Souffle acide du vent, larmes brulantes du ciel. Le monde ne ressemble plus aux paysages d'autrefois. Les cataclysmes ont frappé, des colonnes de flammes et de fumées se sont élevées sur l'horizon. La guerre. La guerre des hommes. Et nous, les loups n'avons eu d'autres choix que de fuir. Nombreux furent nos congénères emportés. Nous traversâmes les plaines cabossées, les forêts de cendres, poursuivis par la faim, traqués par la mort.
Notre salut, nous le devions malheureusement à ceux qui avaient provoqué notre malheur.
En silence, Noire s'entraînait. Elle musclait ses pattes, courrait, sautait, se projetant dans les airs avec des impulsions violentes contre le sol. Elle travaillait sa force également, que ce soit dans ses pattes ou dans ses mâchoires. Elle broyait des bâtons, écrasait des branchages, déplaçait des pierres... Noire s'entraînait souvent désormais. Grâce à Skoll. C'était lui qui lui avait donné envie de s'améliorer. Aujourd'hui, la louve avait décidé de s'entraîner à la Fête Foraine. Elle ne commença pas tout de suite, préférant tout d'abord réfléchir à quel type d'entraînement elle procéderait aujourd'hui, et débuta l'échauffement en courant jusqu'aux différents manèges, tous en ruines. Elle ne pensait pas être dérangée ici... Noire souhaitait s'entraîner durant toute l'après-midi, mais contrairement à son humeur habituelle, cela ne l'aurait absolument pas dérangé que quelqu'un se joigne à ses exercices... Et c'est bien sur ce qui arriva.
I am a human being capable of doing terrible things.
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Odyssée était faible. Et c'était peu de le dire. Depuis qu'elle se baladait sur ces terres elle avait lentement commencé à se sentir en état d'insécurité constante. Ici, il n'était pas rare de voir des brutes s'en prendre aux faibles pour on ne sait quelle raison. C'était la loi du plus fort après tout non ? Si jamais elle voulait rester en vie il valait mieux qu'elle s'entraîne. Seulement voilà, elle ne s'était jamais entraînée de sa vie. Tout ce qui desservait sa survie pour l'instant elle le tenait de sa mère. Et il n'avait jamais été question de contacts physiques. Sa génitrice abhorrait la toucher plus que tout. C'était à se demander comment elle avait réussi à l'allaiter tout ce temps. Mais bref, c'était du passé. La jeune louve ne la reverrait sans doute jamais. Il fallait qu'elle se prenne en main dés à présent.
Le soleil avait passé le zénith depuis quelques temps, et Odyssée se trouvait toujours à errer sans savoir où aller. C'était son quotidien depuis qu'elle était arrivée dans le coin : elle explorait petit à petit l'inconnu sans jamais savoir sur quoi elle allait tomber. Aujourd’hui il semblerait que ce soit un parc d'attraction en ruine. Quel étrange spectacle que de tomber sur ces attractions rouillées, la grande roue effondrée au sol, squelettes d'une époque passée où la joie avait encore sa place. Le fantôme des rires des enfants semblait encore hanter les lieux... Un frisson lui parcouru l'échine, ça lui semblait glauque à souhait.
Mais elle n'était plus seule dorénavant. Une odeur lupine charriée par le vent vint lui chatouiller la truffe. Elle cru apercevoir du coin de l’œil une forme sombre qui déboulait à toute allure entre les divers manèges. Fronçant les sourcils, elle se concentra pour enfin apercevoir l'inconnu. Un loup noir courant dans tous les sens. Sautant sur les murs, broyant des bâtons. Le spectacle l’interloqua une seconde. Qu'est ce qu'il foutait là ? Son visage revêtit une expression de surprise, une lueur d'incompréhension dansant dans ses grands yeux oranges. What the fuck ? Et puis la pièce tomba et elle comprit. Elle s'entraînait ! Tient ça tombait à pic justement. Odyssée s'engagea à petit foulées dans sa direction, l'allure neutre. Puis elle la héla de sa voix aiguë de gamine.
« Hey ! Bonjour ! »
Un sourire vint éclairer ses traits.
« Vous vous entraînez ? » Question idiote. « Parce que je me disais, je pourrais peut-être me joindre à vous ? »
Elle ne savait pas trop que dire, après tout elle ne connaissait pas cet individu. Qui se révélait être une louve solitaire à l'odeur, maintenant qu'elle était plus proche.
« Je sais qu'on ne se connaît pas. Je me présente, je suis Odyssée. M'enfin entre solitaires on pourrait peut-être se refiler un coup de patte ? »
Même si vu l'allure musclée que l'autre avait, elle risquait plutôt de la faire morfler. Tant pis, fallait bien qu'elle tente sa chance après tout. La louve blanche se donnait du mal pour avoir l'air sympathique en plus, elle espérait que la noire ne la laisserait pas en plan.
Alors que Noire s'apprêtait à escalader des ferrailles effondrées, une voix suraiguë lui fit mal aux tympans. Elle se retourna vivement, les yeux brillants de l'éclat de la méchanceté, lorsqu'elle aperçut une louve au pelage blanc -une solitaire- qui venait de la saluer gentiment. La femelle sombre fronça la truffe, interloquée par cette nonchalance, et le fut davantage lorsque l'autre lui demanda si elle pouvait se joindre à elle, pour s'entraîner. Noire plissa cette fois les yeux, étudiant cette inconnue avec intérêt. Elle semblait pleine de joie de vivre et de sympathie, mais de quel droit s'invitait-elle à l'entraînement de la noire ? Elle se présenta sous le nom d'Odyssée, mais Noire ne précisa pas son propre nom. Elle se contenta de la dévisager, enfermée dans le silence, puis poussa un petit grognement qui signifiait, en clair "ouais vas-y, tu peux venir". Mais c'est sans un mot bien formulé qu'elle se déplaça jusqu'au tas de ferraille vu un peu plus tôt. Elle ne comptait pas donner son nom à cette inconnue. Et elle ne lui parlerait qu'à la seule condition que celle-ci ne l'embête pas trop, et fasse des efforts pour rendre l'entraînement plus utile. Pas sympathique : Utile. Noire lui jeta un rapide coup d'oeil, puis bondit sur le tas de ferraille. Aussitôt, toutes les branches de métal se mirent à bouger, et la solitaire chercha un équilibre pour éviter de tomber. Le tas était plutôt haut, si elle chutait, elle pouvait se blesser gravement. Elle fit alors signe à Odyssée de la rejoindre là-haut, et agrippa ses pattes là où elle le pouvait, sans pour autant prendre une attitude effrayée. Elle restait digne, même dans le déséquilibre, et malgré sa tête de vilaine louve mal-léchée. Elle savait que l'arrivée de la blanche allait déséquilibrer davantage le tas de ferraille, et elle se prépara au choc, sans quitter ses pattes du regard. Voilà qui allait pouvoir être utile pour débuter l'entraînement. Une phase d'équilibre.
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Son sourire se figea sur son visage. Comme du papier glacé. La louve noire ne semblait pas vraiment du genre à être bavarde ou même sympathique. En fait, Odyssée commençait lentement à se demander si elle n'allait pas plutôt se faire flanquer une raclée vu l'éclat de méchanceté qui brillait dans les yeux dorés de la solitaire. Peut-être que l'Arctique aurait dû aller moins droit au but... Juste histoire de savoir à qui elle avait affaire. Elle n'avait pas peur cependant. Campant sur ses membres, elle était dans l'expectative d'une réponse.
Qui ne vint pas. Elle se sentit dévisagée sous toutes les coutures, comme si la noire se demandait à quelle sauce elle allait la bouffer. Fait chier. Odyssée ne s'était jamais battue de sa vie et elle n'avait sincèrement pas envie de s'y mettre. La violence, c'était pour ceux qui ne savaient pas faire autrement. C'était pour les lâches sans cervelle. Inconsciemment, la louve blanche détailla l'inconnue aussi. Elle n'était ni élancée ni trapue. Juste entre les deux. Mais ce qu'il était difficile d'ignorer était sa musculature bien développée. Et ses crocs d'ivoires qu'elle imaginait cachés dans sa gueule, tout prêt à se dévoiler et à se ficher dans sa gorge.
Mais, contre toute attente, rien ne se passa ainsi. La noire grogna simplement d'un air sec, toutefois approbateur. Ses muscles se détendirent alors que le soulagement se propageait dans son corps. Elle acceptait de l'entraîner ! Mais la conclusion était claire ; valait mieux pas l'emmerder celle là. Odyssée se tut donc, conservant le silence. Elle se contenta d'acquiescer dans une signe de tête poli. Mais l'autre ne s'en formalisa pas plus, elle lui tourna déjà le dos pour reprendre l'entraînement. Odyssée se retient avec peine de parler, de demander un ' et maintenant ? '. A la place elle patienta, la regarda prendre son élan et bondir sur un tas de ferraille. C'était là que ça se compliquait. Parce que c'était bien beau de vouloir s'entraîner, mais maintenant le tout c'était de ne pas se ridiculiser en se cassant la gueule. Dans un bruit métallique, les branches de métal sur lesquelles se trouvaient la noire se mirent à bouger. Ça grinçait et tanguait d'un air peu rassurant. Odyssée avala sa salive, puis s'engagea à sa suite d'un pas faussement assuré. Elle la rejoignit d'un bond agile, comptant sur son faible poids pour l'aider. Pour une fois que c'était un avantage. Elle se réceptionna sur une plaque en équilibre précaire, qui se mit aussitôt à crisser. La louve se concentra parfaitement, maîtrisant son souffle et ses battements de cœur qui commençait à s'emballer. Ses traits étaient figés dans un état d'application intense. Maintenant qu'elle avait trouvé une certaine stabilité, la louve blanche se mit à escalader le tas. Celui-ci avait quand même une hauteur respectable et tant qu'à faire autant aller voir ce que ça donnait la vue du sommet de celui-ci. Posant ses pattes avec prudence sur des prises qui lui semblaient sûres, elle cheminait petit à petit. En vrai, elle se sentait fière de gérer l'exercice sans tout faire foirer. Un cri lui échappa à un moment où sa patte dérapa sur une paroi branlante, mais elle se rattrapa de justesse. Après tout, Odyssée avait toujours compté sur son agilité. Ses yeux orangés se détachèrent un instant de ses pattes pour chercher la noire du regard. Un sourire satisfait trônait sur ses babines bien qu'elle fasse de son mieux pour qu'il reste discret.
Noire s'attendait à ce que la louve aux yeux orangés bondissent rapidement sur le tas. Mais elle ne semblait pas de cet avis, et se contenta de grimper dans sa direction, lentement, un pas après l'autre. Noire patientait, le regard plissé, sans ciller. Les entraînements n'avaient aucun intérêt s'il n'y avait pas un peu d'action. Lors de son entraînement avec Sköll sur l'épave d'avion, elle avait bien travaillé tous les points essentiels. Vitesse, agilité, force, équilibre... Et c'était bien ce qu'elle comptait faire aujourd'hui, avec ou sans l'accord d'Odyssée. La blanche ne se débrouillait pas trop mal. Elle progressait plutôt rapidement finalement, et elle ne glissa qu'une seule fois, parvenant à se réceptionner correctement. La solitaire l'observait toujours d'un regard perçant et décida finalement qu'il fallait vraiment lancer l'action. A cette allure là, l'entraînement n'avait aucun intérêt. Brusquement, sans prévenir la blanche, Noire bondit sur place. Elle se projeta dans les airs et retomba sur le tas de ferraille, le faisant trembler de toute part. Quelques barres tombèrent en direction du sol, mais cela ne suffisait pas à la femelle. Elle recommença encore, trois fois, et lorsque ses pattes touchèrent pour la quatrième fois le haut du tas, la quasi-totalité des barres s'écroulèrent. Odyssée, qui se trouvait un peu plus bas, avait intérêt à sauter où, ou à courir vite, c'était elle qui voyait, sinon elle risquait fortement de se faire écrabouiller. Noire quant à elle, ne perdit pas son temps. Elle bondit le plus loin possible du tas qui tombait en morceau, et atterrit durement contre le sol, sans chuter pour autant. Une vive douleur lui transperça la patte avant. Elle la souleva et aperçut quelques petites gouttes de sang qui perlaient. Elle avait dut se couper sur la ferraille, rien de bien grave. Mais Odyssée s'en était-elle bien sortie ?
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Maintenant qu'Odyssée avait trouvé son rythme, elle se trouvait presqu'au niveau de la solitaire. Elle la fixa dans le blanc des yeux, attendant la suite. Et celle-ci ne tarda pas à venir. Sans prévenir, la noire se mit à bondir sur le tas de ferraille. Si celui-ci tanguait déjà dangereusement alors que les deux louves n'avaient qu'à peine bondit dessus, ici le vacarme se fit effrayant. Odyssée baissa l'échine, pliant légèrement les pattes pour gagner en stabilité. Mais c'était peine perdue alors que le sol se mit à trembler sous elle, des barres en métal tombant dans côté et de l'autre pour se fracasser dans un bruit sourd sur le sol. Toute la structure se trouvait sur le point de se déverser par terre. Les yeux de la louve s'écarquillèrent, une lueur désappointée visible dans le fond de ses prunelles. Mais ce fut bref, elle secoua la tête, reprenant ses moyens aussitôt. Il fallait qu'elle fasse vite ! Prenant son élan, elle bondit le plus loin qu'elle put, atterrissant lourdement sur ses pattes. Elle eu à peine le temps de reprendre son souffle que des barres de fer se mirent à tomber autour d'elle, manquant de la toucher. La louve blanche prit alors ses pattes à son cou, slalomant lestement entre celles-ci. Elle sentit un poids lui heurter le flanc gauche, tentant de la broyer sous son poids titanesque. Elle fit en vitesse un bond sur le côté. Si elle n'avait pas eu des réflexes assez vifs, elle en serait morte.
Aussi soudainement que ça avait commencé, ça s'arrêta. Le souffle chaud d'Odyssée formait une vapeur blanche qui s'échappait de sa gueule en petits nuages. Une douleur sourde pulsait dans son flanc, mais elle n'en laissa rien paraître. Ça laisserait juste un sale bleu. La tête basse, elle ferma ses yeux un infime instant. Le temps de faire une petite pause. Ses muscles se trouvaient échauffés comme il fallait maintenant. L’entraînement pouvait réellement commencer.
A son tour d'imposer un exercice. La noire semblait bien trop complaisante vis à vis d'elle. Bien sûr que l'Arctique était plus faible, mais elle n'avait pas dit son dernier mot. Pleine de détermination, elle chercha sa partenaire d’entraînement dans le paysage. Elle n'était pas bien loin, examinant sa patte d'un air soucieux. Tient, elle s'était blessée aussi semblerait. Un sourire s'étira sur les babines d'Odyssée. Pas que ça lui fasse plaisir au contraire, mais fallait bien que l'autre se rappelle qu'elle était loin d'être invincible aussi. S'approchant à petites foulées d'abord, elle prit le soin de se placer en contre sens du vent. Pour ne pas qu'elle la sente arriver. Et puis elle accéléra, l'approchant sur son flanc droit. Elle bondit sur elle, la percutant de son faible poids à l'épaule. Mais son but n'était pas de l'attaquer. La sentant légèrement déséquilibrée, elle enlaça ses pattes autour de son encolure. Sa gueule toute proche de son oreille, elle chuchota de sa voix rauque : Prête pour une petite course d'obstacles ?
La blanche avait remarqué quelque chose en arrivant, ce qui l'avait le plus choqué à vrai dire. La Grande Roue effondrée sur le côté, tel un cadavre monstrueux. Les cabines se trouvaient toutes déformées, la tôle broyée par la chute. Mais ce qui l'intéressait le plus, c'était la structure en elle même. Celle-ci était parfaite : les diverses parties de métal qui la composait constituaient un véritable parcours du combattant. L'armature en zigzag formait des trous où se faufiler et des parois à escalader. C'était ça son idée.
Sans plus attendre, Odyssée se détacha de la noire et se mit à cavaler dans la direction de l'attraction. L'air froid s'engouffrait dans son pelage, ses pattes martelaient le sol à toute allure. Son sang chaud pulsait dans tout son corps, irriguant ses membres. C'était une véritable débauche d'énergie, grâce à l'adrénaline qui l'emportait dans son élan. Elle se mit à sauter au dessus du métal rouillé, puis à s'engouffrer dans les trous de la structure, comme prévu. C'était éreintant. La sueur se mit à couler sur son front.
Noire observait son coussinet avec intérêt, et l'appuya contre le sol pour stopper l'hémorragie. Elle n'était pas guérisseuse, elle ne savait pas trop comment s'y prendre pour arrêter l'arrivée du sang. Mais en quelques secondes, se fut terminé. La plait était minime, elle s'était refermée rapidement. Brusquement, un éclair blanc lui passa devant les yeux, et Noire se sentit basculer sur le côté. Dans un grognement surprit, elle voulut se débattre, tandis que des pattes lui serraient l'encolure, mais elle reconnut l'odeur de sa coéquipière, Odyssée, qui lui murmura simplement dans le creux de l'oreille qu'elles allaient procéder à une course d'obstacle. Odyssée la relâcha, et Noire gronda dans sa direction en s'ébrouant. Mais l'autre était déjà partie, courant comme un louveteau en direction de la Grand Roue effondrée. Un solitaire avait appris à Noire le nom de cette énorme structure. Mais elle ne s'en était jamais vraiment approchée. Suivant la blanche, la femelle au pelage de jais sentit le picotement de sa blessure au coussinet revenir. Elle avait rouvert la blessure. Grimaçant d'agacement, elle lécha le sang qui s'écoulait de nouveau, et lâcha un grognement de vieille pie grincheuse. Quelle déveine cette plaie ! Mais la noire n'allait pas se laisser déstabiliser par une petite coupure. Aussitôt, elle grimpa derrière Odyssée, et la suivit dans les entrailles de la roue. C'était à la blanche de mener la danse cette fois-ci. Noire se contenterait de la suivre, imitant tous ses mouvements.
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Comme par habitude, la louve noire ne souffla mot. Elle suivit Odyssée dans sa course d'obstacles, lui laissant silencieusement le relais de l'entraînement.
La structure défoncée était un véritable labyrinthe. Certains branchements c'étaient écroulés ne laissant d'autre choix que de bondir pour les franchir. Les gravas s'accumulaient en tas, formant des espèce de tremplins bancals pour se propulser. La louve blanche laissait son corps travailler, remontant ses manches pour se donner à fond. Sa course était rapide, haletante. Ses côtes se soulevaient sous sa respiration lourde et chaude, ses muscles s’enflammaient. Mais ça faisait du bien de travailler ainsi. Odyssée bondit lestement par dessus le métal, atterrissant dans un interstice. Là, il n'y avait d'autre choix que de se glisser dans une cabine défoncée, les vitres en éclats. Elle se glissa par la porte pour passer, sautant par une fenêtre pour en sortir. Sans doute que la solitaire noire devait la suivre de près... Une idée lui traversa l'esprit, laissant un sourire malicieux dans son sillage. Elle allait lui faire une petite surprise.
La blanche accéléra l'allure, s'arrangeant pour gagner en vitesse et ainsi prendre de l'avancer sur sa comparse. Un trou se formait dans les gravas à la suite de la cabine et Odyssée s'y engouffra, se stoppant brusquement. Elle tenta de calmer sa respiration, se faisant la plus discrète possible. Son cœur battait dans ses tempes en des boum boum explosifs. Il ne fallait pas se faire repérer... Elle attendit les quelques secondes nécessaire avant que la noire ne surgisse de la cabine défoncée.
C'était le moment ! Avec l'agilité d'un félin, Odyssée bondit hors de sa cachette. Elle utilisa toute la puissance que ses postérieures pouvaient lui fournir pour se propulser vers Noire et la percuter de plein fouet. Elle vit des étincelles sous le choc mais tenta tout de même de s'agripper à la noire, lui mordant l'épaule. Que serait un entraînement sans combat ? Un grondement sourd s'échappa de sa gueule lorsqu'elles retombèrent au sol ensemble, roulant dans les débris. Odyssée possédait l'avantage de la surprise, et elle s'en servit pour raffermir sa prise. Elle se servit de ses griffes pour lui labourer le dos, tout ce qu'elle pouvait atteindre. Vu leurs différences de capacités, elle savait qu'elle pouvait y aller de toute ses forces sans risquer de trop blesser la solitaire. Alors elle ne se gêna pas pour planter ses crocs et griffes avec acharnement, telle une furie dangereuse.
Odyssée avançait devant la noire, bondissant à travers les branches de métal écroulées. La solitaire au pelage corbeau la suivait à la trace, imitant chacun de ses mouvements avec de petites touches personnelles. Elle savait que toutes deux pouvaient gravement se blesser ici. Et puis qui c'est, peut-être même attraper une maladie grave, avec une infection dans une plaie ? Sa blessure au coussinet ne la faisait plus souffrir, mais au milieu de toute cette ferraille, il était facile de se couper. Soudain, la blanche accéléra l'allure, et Noire la perdit de vue durant un instant. Elle poussa sur ses pattes arrières pour la rattraper, mais Odyssée semblait s'être volatilisée. Se repérant à l'odeur, la femelle la poursuivit à travers la grande roue écroulée, bondissant entre la ferraille, évitant les bouts en pointe qui risquaient de la blesser. Et brusquement, alors que Noire s'apprêtait à pénétrer dans une cabine, un éclair blanc la percuta de plein fouet. Elle vacilla sur le côté, tandis que des griffes lui labouraient le dos. La garce ! Odyssée venait de la prendre par surprise, et l'attaquait sans ménagement ! Noire grogna sous l'effort, et voulut se détacher de son adversaire, mais celle-ci la tenait fermement, la mordant et la griffant de tous les côtés. Mais Noire était plus forte, elle possédait plus de muscles. Elle pivota sur le côté, et décocha un coup de croc précis dans la joue de la blanche. Puis, à l'aide de ses pattes, elle la fit trébucher, lui griffant les membres porteurs sans se gêner, et elle s'écarta d'un petit bond rapide lorsque son ennemie s'écroula entre les branches de métal. Agacée par ce retournement de situation, et cette infidélité de sa coéquipière du jour, elle lui cracha au visage, en la maintenant d'une patte par terre :
"Alors comme ça, tu croyais m'avoir ? Je suis bien plus forte que toi ma poulette."
Et elle montra les crocs, dans un demi-rictus, avant de relâcher la blanche pour poursuivre l'entraînement. Mais à l'avenir, elle ferait plus attention, et ne se laisserait plus surprendre.
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