser violemment, mais je n'ai pas dis mon dernier mots et, sous la pression de ses antérieures sur ma cage thoracique, je m'abats sur elle tous crocs dehors, tentant d'attraper son visage ou sa gorge, essayant tant bien que mal de faire plier ses pattes pour lui tomber dessus et lui asséner des coups de crocs brutaux.
Réussissant à s'insérer sur elle, le mâle fit basculer la Borgne vers l'avant, perdant tout son équilibre. Elle roula quelques tours avant de retrouver sa position initiale, lui toujours en dessous. La Guerrière parvint à esquiver quelques uns de ses coups en le poussant férocement contre le sol, mais celui-ci revint plus ardemment. Protégeant son cou qu'il tentait de viser, elle essaya de le mordre à son tour, n'ayant que sa gueule sous son menton. Elle grogne et fait bloc. Son œil valide est injecté de sang, signe qu'elle est complètement enragée et que seul, la folie guide désormais ses mouvements. Il n'était plus que question de survie désormais. Elle sent la pression du loup sur ses pattes, mais résiste. Elle ne doit pas tomber. Pas si facilement.
Je continue de forcer pour tenter de la faire chuter, mais la femelle tient bon malgré mes efforts. Je me sais en bien mauvais état comparé à elle, pourtant je refuse tout bonnement de lâcher prise et d'abandonner. Je ne veux pas capituler. Je grogne de frustration, puis relâche brusquement toute pression pour me redresse de toute ma hauteur. Je m'élève sur mes postérieures et abats toute cette injustice contre l'échine de la louve immaculée, mordant dans sa nuque comme dans la cuisse d'une proie, et je serre fort les mâchoires dans l'idée de faire couler son sang. Mon cerveau se rappelle malgré notre acharnement réciproque que nous sommes alliés, et je tâche de ne pas la blesser réellement, mais la colère bat à mes tempes et je peine à me maintenir dans un état d'esprit relatif à l'entraînement. Je n'ai qu'une envie : déchiqueter ses membres un à un et sentir sa chair glisser contre mes crocs.
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