Ses paupières se plissèrent lorsqu'elles rencontrèrent la lumière, à la sortie de la faille de l'autoroute. Même filtrée par les nombreux nuages qui jetaient des ombres menaçantes autour de lui, elle était forte comparée à ce qui l'atteignait dans les soutterains où il avait erré en quête de nourriture. Vainement jusqu'à ce qu'il trouve un poisson maigrichon pour toute pitance.
Il resta un moment à observer le paysage, indécis. Zirconium ne devait plus laisser aller au hasard, maintenant. Peut-être la plaine grisâtre qui s'étendait non loin de la ville en ruine serait plus propice à ses recherches.
Le solitaire mit un petit temps à la rejoindre; aussitôt y fut-il qu'il s'empressa de localiser les moindres endroits où pouvaient se cacher des choses intéressantes. Ses yeux gris parcoururent l'horizon, et sa truffe frémit; peut-être aurait-il plus de chance.

L'odeur qui finit par atteindre ses narines au bout de ses recherches n'avait rien de plaisante, pourtant elle lui rendit un soupçon d'espoir. Un paté d'une couleur peu ragoûtante, durci par le froid, à demi recouvert de givre.
Qui disait crottes disait animal pour crotter. Et Zirconium comptait bien le trouver, cet animal.

Il ne débusqua le responsable que le lendemain. Un lapin. Mort, de froid ou faim, il n'en savait rien, mais mort.Il n'y avait qu'à espérer qu'il ne serai pas aussi avarié que le poisson.
Ne se sentant sérieusement pas de l'avaler avec l'intoxication qu'il s'était tapé, il se contenta de le ramener dans un trou, où il avait passé la nuit. Voilà son nouveau camp temporaire, songea-t-il en observant la cavité.

Le lapin voyageait seul car il ne trouva aucune autre piste sur le lieu de sa précédente découverte. Il s'en repartit les machoîres vides.

L'ail ne se mangeait pas. En trouver ne lui servit à rien sinon à le laisser sur place avec un mouvement d'épaules résigné, quoique continuant ses recherches.

Le cri que Zirconium émit, de surprise, en sentant ses pattes se dérober sous lui emportées par une étoffe humaine résonna un court moment dans la plaine. Des draps. Comme si ça allait lui être utile. Il y jeta un coup d'oeil agacé et reprit sa route, pour tomber ensuite un rat mort. Faisant preuve de prudence, il le regarda d'un air méfiant; il ne semblait pas montrer trace de blessure, de fourrure insuffisante ou de famine... Comment était-il mort? Un rat n'était pas un modèle de propreté ou de non-maladie...
Il passa son chemin, malgré les protestations de son ventre. Il en avait déjà eu assez avec son mauvais poisson.

Ce qu'il trouva en compensation de son rat fut plutôt surprenant puisqu'il s'agissait d'un lièvre - ou plutôt d'un demi-lièvre.
Il ne semblait pas malade ou quoi que ce soit. Peut-être avait-il été bouffé par une belette. Ca tuait tellement que ça mangeai rarement tout. Oui mais en plein hiver...?
La faim l'emporta et il saisit la dépouille entre ses crocs vers son trou plus ou moins aménagé.