Souffle acide du vent, larmes brulantes du ciel. Le monde ne ressemble plus aux paysages d'autrefois. Les cataclysmes ont frappé, des colonnes de flammes et de fumées se sont élevées sur l'horizon. La guerre. La guerre des hommes. Et nous, les loups n'avons eu d'autres choix que de fuir. Nombreux furent nos congénères emportés. Nous traversâmes les plaines cabossées, les forêts de cendres, poursuivis par la faim, traqués par la mort.
Notre salut, nous le devions malheureusement à ceux qui avaient provoqué notre malheur.
"All the things that you had lost will find their way to you" force 19 | agilité 22 | endurance 23
Noire se serra encore plus à lui en réponse et ils purent accélérer un peu leurs pas. Reaven releva la tête et vit le contour des vieux arbres calcinés du Bosquet Tortueux se dessiner au loin. Encore quelques minutes et ils seraient finalement arrivés à destination. La voix de Noire s’éleva à nouveau dans le paysage enneigé :
“Je ne pouvais pas me permettre de te laisser mourir. Tu m'as déjà sauvée plusieurs fois, c'était la moindre des choses ! Et puis... Pour une fois que je trouve quelqu'un qui sait m'écouter sans porter de jugement trop rapide...”
Le Guérisseur retourna son regard vers elle, surpris qu’elle se confie ainsi à lui. Comptait-il tant pour elle ? Mais elle sembla gênée et clarifia ses paroles :
“Je veux dire... Les autres me voit surtout comme une solitaire sauvage et vieille, qui effraye tous ceux qui passent. Mais moi je ne cherche pas la bagarre. Je veux juste être tranquille.”
Reaven eut un soupir triste. Noire devait se sentir terriblement seule, mais alors pourquoi ne voulait-elle pas essayer de changer de vie ? Pourquoi n’avait-elle pas accepté sa proposition de rester quelques jours chez les Esobeks ? Avait-elle fini par croire ce que les autres pensaient, par se considérer elle-même comme effrayante et sauvage ? Pourtant, une fois qu’on prenait le temps de faire sa connaissance, de l’écouter un temps soit peu, on comprenait vite qu’elle était plus que ça ; si seulement plus de personnes pensaient à s’arrêter un instant de considérer tout le monde comme son ennemi.
“Mais tu n’es rien de tout ça, Noire, sinon tu ne serais pas ici à m’aider ; et tu m’aurais attaqué lors de notre première rencontre mais tu ne l’as pas fait.”
Il repensa à la première fois qu’ils s’étaient croisés sur un toit de la Ville en Ruines. A l’époque elle se raidissait rien qu’à la pensée que Reaven puisse s’approcher d’elle, et maintenant les voilà accolés l’un à l’autre. Elle avait fait tant de progrès, et le Guérisseur se demandait si elle s’en rendait compte.
Il lui donna une légère bourrade amicale et sourit alors qu’il continuait, faisant écho aux mots que Noire lui avait dits tout à l’heure :
“Et puis tu n’es pas vieille.”
Son sourire s’adoucit un peu et il prit un instant pour la regarder, avant de dire ces derniers mots :
Reaven avait un bon fond, et Noire s'en voulait profondément de l'importuner avec ses nombreux tourments. Qu'est-ce que cela pouvait bien lui faire, qu'elle se plaigne de sa vie minable ? Il était guérisseur, il devait entendre geindre des loups à longueur de journée. Et même lorsque lui se blessait, il était obligé de supporter les gémissements de sa sauveuse.
"Mais tu n’es rien de tout ça, Noire, sinon tu ne serais pas ici à m’aider ; et tu m’aurais attaqué lors de notre première rencontre mais tu ne l’as pas fait."
Certes. Noire poursuivit sa route, l'épaulant toujours du mieux qu'elle pouvait pour éviter qu'il ne se blesse davantage. Elle ressentait le besoin d'aider ce loup, de rester auprès de lui. Elle le sentait si fragile... Mais pas à la manière d'un petit louveteau sans défense. Non, ce mâle gris était déjà un canidé adulte, affirmé dans sa vie sociale. Mais il n'en restait pas moins fragile. Noire avait l'impression que le moindre prédateur pourrait l'abattre d'un coup de patte. D'ailleurs, elle-même n'aurait aucune difficulté à le tuer si l'envie lui prenait. Il rajouta après une petite bourrade amicale que la louve "n'était pas vieille". Les mots qu'elle lui avait glissé peu avant. Puis, poussant un peu plus loin encore la conversation, il lui lâcha :
"Tu es une bonne personne, Noire."
Elle en doutait. Mais les paroles du mâle gris lui réchauffèrent le coeur, et elle osa relever la tête vers lui. Leurs regards se croisèrent, l'un jaune comme le soleil, l'autre vert comme l'émeraude. Une douce chaleur s'empara de la louve, et durant un instant elle crut qu'elle allait tout lâcher et s'effondrer aux pattes de l'Esobek. Alors, sans le lâcher du regard, elle lui répondit d'une petite voix :
"Merci."
Puis, après une courte pause, et tout en se dandinant d'une patte à l'autre, elle rajouta :
"Et.... Si tu veux toujours de moi... Je pense que je vais accepter ta proposition. Je vais rejoindre les Esobeks."
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Noire releva la tête vers Reaven, ses yeux jaunes remplis d’une chaleur qui n’y était pas auparavant. Était-ce la première fois que quelqu’un la traitait comme une personne digne d’être appréciée ? Que quelqu’un parvenait à voir à travers cette carapace qu’elle s’était construite ?
“Merci.”
Sa voix s’était-elle réellement adoucie ou n’était-ce là qu’une impression ? Reaven lui sourit, mais visiblement quelque chose la démangeait, à l’intérieur, et voulait sortir.
“Et.... Si tu veux toujours de moi... Je pense que je vais accepter ta proposition. Je vais rejoindre les Esobeks.”
Reaven se stoppa subitement dans sa marche, pris de court par la déclaration de la louve. Avait-il bien entendu ? Venait-elle bien de dire qu’elle voulait rejoindre les Esobeks ? Son regard s’illumina et son sourire s’agrandit alors que ses yeux rencontrèrent à nouveau ceux de la louve. Il était si heureux qu’elle ait finalement accepté sa proposition. Plus jamais il n’angoissera à l’idée que Noire soit là, dehors, exposée à tous les dangers, peut être blessée voire morte, sans qu’il ne puisse rien faire pour le savoir ou l’aider. Pourquoi cette angoisse était-elle même là au départ ? Il ne s’était jamais senti de cette manière pour ses autres patients, que ce soit Dalioka ou même Yroen qui était disparue depuis bien trop longtemps que pour avoir un quelconque espoir de la revoir ... Mais Noire était bien plus qu’une patiente, bien plus qu’une simple louve Solitaire, bien plus que tout.
Lui aussi avait quelque chose d’important à lui dire.
“Je suis tellement heureux que tu aies pris cette décision, Noire, et bien sûr que je veux toujours de toi !”
Il faudrait d’abord que Plume Rousse accepte son entrée dans la Meute mais Reaven n’avait aucun doute là-dessus.
“Puisque nous serons donc amenés à vivre ensemble dans la même Meute, j’ai également quelque chose à t’avouer.”
Le Guérisseur déglutit et prit une grande inspiration en fixant le sol, anxieux à l’idée de ce qu’il s’apprêtait à dire et qui pourrait très bien amener Noire à revenir sur sa décision et partir sans demander son reste. Mais lui cacher une chose pareille serait une malhonnêteté impardonnable.
Il releva le regard et dirigea de nouveau celui-ci vers les yeux de la louve, prêt à faire sa déclaration.
“Il semblerait que, disons, ... je me suis pris d’une certaine affection pour toi. Quelque chose de plus fort que ce que je pourrais ressentir pour n’importe quel autre patient, et voilà je ...”
Reaven ferma les yeux et déglutit, puis reprit une nouvelle inspiration. Plus il allait s’étendre et plus il allait perdre ses moyens, alors autant aller droit au but. Il finit par balbutier, les yeux toujours fermés, comme honteux :
“Je t’aime, Noire.”
Il rouvrit lentement les yeux, appréhendant la réaction de la louve qui, sûrement, ne s’attendait pas à pareille déclaration.
C'était une décision difficile, mais elle y avait bien réfléchi, plusieurs fois. Elle voyait beaucoup de points positifs, à rejoindre les Esobeks. Pas parce qu'elle se sentait seule, ça, ça ne la dérangeait pas, mais en devenant une louve de meute, elle serait mieux protégée.... Et même si, en échange, elle devait apprendre à compter sur les autres, au moins elle n'aurait plus jamais faim. Et elle aurait Reaven à ses côtés, tout le temps. Le guérisseur s'arrêta brusquement, comme si cette nouvelle le surprenait. Noire comprenait sa réaction. Jusqu'ici, elle avait toujours catégoriquement refusé de le rejoindre, lui, et les Esobeks. Tandis qu'elle attendait avec inquiétude de savoir s'il était toujours d'accord pour qu'elle fasse partie de la meute, elle se surprit à s'attarder sur son regard vert. Qu'est-ce qu'il était beau... Le regard, et le loup lui-même. En rejoignant la meute, elle pourrait le contempler tous les jours. Même si elle se doutait bien que lui, de son côté, devait la trouver bien laide avec son pelage sale et son attitude sauvage.
"Je suis tellement heureux que tu aies pris cette décision, Noire, et bien sûr que je veux toujours de toi !"
Elle se retint de sourire. Il voulait toujours d'elle. Tant mieux. Cela voulait dire que plus rien ne l'empêchait de rejoindre les Esobeks. Plume Rousse et Nymeria s'étaient toutes deux montrées plutôt accueillantes... Elles ne refuseraient surement pas de la laisser les rejoindre. Mais alors que Noire savourait cette nouveauté, le choix qui allait changer sa vie, Reaven lui annonça qu'il avait quelque chose à lui avouer. Un petit silence s'ensuivit, durant lequel la solitaire sentit son coeur s'accélérer, puis l'Esobek se remit enfin à parler.
"Il semblerait que, disons, ... je me suis pris d’une certaine affection pour toi. Quelque chose de plus fort que ce que je pourrais ressentir pour n’importe quel autre patient, et voilà je ..."
Noire aurait voulu disparaître sous terre. Qu'était-il entrain de lui révéler ? Qu'il éprouvait de l'affection pour elle ? De l'affection véritable, plus qu'il ne le devrait ? Noire l'avait bien compris depuis le début, elle avait vu de quelle manière il la regardait en oblique, mais elle avait toujours refusé d'y croire ! Pour elle, elle était une patiente comme une autre. Elle pensait que Reaven témoignait cette affection à tous les loups qu'il soignait !
"Je t’aime, Noire."
Les mots résonnèrent dans la tête de la louve, qui s'écarta du guérisseur, les yeux écarquillés. Ses pattes se mirent à trembler, tandis que son coeur battait si fort qu'il aurait pu s'arrêter. Ses oreilles chauffèrent, tant la surprise était forte. Il l'aimait. Il l'aimait, sincèrement. Il ne mentait pas, Noire le voyait. Elle lisait dans ses yeux l'affection qu'il lui témoignait, une affection sincère. Vraiment sincère. Pour la première fois de son existence, un mâle lui disait qu'il l'aimait, pour de vrai. Et elle n'aurait pas voulu que ce soit un autre loup. Elle ferma quelques instants les yeux, pour s'assurer que tout était bien réel. Elle l'aimait aussi, elle ne pouvait pas le nier. Cela faisait déjà plusieurs jours qu'elle s'en était rendue compte. Mais elle s'étai voilé la face, car elle pensait que Reaven ne l'aimerait jamais. Elle avait empêché ses sentiments d'éclore. Mais la déclaration du mâle gris changeait tout. Tout, absolument tout. Alors, elle rouvrit les yeux, et plus heureuse que jamais, lui murmura à son tour :
"Je t'aime aussi Reaven."
Brusquement, sa vie venait de s'éclairer. Elle allait rejoindre les Esobeks, et allait pouvoir vivre son amour avec Reaven, comme bon lui semblerait. Elle ne serait plus obligée de se cacher, seule, terrée dans sa tanière miteuse. Elle allait pouvoir vivre une vie, une vraie. La vie qu'elle n'avait jamais eut. Et ce, grâce à lui, ce loup rencontré à la Ville en Ruines. Il venait de changer son existence, comme personne d'autre ne l'avait jamais fait.
"All the things that you had lost will find their way to you" force 19 | agilité 22 | endurance 23
Les secondes s’écoulèrent comme des heures alors que Reaven se rendait pleinement compte de ce qu’il venait de dire et commençait à le regretter un peu, voyant la louve reculer et écarquiller les yeux. Le pire ne serait pas qu’elle ne ressente pas la même, non, le pire serait qu’elle se sente obligée de prétendre l’aimer alors que ce n’était pas le cas, et c’était là quelque chose que le Guérisseur ne pourrait supporter, et elle non plus d’ailleurs. Il devait le lui dire, il ne pouvait laisser cela sous silence, mais peut-être devrait-il clarifier, la rassurer ... avait-il été trop direct ? Il aurait sûrement dû amener le sujet beaucoup plus doucement, plutôt que de tout déballer aussi rapidement. Ses pensées s’embrouillaient, il ne savait plus trop quoi faire ou donner de la tête, mais une voix mit fin au concert de voix contradictoires qui résonnait à l’intérieur de son crâne :
“Je t'aime aussi Reaven.”
Cette phrase était la seule qui se répétait dans sa tête désormais, et il lui fallut un moment pour que sa signification le percute. Après quoi il releva lentement la tête, clignant des yeux, un peu incrédule, à moitié convaincu que ce n’était là que ce n’était que son esprit qui lui jouait des tours, mais il finit par croiser le regard de Noire et il sut immédiatement que ce n’était pas un rêve. Les yeux dorés de la louve brillaient d’espoir, de bonheur, et ... d’amour.
Le visage de Reaven s’éclaircit d’un large sourire et celui avança vers Noire, se jetant presque sur elle, débordé par l’émotion comme il l’était, et l’enlaça à la manière que les loups ont de le faire, en enfouissant sa tête dans la fourrure de l’encolure de sa bien-aimée. Jamais il ne s’était senti de cette manière pour qui que ce soit et, à vrai dire, n’avait même jamais entretenu de relation qui dépasse le stade d’amourette d’adolescents ; et la vague d’émotions qui le submergeait dépassait de loin tout ce qu’il avait pu imaginer, aucun mot ne pouvait décrire la manière dont il se sentait à présent. Alors il restait silencieux, laissant ses larmes de joie parler pour lui.
hrp:
T'inquiètes moi non plus et c'est la première fois que j'en écrit 8') Du coup je te laisse demande l'archivage ? o/
Reaven, qui jusque là était resté plutôt gêné et silencieux, en attente d'une réponse, éclaira son visage gris d'un sourire heureux. Noire de son côté, était aux anges. Elle le regarda venir vers elle, et enfouir sa tête dans sa fourrure sombre. Le coeur battant, elle resta d'abord immobile, ne sachant pas trop qu'elle attitude prendre, puis se laissa finalement aller, et détendit ses muscles, laissant son souffle chaud caresser les oreilles du mâle. Elle lui offrit un léger coup de langue sur le dessus de la tête en se serrant un peu plus contre lui. Là commençait leur histoire, le début d'une nouvelle aventure. Noire se sentait prête, prête à rejoindre les Esobeks et à rester pour toujours à ses côtés, lui, le guérisseur qui venait de lui offrir une nouvelle chance. Ne restait plus désormais qu'à recevoir l'approbation de Plume Rousse et Nymeria...